Les fausses notes de concerto

31 janvier 2011

« Outil fastidieux, lourd, inadapté aux petites structures… » Concerto ne déclenche pas un concert de louanges parmi les premiers vendeurs directs à l’avoir testé lors de demi-journées de formation organisées par le BNIC à la mi-décembre.

Des critiques émergent de quelques-uns. Certes les viticulteurs-vendeurs directs font partie des gens réactifs. Pour vendre des bouteilles, il faut de la « tchatche ». Mais qu’un Charentais décroche son téléphone pour se plaindre est un signe qui ne trompe pas. L’insatisfaction atteint sa cote d’alerte. Les principaux reproches exprimés par les vendeurs directs sont les suivants : manque de convivialité et d’ergonomie du logiciel, absence de lisibilité entre ce qui doit être renseigné pour la Douane et ce qui est demandé par le Bureau national du Cognac, bulles d’aide défaillantes, emploi d’un langage hermétique, abus de sigles et surtout inadaptation de Concerto aux spécificités de la vente directe. Manifestement, pour certains viticulteurs-vendeurs directs, dématérialisation = déstabilisation. A noter que d’autres vendeurs directs ayant également suivi la formation relativisent le pas à franchir. Cela ne leur paraît pas insurmontable. « L’homme est adaptable » disent-ils (voir encadré). Interrogées, les personnes ressources du BNIC répondent aux critiques, précisent le cadre réglementaire et annoncent l’arrivée imminente d’une version 2 de Concerto qui devrait régler en grande partie les problèmes (voir article). Restent les « fausses notes » de Concerto, détectées à la première écoute.

− Manque de convivialité – Les premiers utilisateurs dénoncent un certain manque d’ergonomie de la plate-forme de saisie. Par exemple, « comment fait-on pour se déconnecter » ? Il y a bien une petite croix en haut à droite mais elle est peu visible et peu explicite. Même interrogation sur la procédure de sauvegarde de la saisie en cours. A aucun moment, l’on vous demande de valider votre travail. La seule procédure de sauvegarde, semble-t-il, consiste à créer un « modèle » grâce à la fonction « sauver comme modèle ». Mais, question subsidiaire, comment fait-on pour retrouver le modèle ? Doit-on se souvenir de son nom ? On vous demande le numéro de dossier douanes mais qui doit créer le numéro ? Apparemment c’est vous mais ça n’est pas expressément dit. Plus embêtant peut-être : vous n’êtes pas guidé dans le déroulé de votre travail de saisie. Des onglets s’ouvrent, sans ordre : facture, destination, livraison… A vous de choisir. « Par quel onglet dois-je démarrer ? » Quel est le meilleur chemin pour aboutir, au final, sur le document validé ? Peut-être faut-il aller voir sur le « tutoriel video » disponible pour tous les opérateurs sur « Concerto NEWS ». Mais l’habitude n’est pas encore prise.

− L’attribution des informations – Apparemment ce point perturbe passablement les opérateurs. Ils aimeraient bien savoir « à qui revient quoi » ; « qui reçoit quoi et qu’est-ce qui est important pour qui ? ». Que faut-il renseigner pour la Douane afin d’apurer le titre de mouvement et qu’est-ce qui va servir au Bureau national du Cognac pour ses missions ? En la matière, les primo-utilisateurs de la plate-forme soulignent un « flou artistique ». Flou artistique que ne contribue pas à lever la notion de « champ obligatoire » matérialisée par un astérisque rouge. Manifestement, il existe des « champs obligatoires » aussi bien pour la procédure douanière que pour le BN. Bien qu’on leur dise que le DAE « est la photo du DCA », ils ont du mal à le croire.

− Des bulles « creuses » – Censées éclairer les utilisateurs, les bulles d’aide sont parfois peu signifiantes. Elles souffrent d’un langage trop technique, d’un abus de sigles. Information prise, ce serait du « langage douanier ! ». Certes mais, langage douanier ou pas, cette « novlangue » prête à sourire. Savez-vous ce qu’est « un indicateur de circonstances spécifiques » ? ; des « quantités d’unités supplémentaires », ou encore une « propulsion propre » en matière de transport de marchandise ? Serait-ce une caisse à patte ? Toujours dans le domaine du transport, on vous demandera d’indiquer « le pays où se produit la première rupture de transport actif ». Bon courage ! Par PDD, vous comprendrez « Procédure de dédouanement à domicile ». Mais que signifie PDU ? Oups ! j’ai oublié. En fait, il s’agit de la Procédure de dédouanement unique. « Si vous n’êtes pas un spécialiste de l’acronyme, vous êtes mort » s’amuse un vigneron.

− Inadaptation à la vente directe – Très clairement, ce point-là focalise les critiques des petits metteurs en marché. « Nous, nous faisons de l’épicerie, de l’échantillonnage » disent-ils. A première vue, ils trouvent que la plate-forme a davantage été conçue « pour de l’export type grand négoce, par palettes. » Eux, les vignerons, ils leur arrivent souvent d’expédier à un caviste ou à un particulier 2 bouteilles de Cognac de 70 cl, quelques mignonnettes, une carafe XO, quatre bouteilles de Pineau et, pour faire bonne mesure, une bouteille de crème de cassis. Première difficulté : le système ne connaît que les caisses de 6 ou de 12 bouteilles. Pourtant, il faut renseigner obligatoirement le nombre de caisses…et noter 0 quand les caisses ne sont pas remplies. « C’est aberrant ! ». Derrière, le nombre de bouteilles s’affiche « mais cela fait des comptes d’apothicaire et génère des sources d’erreurs ». Deuxième difficulté : le travail de nomenclature. Pour chaque article, il va falloir créer une ligne. Et quand vous avez trente produits… « Ce qui nous demandait 5 mn va réclamer 20 mn. Multipliez ça par le nombre de clients. Une vraie usine à gaz ! Aujourd’hui on nous demande de faire le travail des Douanes et du BNIC. On va pouvoir embaucher des secrétaires à plein-temps. » Un autre point achoppe chez les viticulteurs : la non-automaticité des calculs. Dans sa première version, début décembre, le système n’additionnait pas les volumes. Dans ces conditions, la calculette restait toujours indispensable. Mieux ! On leur demande de nouveaux renseignements comme d’indiquer le poids des liquides (obligation douanière). « Il va falloir repotasser les bouquins ». Avec la dématérialisation, les opérateurs avaient imaginé « qu’ils n’auraient plus rien à remplir à la main ». Tenue des stocks, DRM (déclaration récapitulative mensuelle)… tout allait rejoindre la bonne case d’un simple clic. Que nenni. La DRM papier est toujours exigée. « C’est de la folie douce ! » Interrogé sur ce point, le BNIC précise « que la DRM, ce n’est pas un titre de mouvement. Il faudra intégrer d’autres documents mais c’est prévu ».

La dématérialisation pose aussi le problème de la disponibilité des personnes. Sous la version papier, le vendeur direct pouvait partir en foires ou salons. Il préparait à l’avance ses documents d’enlèvement papier. Quand le camion arrivait dans la cour, il était à la portée de tous de noter la date et l’heure d’expédition. Aujourd’hui ce n’est plus possible. Il faudra d’abord que l’ordinateur comportant le certificat de sécurité soit sur place (et non avec l’exploitant) ; et qu’ensuite qu’une personne opérationnelle en informatique puisse envoyer le document pour validation. « Il n’est pas sûr que les concepteurs de la plate-forme sachent vraiment comment nous fonctionnons » grognent les vendeurs directs. « En novembre ou en décembre, nous sommes presque toujours en déplacements. Mais c’est également durant ces mois que part l’essentiel des commandes. » Par ailleurs, une série de questions assaillent les petits opérateurs. « Nos programmes de gestion des ventes seront-ils compatibles avec Concerto, notamment les petits programmes, utilisés par peu de personnes ? » « Pourrons-nous continuer à indiquer les crus de nos Cognacs – Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, Fins Bois, Bons Bois… – où serons-nous obligés de renseigner la rubrique « multi-crus » comme cela semble être le cas pour les structures de négoce ? Or, bien que bouilleurs de cru, nous avons pratiquement tous une structure de négoce à côté.

« Ce logiciel, disent-ils, n’incite pas les gens à faire de la mise en bouteille. Certes, nous ne représentons que 2 % des ventes de Cognac mais nous aurions pu être davantage consultés. Pourtant le 4 janvier, des commandes partiront et il faudra faire face. »

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