Vignes grêlées : des choix de tailles complexes

5 mars 2019

Après une grêle de forte intensité comme celle de 2018, la qualité des bois de taille est souvent mauvaise et très hétérogène selon l’âge et la vigueur des parcelles. L’architecture des ceps et les principes d’établissement de la taille en guyot double ont été fortement malmenés et tailler de telles vignes n’est vraiment pas facile. La présence d’une végétation anarchique (buissonnante), une répartition des bois bouleversée, un mauvais état de développement des coursons, des courants de sève remis en cause, la fragilité des sarments présents (liés aux impacts des grêlons) représente « un mauvais capital de bois de taille » sur lequel, il faut pourtant construire la productivité à venir et la pérennité des souches. Beaucoup de viticulteurs s’interrogent sur le choix des pratiques de taille les plus adaptées à ces différentes situations. Les conseils des techniciens de terrains et les retours d’expériences de viticulteurs ayant subi des sinistres grêles constituent un vivier d’informations riches sur lequel les tailleurs peuvent s’appuyer.

Dans les vignes grêlées à plus de 50 % à la suite du sinistre du 26 mai dernier, la plupart des tailleurs qu’ils soient débutants ou expérimentés se sentent souvent « apprenti » devant l’état des souches. La très mauvaise qualité des bois suscite beaucoup d’inquiétudes vis-à-vis de la pérennité des souches et de la prochaine récolte. La présence d’une végétation généralement maigre et surtout très inhabituelle constituée à la fois de fragments de sarments blessés de premières génération et d’autres sarments de deuxième génération (développés après la grêle) plus chétifs et mal placés est une réalité avec laquelle, il faut composer. Les viticulteurs s’interrogent beaucoup sur les approches de taille les plus adaptées à un contexte de rareté de sarments de qualité et bien placés.

 

De nombreuses interrogations au niveau de qualité des bois

           

            Les sarments impactés par des blessures profondes sont-ils en mesure d’assurer une circulation normale de la sève ? Leur sensibilité à se casser au moment de l’attachage permet-elle d’envisager de les utiliser comme des bois de taille ? Les entre-coeurs qui se sont développés sur les fragments de sarments restants seront-ils fructifères ? Les gourmands présents sur les têtes de souches et les bras ne sont-ils pas une opportunité pour établir de belles lattes ? Dans les parcelles très touchées (à plus de 70 %), faut-il chercher à tailler sur le principe des coursons et longs bois ou carrément opter pour une taille courte à coursons et demi-lattes ? La qualité de l’aoûtement et les niveaux de mise en réserve des parcelles très grêlées ne sont-ils pas des éléments à prendre en compte dans le choix d’un mode de taille ? La difficulté pour les viticulteurs est aussi d’être en mesure de conjuguer ces aspects techniques de choix de tailles de post-grêle aux disponibilités en main-d’œuvre des propriétés. Faire le choix d’opter pour une taille guyot induit des temps de taille plus longs qu’il faut anticiper sur le plan de l’organisation des travaux d’hiver.

 

Reconstruire la taille en ayant le souci de retrouver une productivité pérenne 

 

            Les souches doivent être littéralement reconstruites en ayant le double objectif de stimuler leur capacité à émettre des bois de taille bien placés dès le débourrement 2 019 et de retrouver d’ici un ou deux ans de pleines potentialités de production. Les tailleurs vont devoir mettre en œuvre une stratégie de reconstruction des souches en faisant preuve de grandes compétences. Tailler des vignes grêlées à plus de 50 % est un travail d’expert. Il faut être capable de tirer profit d’un capital de sarments limités et rarement en phase avec les principes de taille habituels. La diversité des situations à quelques mètres prêts amène les techniciens, les viticulteurs, les tailleurs à s’interroger sur la recherche des meilleures approches de sélection des bois. Les enjeux actuels de productivité dans la région de Cognac rendent la problématique de la taille des vignes grêlées encore plus sensible. La tentation de privilégier une restauration la plus rapide possible de la productivité aura comme conséquence de fragiliser fortement  la pérennité des souches et des vignes.

 

Des enjeux de restauration des principes de circulation de la sève prioritaires            

 

            Privilégier une recherche de productivité rapide dans des parcelles fortement grêlées ne doit pas occulter la pérennité de souches dans le temps surtout dans des vignes de moins de 20 ans. Tailler des souches grêlées fait appel à une réflexion technique privilégiant les enjeux de restauration des bons équilibres de végétation et de circulation de la sève. La réintroduction des principes de courant de sève doit être l’élément de base de la taille avant de penser aux enjeux de productivité du millésime à venir. Le véritable challenge est de repenser la construction de la taille en ayant le souci de retrouver une productivité pérenne. Les témoignages de divers viticulteurs confirment, qu’après une grêle de forte intensité intervenant entre la fin mai et la mi-juin, les perspectives de productivité l’année suivante dépassent rarement 75 % d’une récolte normale.

 

Une végétation de deuxième génération bien décalée tout au long de la saison

 

            En 2018 la grêle est intervenue fin mai, 10 à 15 jours avant la floraison à une période que l’on peut qualifier de pas réellement précoce et de pas très tardive. L’état de la végétation déjà avancé (des rameaux de 60 à 80 cm de long), dans une phase dite poussante a rendu les tissus végétaux tendres et forcément très vulnérables aux chocs des grêlons. Dans beaucoup de situations, les dégâts ont été si forts qu’il ne restait que des fragments de jeunes rameaux de 2 à 3 mérithalles maximum et d’une longueur de 20 à 30 cm. Dans les situations les plus extrêmes, quasiment aucune végétation était présente sur les bois de taille de l’hiver 2017/2018. Ces parcelles avaient retrouvé fin mai, leur aspect d’avant débourrement en mars. Après une phase de latence d’environ deux semaines, la végétation est repartie de façon anarchique. De nouveaux rameaux se sont développés à partir de bourgeons sourds sur les bras et les têtes de ceps ce qui a conféré un aspect très buissonnant à la végétation. Ensuite, des entre-coeurs ont souvent repoussé sur les fragments de rameaux restants (de 15 à 20 cm de longueur) avec une vigueur très variable. D’une manière générale, la climatologie chaude et humide de juin et juillet a été plutôt propice au redémarrage des vignes grêlées. Néanmoins, cette végétation a accusé un net retard de développement qui constitue toujours un risque vis-à-vis de la qualité de l’aoûtement et du niveau de mise en réserves.

 

Une arrière-saison en théorie propice à de bonnes mises en réserves

 

            Heureusement, la nature s’est montrée clémente durant le cœur de l’été et tout l’automne. Le beau temps persistant et très sec s’est poursuivi dans l’arrière-saison ce qui constitue en théorie un contexte favorable. La végétation tardive de deuxième génération a été en mesure d’accomplir un cycle de développement le plus complet possible. Le seul sujet d’interrogation concerne l’incidence du stress hydrique prolongé vis-à-vis de la fonctionnalité de la surface foliaire de deuxième génération. Visuellement, les parcelles grêlées qui portaient une charge faible de raisins, n’ont pas extériorisé de symptômes de sécheresses en août et septembre. Par la suite, l’arrivée des premières pluies et surtout la diminution des niveaux de températures en octobre ont limité l’impact des situations de stress hydrique. Le bon sens laisse donc penser que la faible charge de grappes dans les zones bien grêlées a sûrement permis à la végétation de mobiliser son activité photosynthétique sur la qualité de l’aoûtement des sarments et les efforts de mises en réserves.

 

L’aoûtement et la constitution de réserves, des phénomènes importants pour le démarrage du cycle végétatif suivant

 

             L’aoûtement et la mise en réserves de nutriments dans les bois, les troncs et les racines sont deux phénomènes qui commencent à la même époque mais se déroulent aussi de manière différente. L’aoûtement s’apparente à un phénomène de maturation des bois qui transforme grâce à des phénomènes de lignification les rameaux verts en sarments. Des bois bien aoûtés acquièrent une résistance naturelle à la période climatique hivernale (au froid) et un état physiologique propice à un débourrement au printemps suivant. Durant cette phase, les rameaux connaissent des transformations internes profondes et encore méconnues mais que beaucoup de spécialistes considèrent comme importantes vis-à-vis des potentialités de production du cycle végétatif suivant. La qualité de l’aoûtement s’apprécie très souvent visuellement en observant l’état des bois qui prennent une couleur marron et deviennent durs. Néanmoins, la modification de couleurs et de l’état des sarments ne sont pas pour autant des indicateurs qualitatifs pertinents d’un bon aoûtement. Le test historique à l’iode (application d’une d’iode à 1 % sur des coupes de sarments fraîches) s’avère peu précis mais en cas de coloration faible, il atteste d’un mauvais aoûtement. Des travaux plus récents ont établi que la notion du bois aoûté reposait sur l’étude des variations des principaux glucides tout au long du cycle végétatif. Le stade bois aoûté serait atteint lorsque les niveaux de glucides totaux atteignent leur premier niveau maximum qui coïncide en général aussi avec la teneur en glucide insoluble maximum, l’amidon.

 

 

Des mises en réserves stimulées par la fonctionnalité de la surface foliaire

 

            La phase de mise en réserves est un phénomène associé à l’aoûtement mais qui se déroule tard en saison jusqu’au moment ou les feuilles perdent leurs teneurs en chlorophylle. L’activité photosynthétique de la surface foliaire produit des nutriments qui sont mis en stock par les souches. Ces composés jouent un rôle majeur vis-à-vis du débourrement et du démarrage du cycle végétatif suivant. La vigne stocke de l’amidon, divers sucres, des acides aminés et divers éléments minéraux dans les sarments, les bras de ceps, les troncs et les racines. Les souches avec leurs nouvelles racines utilisent (ces réserves) tous ces nutriments pour faire éclore les bourgeons et assurer le développement des premières feuilles jusqu’au moment ou celles-ci deviennent fonctionnelles en matière de photosynthèse. La vigne commence à reconstituer des réserves à partir de la véraison dans la mesure où la production de nutriments est supérieure aux besoins d’alimentation des grappes. Après les vendanges, les mises en réserves sont liées au degré de fonctionnalité du feuillage.

 

La quantification précise des niveaux de réserves toujours à l’étude

 

À l’issue d’un millésime précoce comme celui de 2018, le feuillage est resté fonctionnel durant presque deux mois après la récolte ce qui est potentiellement bien. La première gelée d’importance n’est intervenue que le 21 novembre. Au vu de ces éléments, on peut penser que la période de mise en réserve a été assez longue même pour les vignes grêlées. L’appréciation juste des niveaux de réserves accumulées dans les souches reste un sujet d’interrogation et d’études pour les techniciens et les chercheurs. Des démarches techniques de terrains ont été mises en œuvre au cours des dernières années pour les quantifier en réalisant des analyses de sarments. Les prélèvements de bois doivent intervenir durant la phase de plein repos végétatif entre début décembre et la fin janvier. Ces analyses permettent de doser les teneurs en amidon, les sucres totaux et parfois aussi divers composés minéraux présents seulement dans les sarments. Néanmoins, il n’est pas certains que les résultats de ces dosages dans les sarments soient corrélés aux niveaux de réserves dans les troncs et les racines.

 

            La profondeur des blessures peut-elle gêner la circulation de la sève ?

 

            L’autre interrogation principale suite à la grêle concerne les conséquences des blessures occasionnées sur les rameaux verts devenant ensuite des sarments dont certains peuvent être utilisés comme bois de taille. Les crevasses occasionnées par les impacts des grêlons seront-elles en mesure de perturber la circulation de la sève des futurs bois de taille ? Là aussi, les techniciens et les chercheurs ne sont pas en mesure d’apporter d’éléments de réponse fondés sur des travaux scientifiques car il n’est pas facile de mettre en place des essais suite à des sinistres de grêle. Par contre, les flux de circulation de sève au sein des rameaux verts sont connus. Ils se déroulent dans des tissus végétaux assez proches de l’écorce des sarments. Dans les plantes deux types de vaisseaux conducteurs, véhiculent les deux flux de sève, la sève brute et la sève élaborée. Ils jouent le rôle en quelque sorte de « tuyaux d’arrosage » positionnés en dessous l’écorce des sarments et tout autour des troncs et des bras des souches.

 

Des vaisseaux conducteurs de la sève  situés en dessous l’écorce

 

            La sève brute circule sous la forme d’un flux ascendant qui transporte l’eau et les éléments minéraux des racines vers les organes aériens. Les vaisseaux la transportant sont situés dans la fraction supérieure du xylème, un tissu situé à juste en dessous le cambium à une profondeur de quelques millimètres sous l’écorce. La sève élaborée suit un itinéraire bien différent en descendant les sucres produits lors de la photosynthèse par les feuilles vers les autres organes. Elle utilise un autre réseau de vaisseaux, le phloème, un tissus situé juste au-dessus le cambium à une profondeur de quelques millimètres. La présence du cambium est importante, car c’est ce tissus qui fabrique à la fois les deux types vaisseaux conduisant la sève, le xylème et le phloème. La circulation de la sève intervient dans la zone des premiers millimètres de tissus situés sous l’écorce.

 

De probables phénomènes de compensation de circulation de sève

 

            Les blessures même importantes en surface qui se limitent à l’écorce sont les moins graves. Par contre, des impacts ayant dégradé la fraction de bois en dessous l’écorce, risquent en théorie d’avoir affecté les vaisseaux conducteurs des deux flux de sève. Néanmoins, les blessures occasionnées par les grêlons affectent de manière dominante qu’un seul côté des sarments. La fonctionnalité des vaisseaux conducteurs  sur l’autre face des sarments est en général bien préservée. Les retours d’expériences des viticulteurs ayant subi de forts sinistres de grêle au cours des dernières années viennent cautionner cette hypothèse de gêne limitée de la circulation de la sève dans les sarments meurtris sur une seule face. Des bois d’une longueur raisonnable portant une charge de 5 à 8 bourgeons adaptée à leur état et à leur vigueur ont démontré leur aptitude à produire des quantités de grappes intéressantes l’année suivant les sinistres. Certains techniciens de terrains ayant suivi de telles parcelles pensent qu’il doit se produire des phénomènes de compensation des flux de circulation dans les zones saines des bois.

 

 

 

Ne pas laisser une trop forte charge de bourgeons après une grêle intense

 

            Dans les parcelles grêlées moyennement (entre 40 et 70 %), la tentation de laisser des bois de taille assez longs pour retrouver au plus vite de bons rendements s’avère généralement improductive. Divers témoignages de viticulteurs attestent que de telles démarches perturbent durablement le développement de la végétation et nuisent à la repousse de bois de taille bien placés. Les gros efforts des souches, l’année du sinistre pour développer la seconde génération de végétation, (à partir de leurs réserves) constituent un traumatisme sur le plan de la physiologie pouvant avoir des conséquences sur les deux cycles végétatifs suivants. Des situations de charges de bourgeons trop importantes la première année après un grêle l’ont démontré. Après des incidents climatiques aussi graves, il faut commencer par « ménager sa monture » pour retrouver des vignes en pleine santé. La recherche d’une charge  de seulement 5 à 7 bourgeons de chaque des ceps est propice à un redémarrage de la végétation équilibrée et en priorité au niveau de la base des bras de souches.

 

Réserver les bois les plus sains à la reconstruction des coursons

 

L’absence de blessures profondes s’avère en fait plus problématique pour la sélection des coursons que des lattes. Ces dernières, de par leur fragilité ont un risque de casse accrue lors de l’attachage ce qui constitue un handicap vis-à-vis du potentiel de productivité de l’année suivante mais n’affecte pas la pérennité de la taille. À l’inverse, les coursons représentent le support de l’avenir de la taille pour l’hiver 2019/2020 et les suivants. C’est à partir des rameaux qui se développeront au printemps prochain sur les coursons que la reconstruction des souches pourra être abordée avec cohérence. Leur sélection à partir de bois les plus sains possible représente donc un enjeu majeur de la taille de cet hiver. Les retours d’expériences de viticulteurs ayant été confronté à ce type de situation confortent ces propos. Quand les blessures au niveau du deuxième mérihtale sont trop importantes, le fait de raccourcir le courson à un seul bourgeon est une solution certes pas idéale mais possible. L’appréciation visuelle par le tailleur de la profondeur des blessures reste un critère à privilégier pour sélectionner les bois de taille.

 

Faut-il tailler en guyot ou en s’appuyant sur des coursons allongés ?

 

            Après des grêles de moyennes et de fortes intensités quel type de taille faut-il choisir de mettre en œuvre ? La priorité est de reconstruire l’équilibre végétatif des souches en ayant une réflexion adaptée à la fois à la qualité des bois parcelles et aux réalités d’organisation des travaux de chaque propriété. Deux alternatives sont possibles, privilégier une taille en guyot double courte avec des coursons le mieux placés possible ou tailler uniquement à coursons allongés sur le sarment de l’année précédente. Il ne faut pas opposer l’intérêt de ces deux pratiques mais au contraire essayer d’en analyser leurs bien-fondés et leurs limites. Les retours d’expériences de beaucoup de viticulteurs ayant subi des sinistres de grêle sont souvent fortement corrélés à la situation propre d’une propriété et forcément, les solutions avancées ne sont pas  transposables en l’état partout. L’intérêt porté à la taille par le chef d’exploitation, les disponibilités en personnel qualifié pour tailler et attacher, la surface de vignes grêlées au sein d’une propriété, les contraintes économiques sont des éléments qui interfèrent fortement sur le choix d’une stratégie de taille.

 

La qualité de la repousse de bois, l’élément de décision majeur

 

Les techniciens régionaux ont mené depuis quelques années des réflexions constructives vis à vis des choix de taille après les sinistres de grêle. Leur approche se veut la plus raisonnée possible sur le plan technique et aussi vis-à-vis des aspects de gestion des travaux. La prise en compte du degré d’intensité du sinistre et de la qualité de la repousse des bois restent des éléments de réflexion majeurs pour décider d’opter pour un mode de taille. Suite au sinistre de grêle du 8 juin 2014, Jean-Christophe Gérardin et ses collègues de la chambre d’agriculture de la Charente avaient proposé à l’époque un protocole de réflexion qui se révèle toujours d’actualité. En 2018, la grêle est intervenue une dizaine de jours plus tôt ce qui a permis à la végétation de repartir un peu plus vite. Concilier les enjeux de production de raisins de la récolte à venir et la pérennité de la taille des souches sont deux objectifs indissociables dont le gradient de priorité fluctue en fonction de l’intensité des dégâts et l’état de santé agronomique des parcelles. D’une manière générale, dans les situations de parcelles grêlées à moins de 70 %, les souches portent des sarments certes abîmés mais encore solides et surtout l’architecture des courants de sève n’est pas déstructurée. Il paraît donc possible d’envisager de retrouver la structure une taille en guyot double plus courte même si l’attachage des baguettes nécessitera beaucoup de souplesse.

 

Créer les conditions pour retrouver une végétation équilibrée

 

            Dans les zones touchées entre 80 et 100 %, l’état de repousse de la végétation sera l’élément clé de choix de la taille en tenant compte aussi des disponibilités en main-d’œuvre de chaque propriété. La difficulté de la taille de ces parcelles réside dans le fait de privilégier une reconstruction pérenne avec un capital de bois de qualité souvent limité. Laëtitia Caillaud, la conseillère viticole de la Chambre d’agriculture de Charente Maritime considère que dans les parcelles fortement ayant une vigueur de repousse bonne, la taille en guyot double courte constitue un gage de productivité meilleur pour la récolte 2 019. Avec un cépage comme l’ugni blanc, les bourgeons de la base des sarments sont moins fertiles que ceux du 6e au 8e niveau. Néanmoins en présence d’une végétation trop maigre, la mise en place d’une taille à coursons mi-courts est une autre possibilité. Son bien-fondé a déjà été mis en évidence dans la mesure où la charge de bourgeons est limitée. Les techniciens conseillent de laisser des coursons allongés à 3 yeux maximum et non pas des demi-lattes plus longues. En laissant 3 à 4 coursons de chaque côté des ceps (d’une longueur à 2 à 3 bourgeons), les perspectives d’obtenir une végétation équilibrée lors du cycle végétatif 2 019 sont meilleures. Dans les vignes attachées à plat, leur positionnement sur la latte au plus près de la tête souche est conseillé. Dans les parcelles établies en arcures doubles, les coursons devront être implantés dans la montée de la courbure des bois.

 

Les praticiens mettent en avant le bonus de productivité des Guyot doubles     

 

            L’un des constats majoritaires des praticiens est tout de même que le choix d’une taille en guyot double est très souvent plus intéressant même dans des parcelles très affectées. L’année suivant la grêle, e niveau de productivité s’avère un peu supérieur et la sortie de bois de taille (surtout des coursons) bien placés est intéressante quand la charge de bourgeons a été modeste. Par contre, cette pratique engendre des temps de travaux plus importants au niveau de la taille (+ 30 à + 40 %) et lors de l’attachage (+ 30 %). Plusieurs viticulteurs ayant un vécu des vignes grêlées considèrent que tailler en guyot des parcelles grêlées à plus 70 % nécessite de vraies compétences en matière d’établissement des souches et aussi une assiduité morale au travail forte. L’un d’eux expliquait que tailler des vignes « abîmées » à longueur de journée et de semaines est un travail usant sur le plan moral. L’attachage d’une majorité de lattes fragiles nécessite aussi du doigté, plus de temps et de l’anticipation par rapport aux conditions climatiques.

 

La taille à coursons allongés plus rapide mais aussi technique

 

            Les retours d’expériences vis-à-vis des tailles 100 % à coursons allongés attestent de rendements souvent moins importants l’année après une grêle et des repousses de bois bonnes dans les vignes en formes. La mise en œuvre de la taille à coursons longs nécessite une certaine technicité pour sélectionner des bois à la base des troncs dans les courants de sève et ensuite équilibrer la charge de bourgeons des petites demi-lattes (de 3 bourgeons maximum) sur les bois de taille de l’année précédente. Ce mode de taille qui en théorie peut paraître plus simple à mettre en œuvre ne l’est pas forcément quand on a le sécateur en main. Le fait de réaliser un prétaillage améliore la vision des souches pour le personnel et facilite les opérations de sélection de bois et de nettoyage. En matière de temps de travaux, l’intervention de taille de finition après un prétaillage mécanique est bien sûr moins lourde que la mise en œuvre du principe guyot double. L’absence d’attachage est aussi un argument technique et économique à ne pas sous-estimer dans les propriétés faisant appel à du personnel extérieur.

 

 Reconstruire les troncs des plantations de 2eme feuille, la seule solution pour l’avenir

 

            Dans les jeunes vignes, c’est là que les conséquences de la grêle sont les plus préoccupantes. Les rameaux sont naturellement vigoureux et tendres ont été fortement marqués par les impacts des grêlons et même parfois cassés. Dans les parcelles de 2 ans, qui étaient montées au fil, la sélection du sarment devant faire office de futur tronc avait été effectuée dans les jours précédant l’orage de grêle. La présence de grosses blessures sur ces rameaux tendres a affecté les tissus végétaux profondément et il est fort probable que les vaisseaux conduisant la sève, le xylème et le phloème, aient perdu une grande partie de leur fonctionnalité. S’appuyer sur de tels rameaux pour construire les troncs des souches n’est donc pas souhaitable. Les techniciens estiment de façon unanime qu’il faut reconstruire le futur tronc en rabattant le bois à 2 à 5 bourgeons selon la vigueur des plants. La longévité des souches durant les trois ou quatre décennies à venir repose sur l’implantation de « tuyauteries » d’alimentation en sève en parfait état. Cette pratique va bien sûr retarder le développement des jeunes vignes d’une année mais la priorité est d’établir les futurs ceps sur des troncs de ceps pleinement fonctionnels. La réalisation d’un égourmandage sérieux au printemps prochain sera essentielle pour sélectionner les beaux bois et peut envisager d’établir la fourche de ceps en vert si la vigueur des plants est suffisante.

 

Miser sur les bourgeons du dessous des fourches des vignes de trois ans

 

            L’état de vignes de trois ans est encore plus préoccupant car leur établissement était déjà effectué. Les rameaux censés devenir les deux bras des jeunes ceps ont été profondément abîmés. Les profondeurs des blessures sur ces bois sont un vrai sujet d’inquiétude. Les techniciens pensent qu’il faut conserver les troncs en essayant de laisser des fourches courtes avec seulement 4 à 5 bourgeons qui permettront l’attachage de l’extrémité des bois au fil porteur. Le fait de laisser des bois plus longs de chaque côté des troncs aurait de grandes chances d’amplifier les risques de mauvais débourrement à la base des fourches du cep. Or, la phase d’établissement en 3e et 4e années construit la charpente et l’architecture des souches pour les 20, 30 ou 40 ans à venir. C’est durant cette phase de formation des souches que le respect et la bonne implantation des courants de sève s’avèrent déterminants. Heureusement, la grêle a souvent abîmé les bourgeons du dessus des bois mais pas ceux d’en dessous, d’où l’importance de favoriser la sortie de ces derniers au printemps 2019. Dans les situations les plus extrêmes où la sélection d’une fourche de deux bois n’est pas possible, le recours à un ou plusieurs bourgeons sur un courson à la base du tronc peut être un ultime recours. La réalisation au printemps d’un égourmandage intelligent s’apparentant à une véritable taille en vert sera dans ces vignes aura une importance capitale.

Bibliographie :

– L’équipe de techniciens viticoles des chambres d’agriculture de Charente

Laetitia Caillaud conseillère viticole de la chambre d’agriculture de Charente Bertand Clément conseillèr viticole de la chambre d’agriculture de Charent

– Vincent Dumot de la Station Viticole du BNIC

– Le manuel des pratiques viticoles contre les maladies du bois réalisé par la SICAVAC et le BIVC

– La 11e édition du manuel de viticulture d’ Alain Reynier

 

 

Les mises en réserves de nutriments, une phase clé de chaque fin de cycle végétatif.

           

            Durant les périodes du cycle végétatif à partir de l’aoûtement et allant jusqu’au plein repos végétatif à l’automne et en début d’hiver, la concentration et la nature des composés assurant les réserves au sein des souches évoluent profondément. Alain Reynier dans la 11eme  édition de son manuel de viticulture a décrit les mécanismes de mises en réserves et de leur transformation au cours de l’hiver. Voici les éléments qu’il met en avant

 

– Le retrait de sève se produit au moment de la chute des feuilles          

            Au moment de la chute des feuilles, la conduction de la sève dans les vaisseaux du bois s’arrête et il se produit un phénomène « de retrait de sève ». L’alimentation en eau des sarments et des bourgeons se tarit et la teneur en eau de ces organes diminue d’environ 50 %. Au cours de la phase de repos végétatif, elle varie un peu en fonction du rythme des précipitations. Ensuite, elle recommence à augmenter au début du printemps de manière durable avec la poussée racinaire avant la période de pleurs.

 

– L’évolution et les transformations de l’amidon  

            L’accumulation de sucres solubles, insolubles (l’amidon) dans les sarments augmente à partir du début de l’aoûtement et s’arrête au moment de la chute des feuilles. À partir de ce stade, l’amidon s’hydrolyse en sucres solubles (glucose et lévulose) jusqu’au moment ou la croissance reprend à l’intérieur des bourgeons.

            L’arrêt l’hydrolyse de l’amidon marque la fin de du repos végétatif réel des souches, un stade qui intervient bien avant (plusieurs semaines) le réveil apparent de la végétation au moment du débourrement.

            Les teneurs en acides gras (en particulier de l’acide Linoléique) des sarments diminuent pendant toute la phase de croissance active de la végétation, puis augmentent progressivement à partir de l’aoûtement pour atteindre un niveau maximum au moment de la phase de reprise physiologique interne des souches qui correspond aussi à la fin de l’hydrolyse de l’amidon.

 

 


Attention aux déséquilibres de la taille

 

La notion d’équilibre de végétation des souches induit une architecture de la taille qui s’avère fondamentale vis de la pérennité des souches. Tailler en ayant le souci de construire et de respecter l’équilibre des ceps représente le fondement de cette intervention.

 

1 Chaque côté de ceps est alimenté par une voie spécifique :

            . La sève circule très majoritairement sur les quelques millimètres situés sous l’écorce des sarments et sur toute la périphérie du tronc.

            . À partir d’un certain âge (correspondant probablement à des souches d’un dia­mètre d’environ 7 à 8 cm), les sarments situés d’un côté du cep sont alimentés préférentiellement par les vaisseaux de la coque du tronc situés du même côté.

 

2 L’absence d’un bras de ceps entraîne une rupture d’alimentation des vaisseaux de sève :

            . Lorsque tous les tire-sève (baguettes et coursons) sont laissés d’un seul côté lors de la taille, l’autre côté n’est plus fonctionnel. Les vaisseaux conducteurs ainsi que le cambium sont alors mal alimentés.

            . Si une cep est agressé d’un côté ( par un coups de sécateur, des traumatismes climatiques ou mécaniques, des insectes ligni­vores, des micro-organismes…), il n’est pas capable de se défendre correctement et le bois finit par se dessécher. Ce phé­nomène nécessite plusieurs années et entraîne la mort d’une partie parfois importante du bois sur toute la hauteur du cep.

            . Sur des ceps d’une dizaine d’années, la suppression de la baguette du côté gauche sans conserver de coursons et de gourmands (au moment de l’égourmandage) entraîne la perte de la moi­tié du volume de végétation et de bois.

 

3 Le rôle majeur des gourmands pour rétablir un équilibre de taille :

            . Après la perte d’une baguette et des coursons sur un côté de souches, des cônes de dessèchement apparaissent au niveau des plaies de taille sur les troncs.

            . Le bois meurt sous les plaies de taille et progressivement, un phénomène de dessèchement progresse vers le bas des souches.

            . Le fait de conserver des gourmands en dessous les plaies de taille ralentit fortement la progression de la mortalité du bois. Ces nouveaux organes végétatifs peuvent constituer la base de la reconstruction de l’équilibre des ceps.

           


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