Le tunnel de pulvérisation « Courpron » : une réalisation d’un viticulteur expert en mécanique

12 décembre 2017

Un viticulteur est-il en mesure de fabriquer son propre tunnel de pulvérisateur confiné ? La très grande majorité des responsables de propriétés considère cette idée comme  irréaliste. Christophe Courpron a lui relevé ce défi et gagné son pari ! Il s’est fabriqué un automoteur de pulvérisation confiné trois rangs qui a donné pleine satisfaction au cours du printemps et de l’été 2017. Il s’agit d’une initiative originale et sérieuse qui valorise un principe de pulvérisation plus respectueux des exigences environnementales.

Beaucoup de viticulteurs considèrent que le principe des tunnels de traitements confinés est, à la fois, véritablement intéressant mais que l’offre de produits commerciaux actuelle n’est pas encore en mesure de satisfaire les attentes des propriétés de surfaces importantes. Christophe Courpron est devenu au fil des années un observateur avisé de toutes les évolutions technologiques en viticulture.  Le vignoble de 50 ha qu’il exploite à Saint André de Lidon présente la particularité de produire des vins de pays Charentais et du Pineau sur presque 20 ha. Ces productions sont commercialisées en grande partie auprès d’une clientèle de particuliers. Les fréquents contacts qu’il entretient avec les consommateurs lui ont fait prendre conscience depuis 10 ans de la montée en puissance des exigences environnementales.

 

Les attentes des consommateurs doivent être prises en considération

 

          Il porte sur tous ces sujets un regard intéressé et essaie de les intégrer dans ses méthodes de production. Par exemple, le développement des tunnels de pulvérisation confinés ne l’a pas laissé indifférent : « On ne peut que se féliciter de voir arriver des pulvérisateurs viticoles qui à la fois, limitent les pertes au sol et les dérives dans l’atmosphère et permettent de récupérer des volumes de bouillie significatifs. C’est une évolution importante qui me paraît importante. Elle est complètement en phase avec les problématiques environnementales actuelles auxquelles je suis de plus en plus sensible. L’activité de vente directe des productions de vins de pays et de pineau des Charentes auprès d’une clientèle particulière de particulier nous a littéralement ouvert les yeux sur ces sujets. Les consommateurs n’hésitent plus à nous à nous interroger sur les méthodes de traitements, l’entretien des sols,…. . Nous devons leur répondre avec le plus de transparence possible et forcément les questionnements autour des conditions de pulvérisation sont devenus fréquents. Quand on voit fonctionner nos équipements, il ne me paraît pas sérieux de dire aux gens que les pulvérisateurs pneumatiques ou aéroconvections n’occasionnent pas de dérives dans l’atmosphère. Le concept des tunnels confinés me paraît être une alternative intéressante car on diminue les pertes de produits dans l’atmosphère jusqu’au moment ou la végétation est pleinement développée ».

 

Un souhait : protéger les 50 ha au maximum en une journée et demie

 

            La mise en œuvre des traitements au sein de cette propriété de 50 ha, était réalisée jusqu’en 2016 avec un pulvérisateur Tecnoma 6 faces et 3 rangs complets qui représentait un bon compromis coût/qualité/rapidité de protection. La couverture du vignoble en face par face en pleine saison était effectuée dans une petite journée et demie. Cette organisation donnait techniquement satisfaction mais était aussi moins en phase avec les nouvelles exigences de viticulture durable. Le vieillissement de l’appareil et la succession de pannes coûteuses ont amené ce viticulteur à s’interroger sur l’éventualité du remplacement du pulvérisateur. C’était peut-être l’occasion de franchir une étape en investissant dans un tunnel confiné. Ch Courpron a mené une petite étude de faisabilité d’utilisation des tunnels de traitements sur son vignoble de 50 ha. Les informations recueillies auprès de plusieurs utilisateurs lui ont permis d’avoir une idée plus précise du débit de chantier de ces appareils.

 

L’utilisation d’un automoteur 3 rangs s’est imposée pour protéger 30 à 35 ha dans la journée

 

            Des tunnels confinés 1 000 ou 1 500 1 traînés (deux rangs complets) permettent au maximum de protéger 20 à 25 ha de vignes dans la journée en pleine saison. Son souhait lui, était de couvrir au moins 30 à 35 ha dans la journée pour une bonne réactivité dans la mise en œuvre des traitements. Le fait de faire preuve de réactivité dans la mise en œuvre des traitements représente pour Ch Courpron un élément clé pour raisonner au mieux la protection du vignoble : « Mon objectif est depuis longtemps de minimiser l’utilisation des intrants phytosanitaires. Je considère que notre capacité à pouvoir couvrir le vignoble dans un délai correct permet de pousser plus loin les réflexions de raisonnement qui débouche sur la décision de réaliser ou pas un traitement. Les efforts de modulation de la lutte en fonction de la pression de parasitisme doivent être valorisés par une capacité de couverture de notre vignoble dans un délai n’excédant pas une journée et demie. Or, l’utilisation d’un seul appareil confiné 2 rangs conduirait à protéger le vignoble en deux journées. L’autre solution serait donc d’acquérir deux équipements mais cela mobiliserait deux tracteurs et deux chauffeurs. Le coût d’une telle organisation me paraissait trop lourd sur le plan économique même si au final, les économies de produit seraient significatives. Ce constat m’a incité à rechercher des cellules confinées pour trois rangs complets mai aucuns constructeurs n’a été en mesure en 2014-2015 de me proposer un équipement sur châssis de MAV. J’ai donc commencé à réfléchir à la fabrication de mon propre automoteur de pulvérisation équipé d’une cellule confinée trois rangs ».

 

L’esprit mécanique fait partie du bagage culturel familial

 

             Ch Courpron et son père, Jean-Claude possèdent des connaissances et de réelles capacités pour réaliser tous les petits entretiens et aussi les grosses interventions. L’esprit mécanique fait partie du bagage culturel familial et ce viticulteur a acquis une solide expérience en fabriquant des véhicules tout-terrain de A à Z. La conception de châssis, la remise en état d’un moteur de tracteur, le fonctionnement des composants électriques et hydrauliques,… ne lui pose aucuns problèmes. La propriété dispose d’un atelier très bien équipé qui leur permet d’être autonomes pour réaliser toutes interventions de maintenance sur tous les matériels. De nombreux matériels ont été refaits, transformés et parfois entièrement conçu dans l’atelier « Courpron ». L’idée de fabriquer un automoteur de pulvérisation était tout de même un projet ambitieux qui a mobilisé beaucoup d’énergie, du temps.

 

Le châssis polyvalent de MAV Grégoire G 106 a été transformé en automoteur de pulvérisation

 

            La première étape a été lancée durant l’hiver 2015/2016 en cherchant quel type d’automoteur semblait le mieux adapté à une utilisation en pulvérisation. Le choix de Th Courpron s’est porté sur un châssis polyvalent Grégoire G 106 de 120 CV qui à l’origine était destiné au vignoble Alsacien. L’automoteur fabriqué en 2002 (2 400 heures) était équipé de série, de moteurs de roues puissants adaptés aux situations de coteaux et d’une cabine centrale spacieuse climatisée. Un module de pulvérisation pneumatique Grégoire de 2 200 1 d’occasion complet (la turbine, les pompes, le boîtier de commandes, les deux bidons de 1 100 1 mais pas de rampe) adaptée à ce type porteur a été acquis en même temps. L’investissement total dans ces deux éléments à a coûté 34 000 €. La puissance du moteur thermique (120 CV en 4 cylindres) de l’automoteur était adaptée à la situation assez plane du vignoble et les besoins en air assez des trois tunnels confinés.

 

Des tunnels confinés très enveloppants et le moins lourd possible

 

            Le choix du modèle de tunnels confinés a été abordé par Th Courpron en ayant le souci de rechercher une cellule de traitement simple, efficace et la moins lourde possible. L’observation du fonctionnement de beaucoup de produits commerciaux l’a conduit au départ à s’intéresser au tunnel Dhugues. La réticence de ce constructeur à lui fournir uniquement le module de traitement, l’a obligé à rechercher un autre produit. C’est finalement un concours de circonstances qui lui a fait découvrir chez un concessionnaire régional, 3 paires d’anciens tunnels confinés Lipco. La conception de cette cellule confinée présentait plusieurs avantages, l’importance du volume confiné, sa forme très enveloppante, un système de récupération avec des hydro-injecteurs et son poids très limité. Il manquait seulement à ces tunnels, des arrivées d’air mais des connexions étaient prévues pour incorporer des tubulures verticales. L’autre argument de ces trois modules confinés d’occasion (ayant très peu servi) a été leur prix d’achat modique de 2 000 €.

 

La rampe, l’élément le plus complexe à concevoir et fabriquer

 

            Le montage des trois cellules de pulvérisation confinée sur le porteur Grégoire a été bien sûr l’étape la plus difficile. La fabrication de la rampe extensible a nécessité le plus de réflexion car la structure devait, s’ouvrir et se fermer facilement, être solide et pas trop lourde et s’adapter à des vignes toutes palissées mais ayant des écartements variables de 2 m, 2,20 m, 2,50 m, 2,70 m, 3 m et 3,20 m. Th Courpon souhaitait aussi voir fonctionner les deux tunnels extérieurs depuis le poste de conduite central de la machine. La première étape de la fabrication commencée durant l’hiver 2016/2017 a été consacrée à une étude pointue pour quantifier précisément les efforts, choisir les matériaux adaptés, les découper et les installer. Le viticulteur explique que son expérience de la conception de plusieurs véhicules tout-terrain lui a beaucoup servi pour le calcul des résistances de matériaux, le dimensionnement des vérins et l’installation des diverses commandes électrohydrauliques. Le montage de cet automoteur de pulvérisation a été réalisé dans l’atelier de l’exploitation et seule, la découpe des poutrelles métalliques de la rampe télescopique et la fabrication des vérins ont été confiées à des entreprises extérieures.

 

Une gestion automatisée de la hauteur et du dévers de la rampe

 

            Les tunnels ont été équipés de rampes verticales de diffusion d’air implantées de chaque côté façon opposée (avec un ange de 45° en direction du centre des rangs) pour créer un phénomène de turbulence dans le cœur de la végétation. Après divers essais un système de fermeture au-dessus des rangs a été rajouté pour limiter les pertes de produits. Le principe de pulvérisation est de type jets portés puisque les buses sont situées à côté du flux d’air. La hauteur de travail de la rampe est parfaitement maîtrisée dans les situations et dans les contre-pentes. Des capteurs de niveaux installés en dessous chaque tunnel sont directement relié au système de contrôle de dévers automatique du porteur. Cela permet à l’automoteur et à la rampe de toujours travailler dans la meilleure position.

 

Une rampe simple et fonctionnelle et une cabine bien pressurisée

 

            L’ouverture, l’extension et la fermeture de la rampe s’effectuent très facilement grâce à une commande située dans la cabine. Des repères de couleur sur la rampe permettent au chauffeur d’adapter manuellement la largeur d’ouverture à l’écartement des rangs de vignes. La présence de tournières larges (de 8 m et plus) permet de laisser ouverte la rampe lors des manœuvres en bout de rang. Toutes les commandes de gestion de la pulvérisation sont regroupées sur le joystick d’origine de la cellule de pulvérisation. La cabine climatisée de l’automoteur a été équipée d’un système de pressurisation (de la société Proclim) dont les trois filtres à charbon sont gérés par un boîtier électronique. Les services de la MSA des Charentes sont venus contrôler la pressurisation de la cabine dont les performances s’avèrent concluantes.

           

35 ha de protéger dans la journée

 

            L’automoteur a fait ses premières « foulées » dans le vignoble au mois de mai dernier et avec le recul, Ch Courpron estime que « le baptême du feu » s’est plutôt bien déroulé : « La prise en main de notre automoteur de pulvérisation a été facile en raison de l’expérience que nous avons de la conduite des MAV automotrices. Le fait que le vignoble soit regroupé en deux grands îlots, seulement distants de 5 km facilite les choses. La présence de tournières larges évite de replier la rampe en bout de rangs et facilite la conduite. Les traitements sont effectués à une vitesse de 6,5 km/h et en pleine saison, le volume de bouillie épandu est de 148 1/ha (hors récupération). Jusqu’au moment des relevages, les niveaux de récupération sont importants mais en fin de saison, ils ne dépassent pas 10 à 15 %. Nous arrivons à couvrir les 50 ha en 19 heures de travail à la vigne ce qui correspond à une journée et demie en incluant le temps nécessaire aux trois remplissages. Le débit de chantier de l’appareil avec les réglages actuels permet de protéger 35 ha dans une grande journée de travail. Ma principale crainte concernait l’efficacité de la pulvérisation des cellules confinées. Nous avons réalisé 8 traitements en 2017 sans rencontrer de problème de mildiou et d’oïdium. Ce résultat tend à prouver que cela marche pour l’instant ! Le seul véritable problème a été la production de mousse au niveau du recyclage de la bouillie qui au départ était importante. Nous y avons remédié en ajouter de l’anti-mousse au moment du remplissage du pulvérisateur ».

 

300 heures de main-d’œuvre pour fabriquer l’automoteur

 

            À l’issue de cette première année d’utilisation, l’équipement a donné pleine satisfaction au niveau de la conduite, du débit de chantier et de la fiabilité. Certes, le « look » de ce pulvérisateur n’est peut-être pas aussi abouti que celui d’un constructeur mais, le résultat est tout de même probant. L’aboutissement d’une fabrication d’un outil aussi complexe n’est cependant pas à la portée de n’importe quel viticulteur astucieux. Ch Courpron possède des compétences en mécanique bien au-dessus de la moyenne sans lesquelles, il ne serait possible de mener à bien un tel projet. La somme de travail nécessaire à la fabrication de tout l’équipement est proche de 300 heures ce qui, au final, n’est pas très élevé. Cette masse de travail reste toujours un sujet de débat car les travaux se sont étalés sur période de plus de quatre mois. Les réalités du fonctionnement d’un atelier artisanal sont soumises aux disponibilités de temps du « viticulteur Artisan » qui a parfois un emploi du temps dense.

 

55 000 € d’investissement pour un vignoble de 50 ha

 

            L’engagement dans un tel projet représente-il un investissement rentable à l’échelle d’une propriété de 50 ha. Quel est le prix de revient de cet automoteur confiné « fait maison » ? Ch Courpron répond à cette question avec beaucoup de transparence : « Avant de me lancer dans ce projet, j’ai essayé d’évaluer grossièrement le coût de la démarche. Ma première approche, a été de recueillir des renseignements précis sur les valeurs de l’automoteur et de la structure de pulvérisation d’occasion. Le prix de ces deux composants principaux s’avérait bien inférieur à la valeur d’un pulvérisateur confiné traîné 2 rangs. Cela laissait donc une belle marge de manœuvre pour monter le pulvérisateur. Ensuite, lorsque je me suis engagé dans la fabrication, j’ai essayé de chiffrer les choses avec précision.  Les coûts du porteur, de la cellule de pulvérisation, du pressuriseur et de tous les autres composants (poutrelles métalliques, vérins, tuyauteries, accessoires électriques, prestataires extérieurs, ….) ont été assez faciles à recueillir. Après avoir rajouté le frais de la main-d’œuvre, le prix de revient total de l’automoteur s’élève à 55 000 €. Un tel niveau d’investissement me paraît adapté à la surface du vignoble. Nous allons en moyenne utiliser l’automoteur 250 à 300 heures par an ce qui laisse espérer une longévité du matériel de 5 à 7 ans. Cela correspond à peu de chose près à la durée normale d’amortissement de n’importe quel type de pulvérisateur. L’acquisition de deux tunnels confinés traînés aurait coûté beaucoup plus cher ».

                                                                                               

            Les points de l’automoteur de pulvérisation Confiné « Courpron » :

 

 

       Un vignoble de 50 ha situé à Saint-André-de-Lidon

 

  • L’objectif : fabriquer un pulvérisateur confiné 3 rangs pour traiter plus de 30 ha dans la journée

  • L’acquisition de trois modules d’occasion, un châssis polyvalent Grégoire G 106, Une cellule de pulvérisation Pneumatique Grégoire et trois cellules de pulvérisation confinée Lipco (ancienne génération)

  • Un viticulteur très compétent en mécanique et disposant d’un atelier très bien équipé

  • 300 heures de travail pour fabriquer l’automoteur

  • Une unité de pulvérisation adaptée à des vignes palissées allant de 2 à 3,20 m d’écartement.

  • Des résultats à la hauteur des attentes : 35 ha de traités dans une journée en pleine saison

  • Une efficacité de l pulvérisation qui a permis de bien contrôler le mildiou et l’Oïdium en 2017

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