Le Conservatoire du vignoble charentais au chevet du Monbadon

22 août 2019

Le travail continu pour l’étude des cépages

 

Au cœur des 70 ares et 200 cépages et porte-greffes du Conservatoire du Vignoble Charentais, CVC, dans la commune de Cherves-Richemont, le Monbadon est suivi rigoureusement par l’équipe du Conservatoire. Découverte et redécouverte de ce cépage implanté, également baptisé Frontignan ou Frontignan des Charentes. Entretien avec Sébastien Julliard, directeur du CVC.

Quelles sont les caractéristiques du Monbadon ?

 

Par rapport à l’Ugni Blanc, les entre-nœuds et mérithalles sont plus courts, un petit plus buissonnant mais le port plus dressé. La feuille est assez grande, des traits d’Ugni Blanc mais découpée comme la Folle Blanche. La grappe est assez grosse et lourde, qui garde le côté ailé de l’Ugni Blanc et la compacité de la Folle. Un rendement en jus élevé, 5 à 10% par rapport à l’Ugni Blanc, nous pourrions descendre à environ 125 kilogrammes pour un hectolitre. Du pressoir sort un jus plutôt clair et peu de marc sans presser très fort.

 

 

Quel est votre avis de terrain du comportement du Monbadon, et dans la vigne et dans le chai ?

 

Si je reprends l’historique de travail sur cette variété, nous l’avons recensée dans le vignoble, très souvent en mélange dans les parcelles d’Ugni Blanc. Dans la région, il y a eu du Monbadon planté en parcelles entières, un développement sur le milieu du XXe siècle. Il était considéré comme trop producteur de vin à trop petit degré (autour de 6 % vol.). Il a été banni dans les années 70. Nous l’avons entré dans la collection, et nous nous sommes aperçus que ce décalage de degré et de rendement, dans la collection rangée cep par cep, avec le changement climatique, ses inconvénients historiques allaient devenir des avantages. L’Ugni Blanc, sur les parcelles actuelles, a parfois des difficultés à faire le rendement, les degrés sont élevés – cette année, il a fallu modifier et demander une dérogation au niveau du cahier des charges. En termes de parenté, le Monbadon est un croisement Folle blanche – Ugni Blanc, nous sommes tout à fait dans la lignée du Cognac. Depuis 2004, nous l’avons micro-vinifié en micro-alambic à partir de raisins prélevés sur notre parcelle. Nous nous sommes aperçus que les eaux-de-vie étaient tout à fait correctes et que nous avions ce comportement, plus gros producteur et plus petit degré. Nous avions repéré des souches dans la campagne ; nous les avons prélevées dans les années 2008-2009 pour faire des vinifications en volume plus important, environ 100 litres, de manière à ce que la Station Viticole du BNIC puisse faire des distillations pilotes. Les résultats étaient satisfaisants. En 2012, nous sommes passés à une autre étape et l’avons proposé à la viticulture de manière à pouvoir le tester en grands volumes. Nous avons planté trois parcelles de Monbadon en 2015 : Courvoisier, Rémy Martin et Hennessy, avec la volonté de changer de sites, de travail de sol différent, et également de mode de distillation (avec ou sans lies).

 

Cela se fait-il toujours en collaboration avec certains domaines, certaines maisons ?

 

Nous fournissons le matériel végétal et encadrons les parcelles. Sur le suivi expérimental, chaque maison a la main en termes de culture – elle les cultive comme elle le souhaite – mais les suivons au niveau du stade phénologique, de la sensibilité des maladies. En termes de dépôt à l’inscription, nous avons un partenariat avec le BNIC car, en tant d’ODG, il intervient sur tout ce qui est incidence produit. En entrant un cépage dans le cahier des charges, l’ODG vérifie la qualité de ce cépage

 

Le Monbadon se comporte bien vis-à-vis de quels critères : rendement, degré, maladies… ?

Au niveau maladie, nous sommes tout aussi bien que l’Ugni blanc. Le suivi que nous avons se fait des petites séries de souches. Nous voyons que ramené sur des parcelles plus grandes, il ne prend pas beaucoup plus, parfois moins, le mildiou que l’Ugni Blanc. Sur les maladies du bois, c’est encore trop jeune. Il prend un petit peu plus de botrytis car les grappes sont plus grosses, plus compactes. Le comportement à la parcelle est tout à fait adaptable à la viticulture actuelle.

 

Avec la dynamique commerciale et d’image, les rendements ne sont-ils pas trop poussés, fatiguant le vignoble, et en particulier, l’Ugni Blanc ces dernières décennies ?

 

Si nous comparons les rendements d’il y a cinquante ans, il y a deux fois moins de ceps à l’hectare aujourd’hui pour fournir autant. Nous demandons beaucoup à un seul pied. Historiquement, nous étions avec des densités de plantation à 5000 pieds/hectare, maintenant plutôt à 2700-3000, mais avec les manquants, tout compte fait nous sommes davantage à 2500, la moitié de ce que nous avons pu avoir précédemment, avec des rendements demandés élevés. Si nous n’avons pas un cep qui, naturellement, ne fournit pas plus, nous pouvons épuiser la plante.

 

Y a-t-il une évolution souhaitable de cette densité de plantation ?

 

Les fortes diminutions de densités de plantation sont un peu préjudiciables, surtout avec les manquants. Ce que nous avons pu observer, lors d’une année en tension niveau rendement, le nombre de pieds nous rendait service. Je vois le Monbadon comme un cépage « médecin ». Cette variété-là sur une exploitation de l’ordre de 10 à 15% sur une exploitation de manière à corriger justement les défauts de l’Ugni blanc, trop élevé en degré ou un peu juste en rendement. L’assemblage des deux peut bien faire, plutôt que de faire des purs Monbadon, où en tant que variété, il n’apportera pas plus au niveau aromatique qu’un Ugni blanc. L’idée est de rester dans ce standard, et de solutionner des problèmes de rendement ou de TAV par l’assemblage au chai (pas dans la parcelle car la maturité est différente).

 

Comment se tient le Monbadon en distillerie ?

 

Les premiers résultats, partiels, car cela ne date que de cet hiver, sont plutôt bons, avec une bonne réponse au niveau degré (nous avons entre 1 et 1,5 % de TAV en moins par rapport aux Ugni blanc témoins). Nous retrouvons pour le moment ce que nous avons observé en petite série : rendement plus élevé, degré plus faible et acidité convenable, un petit peu au-dessus de ce que nous attendions. Tirer des conclusions est un peu anticipé. Mais cela permet de dire que ce que nous avions observé sur les petites séries n’était pas trop loin de la réalité, ce qui nous satisfait, et cela a l’air de correspondre en termes de comportement. Il faut attendre les dégustations à l’aveugle et au vieillissement. La première approche est rassurante.

 

Quelle est vision à moyen terme ?

 

Dans cinq ans, nous aurons déjà des résultats exploitables. Dans six campagnes de vinification, nous aurons des eaux-de-vie qui auront atteint le compte 4, nous aurons une vision plus juste.

 

Au-delà de l’aspect historique et culturel, serait-ce une fin plus ou moins proche d’un certain mono-encépagement dans les Charentes ?

 

Je l’espère. Je trouve très risqué d’avoir une économie à plus de 3 milliards d’euros basée sur une seule variété. S’il y a un souci sanitaire, quel qu’il soit, sur l’Ugni Blanc, la situation pourrait devenir compliquée. L’idée n’est donc pas de bannir l’Ugni Blanc – nous étions content d’en trouver pendant près d’un siècle – essayons simplement d’avoir plusieurs cordes à notre arc en diversifiant un peu notre encépagement. Si le Monbadon répondait aux besoins de la profession, il est prévu que le Conservatoire puisse faire inscrire ces parcelles en matériel de multiplication, standard, afin d’avoir rapidement des greffons. En parallèle, nous avons fait inscrire un clone que la station viticole commence à mettre en terre, afin d’être prêt quand le viticulteur en sera au moment de planter.

 

L’Assemblée générale du CVC     

 

Lors de l’assemblée générale du 2 juillet dernier, le CVC a présenté son rapport d’activité

et mis en avant le travail de l’association sur le traitement à l’eau chaude, le TEC.

 

Philippe Guélin, président du CVC, a qualifié l’année 2018 d’« atypique », rythmée par « les 20 ans du Conservatoire et travaux du TEC, qui a pris beaucoup de temps. Ces deux événements sont une grande réussite. Grâce à ce travail, à ce bénévolat, nous avons atteint un niveau de crédibilité qui est important. » Il a mis en avant le professionnalisme et l’investissement des équipes. « Tous les plans de vigne que nous produirons seront nécessaires pour répondre aux besoins du marché. En tant que première maillon de la chaîne viticole, nous nous devons d’être intégré dans le Business Plan. »

 

Sébastien Julliard a explicité le suivi et l’activité du TEC. De la première pierre le 15 décembre 2017 à l’inauguration le 06 octobre 2018, le TEC a débuté son activité en novembre 2018, après l’agrément de France Agrimer. Cette nécessité se fait par la «  délivrance des attestations de TEC qui permettent aux pépiniéristes de pouvoir faire circuler son matériel végétal », notamment pour contre le fléau de la flavescence dorée.

Dans une activité qui a une saisonnalité « de novembre à avril selon les besoins, l’activité est supérieure à nos prévisions », s’est-il réjoui.

Ainsi, ce sont 400 000 greffés-soudés et 700 000 greffons qui furent traités.

 

Semaine de travail type :

1er jour : montée et maintien en température à 50°C.

2me et 3e jours : pleine activité

4e jour : fin d’activité, l’eau devient trop sale pour l’activité du TEC

5e jour : refroidissement de l’eau, car impossibilité de relargage de l’eau dans le réseau avec une température supérieure à 30°C

Actuellement en activité pleine un jour par semaine, le TEC pourrait passer à deux journées complètes. « Nous avons une marge de progression importante avant de passer à une deuxième machine, mais si besoin, c’est une possibilité », a commenté Sébastien Julliard.

Ainsi, les greffons pourraient monter à 500 000 unités par jour et jusqu’à 3 voire 4 millions de plants traités par année dans l’état actuel des choses (la région en commercialisant 10 à 11 millions).

À noter que 11 des 36 pépiniéristes du groupement d’intérêt économique, GIE, présidé par François Bodin, en lien avec le CVC ont utilisé les installations du TEC l’an dernier.

 

 

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