Le concept du finishing « interroge » l’univers Cognac

17 décembre 2019

            Le débat « brûlant» qui agite actuellement la sphère professionnelle de la région délimitée concerne la pratique du Finishing, une méthode de finition de l’élevage des eaux-de-vie pendant quelques mois dans des fûts ayant précédemment logé d’autres eaux-de-vie ou spiritueux. La pratique est interdite dans le cahier des charges d’élaboration du Cognac alors que les Scotch-Whisky et les Rhum l’ont légalisé et intégré comme un process d’élevage à part entière.  Une démarche de finition est une phase complémentaire du vieillissement qui s’effectue en transvasant une eau-de-vie dans un type fût différents pendant une durée souvent courte mais suffisante pour permettre au produit qu’elle contient, d’acquérir des caractéristiques qu’il n’avait pas auparavant.

 

            Le dossier du Finishing est devenu un centre d’intérêt dans la région de Cognac sous l’impulsion d’une grande maison qui a lancé un produit de ce type élaboré à partir d’un Cognac VSOP. Le succès commercial rencontré aux États Unis a permis à la marque de faire une percée remarquée sur ce marché majeur et maintenant aussi dans d’autres pays. Des petites et moyennes maisons de négoce ont aussi exploité le créneau du Finishing. Les Cognacs finissant leur élevage de cette manière ne sont plus considérés comme des Cognacs à part entière mais comme des boissons spiritueuses élaborées à partir d’eaux-de-vie de notre région. Ce sont des produits innovants sur les plans organoleptiques et du concept d’élaboration qui soulèvent deux questions de fond :

             Le finishing peut-il devenir une pratique cohérente dans l’univers Cognac ?

 

             Les produits commerciaux de ce type sont-ils en droit d’intégrer la catégorie Cognac ?

            Cela fait plus de deux ans que l’épineux dossier du Finishing est à l’étude au sein de l’interprofession. Une commission a été constituée pour nourrir la réflexion et s’interroger sur l’intérêt d’intégrer ou pas les process de finition dans le cahier des charges régional. Une étude indépendante a été demandée à un cabinet spécialisé pour apprécier la réaction des consommateurs et étayer les argumentations positives et négatives des pratiques de finition au sein de la filière Cognac. Les conclusions de ces travaux ont été transmises aux professionnels au cours des dernières semaines afin qu’ils prennent position sur le sujet. Au sein de la famille du négoce des prises de position fortes, opposées rendent les débats de plus en plus complexes et au cours des trois derniers mois, de fortes tensions se sont exprimées.

 

            Les promoteurs de la démarche mettent en avant le succès commercial du produit phare porté par cette innovation. Aujourd’hui, les sorties d’eaux-de-vie bénéficiant d’un Finishing sont comptabilisées au niveau des autres utilisations. Ces volumes ont enregistré une hausse constante, régulière  depuis trois ans qui ne peuvent être attribués seulement aux besoins pour la fabrication de pineau fabriqués et aux utilisations pour l’élaboration des liqueurs. Plusieurs observateurs avisés de la région considèrent que les volumes de l’ensemble des qualités commerciales bénéficiant du Finishing se situent entre 3 000 et 5 000 hl d’AP. Sur le fond, il faut bien reconnaître que ces produits commerciaux apportent sur le plan gustatif des choses intéressantes, curieuses qui ne remettent pas en cause la structure de la base des Cognacs utilisés. La nature des chênes utilisés, l’intensité du bousinage, les proportions de bois neufs constituent déjà des leviers techniques d’expression aromatiques différents. Le bonus du Finishing ne serait-il pas un concept de marketing pour susciter la curiosité des consommateurs et de créer un effet de « de Buzz» autour du produit ? Indéniablement, si c’est le cas, cela a plutôt bien marché au vu des volumes cités précédemment et de la dynamique commerciale constante que cela semble créer ! Les consommateurs apprécient le caractère innovant de ces produits.

 

             La filière est aussi en droit de s’interroger sur les conséquences à moyen terme de la mise en œuvre du Finishing sur l’image du produit. Une telle pratique ne va-t-elle pas trop loin dans la recherche d’arômes novateurs ? Est-il souhaitable de légaliser les démarches de finition pour le Cognac alors que sa qualité fait l’unanimité dans l’univers des spiritueux ? Une telle évolution ne viendrait-elle ternir dans le temps l’image d’excellence du Cognac ? N’existe-t-il pas d’autres moyens d’innovation qui soient plus en phase avec les valeurs historiques et culturelles de la filière ?

            Ces quelques réflexions révèlent les divergences de fond que suscite une éventuelle introduction du Finishing dans l’univers Cognac. L’un des grands mérites de cette initiative est d’avoir créé une dynamique de réflexion autour de l’innovation. Les responsables professionnels de la viticulture et du négoce semblent très divisés sur le sujet mais ils doivent se prononcer définitivement sur le devenir de ce concept d’élevage d’ici la fin de l’année. La recherche d’un consensus constructif s’annonce incertaine !

 

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