Vous êtes curieux, tant mieux ! L’Association des bouilleurs de cru vous invite à venir mettre votre nez dans le Cognac, lors de ses deux week-ends portes ouvertes entourant Noël.
Qui y a-t-il de plus simple et de plus complexe à la fois que les arômes du Cognac ? Notes de vanille, d’amande, de noix de muscade, de boîte à cigare… Penchez-vous sur un fût, prenez un verre de Cognac et toutes ces odeurs vous sautent au nez, confuses, mêlées sans doute mais bien présentes. Il suffit de les détecter. Car le nez n’est pas inné. Il se révèle, il s’éduque, il faut le mériter. Pour la septième édition de ses portes ouvertes, l’Association des bouilleurs de cru se sert des arômes du Cognac comme d’un fil rouge, présent sur toutes les exploitations en plus d’autres animations. Pourquoi avoir choisi ce thème ? Au « cœur du métier » il est aussi l’expression d’une certaine maturité de la part de l’association. Au cours des années, ses membres se sont frottés et formés auprès « d’introducteurs d’arômes » comme Robert Léauté et d’autres professionnels. A leur contact, Ils ont découvert « l’apprendre à sentir » et l’art d’apprivoiser une dégustation : comment, par exemple, tenir à une vingtaine de centimètres de votre nez le verre de Cognac pour faire remonter tout doucement le bouquet des eaux-de-vie, sans en avoir les narines brûlées ; comment s’humecter le palais avec de l’eau avant de mettre en bouche et procéder ensuite par toutes petites touches, pour faciliter la progression lente des arômes sans ressentir la brûlure de l’alcool. Ce savoir à la fois très simple et indispensable, ils s’en sont imprégnés par étapes successives. Aujourd’hui, ils se sentent autorisés à le transmettre. « En quelque sorte, nous reproduisons le cheminement de l’association. Certains d’entre nous n’identifiaient pas toute la richesse aromatique du Cognac, son extraordinaire concentré de parfums lié à la double distillation à feu nu, dans un alambic en cuivre. En tant que producteur, nous nous situons dans une démarche de progrès » explique Jean-Luc Lassoudière, l’un des trois vice-présidents de l’association avec Elisabeth Michelon et Bernard Tanguidé (*).
Une boîte à arômes
Dans chaque distillerie, va circuler lors des portes ouvertes une boîte à arôme proposant la reconnaissance de cinq odeurs : la rose, l’abricot, la vanille, le poivre et la noix. En expliquant bien que ces arômes ne sont pas rajoutés au Cognac mais se retrouvent naturellement dans les eaux-de-vie. En fait, ce petit exercice de mise en jambes – ou de mise en nez – n’aura qu’un but : lancer les visiteurs sur la piste des arômes du Cognac. Le véritable exercice pratique viendra avec ce que l’association appelle « l’atelier olfactif de dégustation des eaux-de-vie ». L’idée ? Entraîner les visiteurs à la reconnaissance de cinq échantillons d’eaux-de-vie – moins de 2 ans, 5 ans, entre 10 et 15 ans, plus de 20 ans – par une dégustation montante et surtout descendante. Car c’est cette manière que les différences dues au vieillissement apparaissent avec le plus de relief. En règle générale, ces échantillons proviendront des chais des viticulteurs qui ouvriront leurs portes, pour bien montrer la diversité des productions (appui, le cas échéant, des Chambres d’agriculture pour caractériser les échantillons).
Cette année, les portes ouvertes des bouilleurs de cru retrouvent leur positionnement du début, les deux week-ends encadrant Noël. Conduites sur moins d’exploitations, avec des regroupements de bouilleurs de cru sur les distilleries qui ouvrent, elles se veulent plus professionnelles, tout en gardant la touche de spontanéité qui sied à ce genre de manifestation. « Nos portes ouvertes humanisent le produit. Les visiteurs viennent y chercher un rapport au temps différent » remarque Annie Bodin. Son mari et elle avaient ouvert leur distillerie en avant-première, le 22 novembre dernier, pour faire l’annonce du « Cognac en fêtes ».
Redonner de la ferveur
En quelques phrases, Alain Bodin a bien resitué le métier de bouilleur de cru et l’apport de l’association. « Elle a su redonner de la ferveur à une profession un peu en perte de vitesse ou qui vivait, en tout cas, une crise existentielle. Un temps, on a pu se demander si on n’allait pas se diriger vers un système plus industriel. Au contact de l’association, les viticulteurs ont retrouvé de la confiance dans ce beau métier de bouilleur de cru. J’imagine mal une exploitation charentaise sans la partie distillation. C’est un peu comme si elle marchait sur une jambe. Je crois que beaucoup de viticulteurs charentais nourrissent l’aspiration profonde de pouvoir accéder à ce moment magique de la distillation. C’est là où tout se joue. Ne pas distiller, c’est prendre le risque de voir tout vous échapper derrière, le stock, le vieillissement, pour finalement produire quelque chose d’un peu désincarné. La distillerie se situe souvent au cœur des bâtiments. C’est un système de production très concentré. Ici, la vigne se trouve à 50 mètres des cuves, les cuves à 10 mètres de la distillerie et la distillerie à 5 mètres des barriques. Au niveau de la traçabilité, de l’origine, difficile de faire mieux. Le suivi du produit est le plus limpide possible. Une exploitation comme celle-ci possède des eaux-de-vie de tout âge. C’est un peu la mémoire de la maison. Dans un monde qui va très vite, je suis personnellement très heureux de m’inscrire dans cette histoire. » Présent à la matinée de lancement, Pascal Millasseau a dit aimer l’évolution prise par l’association. « Quand nous avons commencé à Hiersac, notre idée de base était de laisser la parole aux professionnels. Aujourd’hui, les bouilleurs de cru s’expriment, chacun à leur manière. Depuis six ou sept ans, le métier de bouilleur de cru a repris de la valeur même si les difficultés économiques persistent. En 1989, je ne distillais pas. Aujourd’hui, je ne concevrai pas mon métier sans la distillation. »
Sur un budget « portes ouvertes » de 450 000 F (68 700 e), le BNIC apporte son concours pour les deux tiers de la somme, un tiers restant à la charge de l’association. La contribution interprofessionnelle a notamment servi à la conception de l’affiche ainsi qu’à des publicités dans les gares TGV. Les bouilleurs de cru ont financé pour leur part les « boîtes à arôme », les dépliants et autres brochures ainsi que des verres à apéritif à l’effigie du « Cognac en fête ».
(*) Association des viticulteurs bouilleurs de cru de l’appellation Cognac – 25, rue de Cagouillet, 16100 Cognac – tél./fax : 05 45 35 92 98 – Contact : Gwendaline Mabil. Président de l’Association des bouilleurs de cru : Pascal Millasseau (canton de Hiersac) ; vice-présidents : Jean-Luc Lassoudière, Saint-Fraigne (canton d’Aigre), Elisabeth Michelon (canton de Segonzac), Bernard Tanguidé (canton de Jonzac).
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