L’acidité des raisins est constituée principalement des acides tartrique et malique (90 % de la teneur totale) et d’autres acides minoritaires en concentration comme l’ac. citrique, l’ac. ascorbique, l’ac. succinique, l’ac. galacturonique… Les vendanges atteintes de pourriture grise sont enrichies en acide gluconique, ce qui fait de cet acide un marqueur du botrytis. Les mesures d’acidité totale et de pH lors des contrôles de maturation expriment les concentrations cumulées d’acides tartrique et malique. Les teneurs de ces deux acides dans les moûts à l’issue de la récolte ont un impact important sur la structure organoleptique finale des vins et sur leur stabilité biologique.
L’acide tartrique est l’acide « fort » des moûts et des vins
L’acide tartrique est produit dans les baies durant leur phase de développement herbacé entre la nouaison et la véraison. La quantité d’acides obtenue à la véraison reste stable au cours de la maturation et les diminutions constatées durant la maturation correspondent en fait à un phénomène de dilution lié au grossissement des baies. L’acide tartrique est l’acide « le plus fort et le plus stable du raisin », ce qui lui confère un rôle majeur dans l’abaissement du pH des moûts et des vins. Une fois la fermentation alcoolique terminée, sa teneur dans les vins ne varie pratiquement pas. Des niveaux d’acide tartrique élevés contribuent à renforcer la stabilité biologique des vins (rôle préventif vis-à-vis des accidents bactériens lors de la conservation). C’est un acide organique spécifique des raisins dont les mécanismes de synthèse et de dégradation sont encore méconnus.
L’acide malique se dégrade dans les moûts et les vins
L’acide malique est présent dans différents fruits (les pommes, les poires et les raisins). Au cours du processus de maturation, il est dégradé par la respiration et sa teneur diminue régulièrement. L’intensité du phénomène de dégradation est directement liée aux conditions climatiques durant la maturation. Les fortes chaleurs et les situations de stress hydrique amplifient sa dégradation. Le dosage des teneurs en acide malique permet de caractériser l’évolution et l’état d’avancement de la maturité. La synthèse de l’acide malique intervient dès la nouaison à partir du stade grain de plomb pour atteindre un niveau élevé à la véraison. Ensuite, il subit une dégradation régulière plus ou moins intense selon l’effet millésime pour atteindre à la récolte une concentration inférieure à celle de l’acide tartrique. Le pouvoir acide de l’acide malique est inférieur de 50 % à celui de l’acide tartrique et en plus dans les vins faits, la FML peut le dégrader partiellement ou totalement.
Le potassium, un composé complémentaire à l’acidité
Le potassium est un composé complémentaire de l’acidité qui s’accumule dans la pulpe des baies au cours de la phase de maturation. Son absorption est soumise à des variations inhérentes à la nature des sols, aux apports de fumure et aux conditions d’assimilation. Le régime hydrique des sols et les antagonismes liés aux carences ou à certains éléments (magnésie) peuvent gêner son assimilation. Le potassium présent dans les baies salifie une partie des acides tartrique et malique qui se transforment en tartrate et malate de potassium…
Un état des lieux du potentiel acide à la véraison
L’acidité des raisins décroît naturellement entre la véraison et la récolte dans des proportions qui sont très variables selon la climatologie de chaque cycle végétatif. L’influence des conditions de maturation sur les équilibres acide tartrique/acide malique/potassium a été démontré.
Les millésimes de la dernière décennie ont démontré l’intérêt de suivre la baisse d’acidité totale au cours de la maturation car, certaines années, la limite qualitative idéale à la récolte de 7,5 g/l a été parfois atteinte avant que les teneurs en sucres dépassent 9 à 9,5 % vol.
L’équipe de la Station Viticole du BNIC a mené une étude pour caractériser l’état du stock « acides » à la véraison selon les années et l’influence des effets sites et terroirs sur l’évolution de l’acidité au cours de la maturation. Les acides tartrique et malique représentent 90 % de l’acidité. L’étude a été menée sur l’acide tartrique en s’appuyant sur le réseau Maturation de 55 parcelles durant la période 2001 à 2011.
L’acide malique est très présent à la véraison
Les résultats permettent d’observer qu’en moyenne, la concentration en acide malique (25,9 g/l) est deux fois supérieure à celle de l’acide tartrique à la véraison. Les variations de teneurs entre des années qualifiées d’acides et de peu acides ne dépassent pas 2 g/l. Le potentiel acide à la véraison fluctue peu selon les années mais, par contre, les effets parcelles sont plus marqués. La nature des sols, les méthodes d’entretien du vignoble et le système de conduite semblent avoir une influence sur les teneurs en acides tartrique et malique à la véraison.
Une stabilité de l’acide tartrique et une forte diminution de l’acide malique durant la maturation
Au cours de la maturation, l’évolution des teneurs en acides malique et tartrique se déroule de manière très différente. L’acide malique diminue dans des proportions deux fois plus importantes (- 75 % au lieu de – 38 %) que l’acide tartrique. L’incidence des conditions climatiques pendant cette période et l’état hydrique des sols jouent un rôle important sur l’intensité des phénomènes de dégradation. La variabilité des teneurs de ce composé à la récolte est forte (28 %) alors que celle de l’acide tartrique évolue peu (8 %). L’acide tartrique reste beaucoup plus stable au cours de la maturation, même si sa concentration dans les baies baisse. Les diminutions de teneurs sont directement corrélées à l’effet de dilution volumique engendrée par l’évolution du poids des grappes au fil des semaines. Dans l’état actuel des connaissances, les phénomènes de dégradation physiologique de l’acide tartrique pendant la maturation semblent être très limités. Seules, des séquences prolongées de fortes températures (supérieures à 35 °C) peuvent avoir une incidence mais leur importance réelle est méconnue. L’acide tartrique est le composé stabilisant de l’acidité totale des moûts et des vins.
L’équipe de la Station Viticole du BNIC s’est intéressée aux éléments qui sont susceptibles d’influencer la synthèse de l’acide tartrique dans les moûts. La vigueur de la vigne semble avoir une influence beaucoup plus marquée sur la synthèse de l’acide malique que sur celle de l’acide tartrique. Au sein du réseau Maturation, une étude détaillée de l’effet parcelle sur les teneurs en acide tartrique est en cours. Il s’avère que la parcelle permettant d’obtenir en moyenne les moûts les plus acides ne l’est pas toutes les années. Les écarts d’acidité par rapport à la moyenne sont généralement de ± 1 g/l. Il semble que l’influence des terroirs et des modes de conduite permettent d’expliquer les variations de concentrations en acide tartrique. Ce constat n’est pas réellement une surprise car une étude régionale sur les pratiques culturales réalisée en 2005 avait déjà mis en évidence que les pratiques de conduite du vignoble provoquent au maximum des variations d’acidité totale de ± 1 g/l.
Des recherches en cours pour identifier des paramètres susceptibles de favoriser la synthèse d’acide tartrique
Gérald Ferrari, l’un des ingénieurs de la Station Viticole participant aux travaux de recherche sur les aspects de maturité Cognac, estime que travailler sur les éléments contribuant à optimiser la synthèse de l’acide tartrique représente un enjeu majeur : « L’impact de la concentration en acide tartrique des moûts à la véraison sur l’acidité totale finale des vins de distillation est important. C’est l’acide le plus fort qui en plus reste stable durant la maturation, la vinification et la conservation des vins. Cependant, des pertes par précipitation se produisent au cours des vinifications et de la conservation. L’acide tartrique joue un rôle majeur sur l’équilibre qualitatif final des vins d’ugni blanc. S’intéresser aux éléments qui influencent sa synthèse durant la phase nouaison/véraison est nécessaire dans une période où l’évolution climatique a tendance à faire chuter les niveaux d’acidité de nombreux millésimes. Des études sont en cours sur ce sujet depuis plusieurs années car, d’un point de vue fondamental, la synthèse de l’acide tartrique n’a jamais été un axe de recherche prioritaire. Un partenariat de recherche est actuellement en cours avec l’ISVV (l’Institut supérieur de la vigne et du vin de Bordeaux) pour comprendre les mécanismes de la synthèse de l’acide tartrique durant l’intervalle nouaison/véraison. Le travail commencé en 2010 et 2011 semble apporter des pistes de réflexion intéressantes qui devront être confirmées dans l’avenir. De notre côté, nous continuons d’explorer l’analyse des sites des productions (du réseau Maturation) qui conduisent à l’obtention de moûts plus concentrés en acide tartrique. L’aboutissement de tous ces travaux pourrait déboucher sur des éléments susceptibles d’apporter des avancées significatives et concrètes en matière de pratiques au vignoble, de sélection de nouveaux clones d’ugni blanc, de réflexions au niveau de nouveaux cépages et porte-greffes. »
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