La trêve olympique aura-t-elle lieu ?

13 juin 2024

Nina Couturier

A l’aube des Jeux Olympiques qui feront se braquer sur la France les yeux du monde entier, c’est dans un contexte aujourd’hui a minima incertain en terres européennes et trouble au sein de l’Hexagone que nous devons nous interroger. La fierté française, si chère au président Macron et martelée depuis ce début d’année, est-elle toujours de mise ? Comment les décisions prises aujourd’hui par ce dernier, ou encore par l’Union européenne, impacteront-elles agriculture et viticulture pour l’avenir ?

Si la France vire à droite toute, les équilibres se maintiennent au Parlement européen

Seul cadre pertinent pour avancer sur les dossiers agricoles, la PAC en tête, l’Union européenne voit aujourd’hui ses instances renouvelées, le Parlement européen ayant ouvert le bal. Dans ce contexte et en regardant de près les résultats des élections du 9 juin, comment la France s’est-elle positionnée comparativement à ses voisins et partenaires européens ? Same, same, but different.

Si, en France, le Rassemblement National a réalisé une performance historique avec 31,47 % des voix, dominant largement les autres partis et obtenant 30 sièges, Renaissance et le Parti Socialiste-Place Publique ont également réalisé de bons scores, avec respectivement 13 sièges chacun. Si l’on prend ensuite de la hauteur et à l’échelle de l’Union européenne, la composition du Parlement se veut quant à elle plus équilibrée. Le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes et Démocrates (S&D) et Renew Europe (RE) continuent de former les blocs les plus importants, bien que les conservateurs et les partis d’extrême droite, comme le groupe Identité et Démocratie (ID), aient également gagné du terrain. Cette polarisation plus marquée en France avec la domination du RN contraste alors avec une représentation plus fragmentée et équilibrée au niveau européen, où les forces politiques traditionnelles maintiennent une influence significative malgré la montée des partis populistes et conservateurs.

Faire entendre la voix de l’agriculture et de la viticulture dans ce nouveau contexte politique

Si les négociations sur la prochaine Politique agricole commune (PAC) prévues pour mi-2025 et les décisions qui en découlent sont attendues de pied ferme par le monde agricole et viticole qui entend bien faire valoir ses droits et positions (mesures de marché, durabilité, régime des autorisations de plantations, étiquetage, etc.), un défi majeur se profile néanmoins : parmi les nouveaux eurodéputés, peu possèdent un profil agricole.
Avec la constitution imminente des commissions parlementaires, dont la sacro-sainte COMAGRI, comment s’assurer que les intérêts agricoles et viticoles soient représentés et défendus ? Avec beaucoup de pédagogie, la volonté d’installer une relation sur le temps long et surtout sans attendre, dans la continuité du travail réalisé dans la perspective des élections européennes. Par ailleurs et bien que les équilibres politiques au Parlement européen soient légèrement modifiés, avec un léger déplacement vers la droite, la présence de nombreux eurodéputés non affiliés laisse place à des recompositions potentielles des groupes politiques. Il est alors impératif de saisir cette opportunité pour influencer les politiques à venir, notamment en matière de durabilité et de compétitivité. Pour les syndicats agricoles généralistes comme pour la Confédération nationale des vins d’appellation d’origine contrôlée (CNAOC), l’objectif est alors de définir un cadre réglementaire favorable à la création de valeur et à la nécessaire adaptation aux défis actuels.

Le coup de poker de la dissolution de l’Assemblée nationale

S’il s’agit, pour le président Macron, d’une « décision grave, lourde, mais avant tout d’un acte de confiance » envers les Français, Jeunes Agriculteurs et FNSEA, deux acteurs syndicaux majeurs du monde agricole, exprimaient quant à eux et à l’issue du scrutin et de la décision présidentielle de dissoudre l’Assemblée nationale leurs inquiétudes quant au devenir des réformes. « Egalim, simplification, loi d’orientation… autant de chantiers obtenus par le travail de notre réseau et dont l’aboutissement est remis en question. » Alors que l’agriculture française, pilier de l’économie française, de l’identité (et de la fierté) nationale, est à un tournant crucial, comment prendre ce coup de frein ou d’arrêt dans les prises de décision politiques et législatives en cours, pourtant essentielles pour garantir des revenus justes aux agriculteurs et pour assurer une production durable et de qualité ?

Que penser de ce coup de poker qui, en plus de faire peser un risque certain sur les institutions, agite la presse internationale et inquiète déjà les agences de notation qui craignent une instabilité politique pouvant affecter la crédibilité économique du pays ? Et comment qualifier « cet acte de confiance envers les Français » là où les décisions prises, au fil du temps, tendaient au contraire à une infantilisation de ces derniers ? Ne s’agit-il pas, davantage, d’une décharge de responsabilité ? En appelant à de nouvelles élections législatives, le président Macron transfère la responsabilité de résoudre l’impasse politique actuelle aux électeurs, se distançant alors des critiques sur l’inefficacité parlementaire et les blocages institutionnels, tout en posant cet acte comme une tentative de renouvellement démocratique en période de crise sociale et économique.

Voir le verre à moitié plein ?

Alors que les agriculteurs français attendaient avec espoir les avancées des réformes législatives promises, la dissolution surprise de l’Assemblée nationale vient semer le doute et l’incertitude. Les réformes cruciales pour le secteur agricole, telles que la loi d’orientation agricole et les renforcements des dispositifs Egalim, risquent d’être mises en suspens, au grand dam des principaux syndicats agricoles. Néanmoins, tous ne se résolvent pas à voir le verre à moitié vide. Comme l’indique la CNAOC, « pour nos AOC, et la viticulture en générale, ces élections législatives seront d’une importance capitale. Les députés examineront dès la rentrée des textes très importants pour l’avenir de notre filière : PLOA, PLF, PLFSS, Egalim 4. La viticulture doit se mobiliser ». Plus que jamais, à vos votes les 30 juin et 7 juillet prochain !

Peur sur la Chine acte III

Et comme si tout cela ne suffisait pas, l’Union européenne a menacé, le 12 juin dernier, d’imposer des droits de douane supplémentaires sur les importations de voitures électriques venant de Chine, et ce à partir de début juillet. Face à cette annonce, Florent Morillon, président du Bureau national interprofessionnel du cognac, indique que la filière « [prend] note de la décision européenne et [réitère] une fois encore [sa] plus vive inquiétude concernant les conséquences sur l’enquête antidumping lancée par la Chine sur les brandies européens ».
Wait and see…

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