Le changement d’un pulvérisateur engendre souvent la mise en place d’une organisation nouvelle du chantier de pulvérisation pour optimiser à la fois les performances de l’appareil et la mise en œuvre de la protection du vignoble. Laurent Bastier a acheté cette année un tunnel de pulvérisation confiné Lipco, qui lui permet d’aborder la conduite des traitements en faisant preuve de plus de technicité. Son témoignage objectif conforte à la fois l’efficacité du principe de pulvérisation, l’aptitude du matériel à réduire fortement les phénomènes de dérive et l’intérêt économique de la récupération de bouillie.
Des turbines tangentielles ayant un flux d’air constant
Progressivement, L. Bastier s’est intéressé aux tunnels de pulvérisation confinés. Une rencontre avec un utilisateur d’un pulvérisateur Lipco lui a permis d’avoir une idée plus juste du fonctionnement de ce type de matériel dans un vignoble très comparable au sien. Il s’agissait d’un appareil traîné équipé de deux cellules de traitement confinées installées à l’arrière comme les rampes de pulvérisation traditionnelles. La conception du matériel équipé de turbines tangentielles incorporées dans la structure de chaque panneau a tout de suite retenu son attention. Le flux d’air avait de la constance et une bonne capacité de pénétration dans la végétation dense des rangs. Les discussions avec les sociétés Maunais, le revendeur local, et Clemens, l’importateur, ont fini de le convaincre car l’investissement dans ce type de maté-
riel était à peu près équivalent à celui d’un pneumatique. Le viticulteur a pris le temps de « mûrir » sa réflexion sur l’adaptation de l’équipement à la configuration de son vignoble.
Deux cellules confinées montées sur un châssis trois points
Une vitesse de rotation des turbines variable pour s’adapter au volume de végétation
Le nouveau pulvérisateur de L. Bastier est constitué d’un châssis de pulvérisation porté supportant les deux cellules de pulvérisation Lipco et le bloc de la pompe et à l’arrière, la cuve tractée de 1 500 l. Le fonctionnement des quatre turbines tangen-tielles à pleine vitesse de rotation demande un débit d’huile de 30 l/mn qui aujourd’hui est disponible sur beaucoup de tracteurs récents. Il n’est plus nécessaire d’équiper les pulvérisateurs d’une centrale hydraulique indépendante. L’appareil complet avec le châssis porté et la cuve de 1 500 l a une longueur de seulement de 30 cm de plus que le KWH avec la turbine arrière. La cuve de 1 500 l a été équipée d’une cuve de rinçage de 200 l (pour laver le pulvérisateur à la parcelle) qui a été rajoutée à l’arrière du châssis. L. Bastier tracte le pulvérisateur avec un tracteur Fendt 208 F qui possède une puissance hydraulique largement suffisante. Les besoins hydrauliques sont proportionnels à la vitesse de rotation des turbines tangentielles. En début de campagne, elles tournent à mi-régime et les besoins hydrauliques des moteurs sont de 50 bars. En pleine saison, les turbines fonctionnent à plein régime pour donner au flux d’air la puissance et la stabilité nécessaires à une bonne exploration de la végétation. Les besoins hydrauliques au niveau des moteurs sont alors de 120 bars. La récupération de la bouillie à la base des panneaux s’effectue grâce à un système de venturi dont le débit est bien adapté aux volumes plus importants en début de saison. L’extension et la fermeture des deux cellules s’effectuent facilement, rapi-
dement et de façon identique des deux côtés. La largeur intérieure des deux panneaux se règle facilement grâce à un système de chaîne (1 m en début de saison et 1,20 m à partir de la floraison). Les turbines tangentielles, d’une hauteur de 1,70 m, pulsent l’air vers 6 buses réparties sur la hauteur. La pression de travail au niveau des buses est de 4 bars.
être attentif lors des manœuvres en bout de rangs
La prise en main de l’appareil a nécessité une organisation différente au cours des premiers traitements pour trouver la meilleure façon de gérer le chantier de pulvérisation. L. Bastier, qui a effectué l’ensemble des traitements depuis le début de la campagne, ne cache pas que la conduite de ce pulvérisateur nécessite une certaine attention : « La conduite du pulvérisateur Lipco nécessite de l’attention surtout en bout de rangs. Les manœuvres au niveau des tournières de certaines parcelles un peu courtes et en pente ont été un peu délicates lors des deux premiers traitements. Maintenant, je gère beaucoup mieux les reprises de rangs. Le positionnement de masses supplémentaires à l’avant du tracteur a amélioré la stabilité. La largeur de mon tracteur de 1,30 m me paraît être un peu insuffisante. Par contre, dans les rangs, la conduite est très facile. Les panneaux se centrent tout seul car ils sont associés au tracteur. Le matériel est aussi très facile à atteler et à dételer. »
Une réflexion différente cau niveau des doses de produit à appliquer
Le vignoble de 26 ha est réparti en différents îlots distants de quelques kilomètres du siège d’exploitation. Lors des premiers traitements, l’ensemble de la surface était couvert dans la journée. En pleine saison, les temps de chargement supplémentaires du pulvérisateur diminuent un peu le débit de chantier et 22 à 24 ha sont couverts dans une grande journée. L’utilisation de ce nouveau pulvérisateur l’a obligé à aborder le pilotage des doses de produit à appliquer d’une façon différente. Le niveau de récupération de bouillie fluctue en permanence en fonction de l’allongement de la végétation, de la vigueur des vignes et du taux de manquants. L. Bastier, qui avait l’habitude de moduler les doses en fonction des niveaux de risques mildiou et oïdium, a continué de mettre en œuvre cette stratégie sans tenir compte au départ du taux de récupération de bouillie. Les volumes de bouillie récupérés dont la concentration en produit est identique permettent de protéger des surfaces supplémentaires. En début de campagne, il avoue s’être beaucoup interrogé sur les doses de produits à mettre en œuvre. Le bien-fondé de chaque traitement est raisonné en tenant compte des niveaux de risque mildiou et oïdium. Pour cela, il s’appuie sur la démarche Optidose, ce qui complique un peu le raisonnement de la dose de produit réellement appliquée au vignoble.
Le taux de récupération de bouillie fluctue à chaque traitement
Après avoir réalisé 6 traitements, L. Bastier commence à mieux appréhender le pilo-tage des doses de produits qu’il souhaite utiliser : « La mise en œuvre des doses de produits à appliquer nécessite une tout autre réflexion compte tenu de la récupération de bouillie. Avant chaque traitement, il n’est pas possible de déterminer avec précision le taux de récupération de bouillie. La surface couverte avec 1 500 l de bouillie fluctue toujours et lors du dernier pulvérisateur, on se retrouve parfois avec des restes ou des manquants. Même si les phénomènes de dérives sont faibles, l’effet du vent lors des premiers traitements sur le taux de récupération de bouillie est assez perceptible. En pleine saison, les différences de vigueurs entre les parcelles et la présence des manquants interfèrent aussi sur les taux de récupération. Le débit minute de chaque buse corrélé à la vitesse d’avancement me sert à caler le volume de bouillie théorique épandu à l’hectare. J’intègre ensuite la quantité de produit correspondant au raisonnement de la dose adaptée au niveau de risque mildiou et oïdium. Je me suis fait un petit tableur pour calculer les doses de produits à mettre en œuvre en tenant compte des niveaux risques et des litrages théoriques épandus avec 4, 8, 12, 16, 20 ou 24 buses ouvertes. »
23 à 24 ha traités dans la journée et 3 000 e ht d’économie de produit
Le taux de récupération est inversement proportionnel au volume de végétation. Lors des 5 premiers traitements, le pulvérisateur évoluait à une vitesse de 6,9 km/h et les taux de récupération sont restés élevés jusqu’au 4e traitement (45 % et 35 % de récupération pour les 3e et 4e traitements). À partir du cinquième traitement, les niveaux de récupération de bouillie se situent autour de 20 %, ce qui génère encore des économies substantielles. À l’issue de cette première campagne, L. Bastier pense économiser 30 % de produit. Le budget annuel de la protection phytosanitaire de cette exploitation, d’environ 10 000 € HT en moyenne, sera minimisé d’environ 3 000 € HT cette année. En pleine saison, la vitesse d’avancement a été réduite à 6,5 km/h pour renforcer la pénétration et la répartition du flux d’air au niveau du feuillage. Un pulvérisateur de 1 500 l (avec 24 buses ouvertes et une vitesse de 6,5 km/h) permet de protéger 8 ha de vigne (taux de récupération de 17 %) en trois heures de travail dans les parcelles. Ce débit de chantier permet de traiter 23 à 24 ha dans la journée en appliquant trois pulvérisateurs. Lors du traitement suivant la floraison, les filtres au-dessus des venturis d’aspiration de la bouillie à la base des panneaux avaient tendance à se boucher (la chute des capuchons floraux). Leur nettoyage au moment du remplissage du pulvérisateur s’avère indispensable.
Une consommation de gas-oil pratiquement divisée par deux
Le fonctionnement du pulvérisateur Lipco demande nettement moins de puissance que le précédent matériel. L. Bastier constate que le tracteur ne peine jamais pour tracter le nouveau pulvérisateur : « La demande de puissance pour faire fonctionner le pulvérisateur Lipco est nettement inférieure à celle du KWH. Le tracteur, un Fendt 208 F, tracte sans forcer l’appareil à un régime moteur de 1 500 tr/mn (510 tr/mn pour la prise de force). La différence se ressent nettement au niveau de la consommation de gas-oil, puisque auparavant il fallait 110 l de carburant par journée de traitement et aujourd’hui 60 l suffisent. Une telle différence va générer à la fin de la campagne plus de 600 l d’économie de carburant. Globalement, la qualité de la pulvérisation de l’appareil Lipco me paraît supérieure à celle du KWH. Le fait de travailler à une vitesse d’avancement de 6,5 km/h me paraît être un gage de qua-lité. Toutes les faces de rangs sont protégées avec une grande régularité de pénétration du flux de pulvérisation dans le feuillage. Les économies de carburant et de produits liées à la récupération de bouillie vont quasiment permettre d’assurer le financement de l’investissement de 25 000 € HT dans cet appareil. Le seul point à améliorer concerne le nettoyage. En effet, les flexibles hydrauliques et les têtes de moteur non protégées par des carters sont très réceptifs aux embruns de pulvérisation. Leur nettoyage régulier même avec le laveur haute pression s’avère problématique. »
Les points clés du pulvérisateur Lipco utilisé par Laurent Bastier
l 26 ha de vigne à traiter.
l Vignoble de 2,50 m et 3 m d’écarte-ment avec un palissage haut.
l Première campagne d’utilisation en 2014 d’un pulvérisateur Lipco porté tractant une cuve de 1 500 l.
l Les réglages du pulvérisateur :
− vitesse d’avancement de 6,5 km/h en pleine saison ;
− pression d’utilisation aux buses de 4 bars ;
− 220 l/ha appliqués en pleine saison avec 10 buses par rang (sans la récupération).
l Débit de chaniter :
− 8 ha de traiter en 3 heures dans des vignes à 3 m d’écartement ;
− 23 à 24 ha traités dans la journée avec 3 pulvérisateurs ;
− un flux d’air très stable sur toute la hauteur de la végétation.
l Un taux de récupération de bouillie supérieur à 40 % jusqu’au 4e traitement.
l Des économies de produits de 30 % sur la campagne.
l Une baisse importante de la consom-mation de gas-oil liée à une faible demande de puissance.
l Une baisse des consommations de produits phytosanitaires de 3 000 € ht/an qui va autofinancer l’inves-tissement.