La taille en vert nécessite de la réactivité

5 mars 2019

Après une grêle, le redémarrage du cycle végétatif est souvent problématique

 

            Faut-il pratiquer une retaille en vert dans les vignes grêlées à plus de 80 % ? Beaucoup de viticulteurs s’interrogent sur ce sujet surtout pour leurs jeunes parcelles de 3 à 5 ans. Deux jeunes viticulteurs, Gabriel et Yann Moine ont mis en œuvre cette pratique après deux épisodes de grêle. Leur retour d’expérience met en évidence l’importance de réaliser cette intervention le plus rapidement possible après une grêle.

 

L’Earl du clos des Gourmandières qui exploite un vignoble de 38 ha réparti en différents îlots entre Chassors, Luchac, Les Métairies et Foussignac a été confrontée à deux sinistres de grêles en 2014 et en 2016. La répartition de ce vignoble sur une aire géographique assez étalée (sur plus de 10 km) constitue en théorie déjà un élément de moindre sensibilité à ce type d’aléas climatique. Néanmoins, la puissance des sinistres de grêles interpelle fortement G et Y Moine car historiquement, leur père et leur oncle n’avaient jamais été confrontés à des dégâts aussi importants sur la propriété. Les deux jeunes viticulteurs avouent que les deux sinistres ont été pour eux un vrai traumatisme. Les images du saccage de la végétation et du retour des parcelles à leur état quasi hivernal les ont profondément affectés.

 

1/3 de la surface du vignoble grêlée en 2014

 

            En 2014, la grêle du 8 juin s’est concentrée sur le secteur proche de Luchac et une dizaine d’hectares ont été impactés. Même si la surface grêlée ne représentait qu’un peu plus de 1/3 du vignoble de cette exploitation, l’incidence du sinistre a été perceptible sur la productivité. Une dizaine d’hectares avait été touchée à 50 % et une jeune vigne  était pratiquement détruite entre 80 et 100 %. L’assurance  contractée sous la forme d’un contrat global fondée sur la production totale de l’exploitation n’a pas débouché sur une indemnisation compte tenu de la bonne productivité du reste du vignoble. Suite à cette situation, G et Y Moine ont décidé de prendre un contrat d’assurance à la parcelle couvrant à la fois le gel et la grêle. L’importance des dégâts surtout dans la jeune vigne a été pour ces deux jeunes viticulteurs un vrai traumatisme : « Dans les vignes plus âgées touchées entre 50 % et 70 %, le fait qu’il restait une partie de la végétation (même abîmée) et quelques grappes nous laissait entrevoir la situation avec moins de pessimisme. Par contre, dans la jeune parcelle de 3 à 4 ans, la vision des rangs et des souches était un spectacle de désolation. Beaucoup de ceps ne portaient que des chicots de sarments très impactés par les grêlons. Elles auraient dû faire leur première belle récolte et tout était ravagé ».

 

Un essai de taille dans la parcelle de jeunes vignes

 

            Après quelques jours de réflexion et de nombreuses discussions avec d’autres viticulteurs sinistrés et surtout avec Jean-Christophe Gérardin, le technicien de la chambre d’agriculture de la Charente, G et Y Moine ont décidé d’intervenir dans leur jeune vigne : « Dans la parcelle de 3 et 4 ans, soit on l’a laissé en l’état, soit on faisait une taille en vert pour favoriser la sortie de beaux rameaux qui potentiellement pouvaient devenir  des bois d taille sains l’hiver prochain. Nous avons opté pour cette deuxième solution mais il s’était écoulé un délai de 8 jours entre la date du sinistre et le début  de l’intervention dans les vignes et dans l’objectif de. On a enlevé la végétation fragilisée, cassé et retaillé tous fragments de sarments restants à 2 à 3 cm des rameaux restants. Avec le recul, on peut dire que notre seule erreur a été d’attendre une semaine pour réaliser la taille en vert. Quand nous avons commencé le travail, les premiers bourgeons étaient déjà ressortis et les souches pleuraient beaucoup. Ces coups de sécateurs trop décalés par rapport à la date du sinistre se sont révélés pénalisants pour souches. On a obligé la vigne à faire un nouveau débourrement qui n’a pas été à la hauteur de nos espérances. Des rameaux sont ressortis mais ils ont donné des bois de tout petit diamètre (de 6 à 8 maximum) sur lesquels nous n’avons pas pu établir la taille de l’hiver suivant ».

 

Une retaille trop tardive qui a «fatigué » les souches

 

            Au moment de la taille, les deux jeunes viticulteurs ont été déçus par la qualité des bois qui ne permettait pas de trouver de belles lattes et des coursons bien placés. Le nouveau débourrement n’avait commencé qu’après le 24 juin, soit plus de 15 jours après le sinistre et ensuite la vigne a fait son cycle avec beaucoup de retard. Les écoulements de sève abondant dans les jours suivant la grêle et ensuite la coupe des premières repousses d’apex ont beaucoup fatigué les jeunes ceps. La parcelle a ensuite semblé manquer d’énergie pour produire de beaux bois : « Dans les vignes affectées entre 50 et 70 % que nous n’avions pas touchés suite à la grêle, nous avons passé la machine à vendanger et récolté 30 à 50 hl/ha. La jeune vigne n’a pas été vendangée car la végétation était trop frêle et la qualité des bois de taille s’est avérée très décevante. On aurait dû intervenir dans les deux jours après le sinistre pour stimuler la repousse dans des délais normaux. Le fait d’avoir attendu 8 jours a fatigué les souches et a ensuite trop retardé le second cycle végétatif ».

 

Les 15 ha de grêlé à plus 80 % en 2016 ont été totalement retaillés       

 

            Une nouvelle épisode de grêle a touché la propriété le vendredi 27 mai 2016 avec un gradient d’intensité très fort. Ce second sinistre a été un véritable traumatisme personnel pour les deux jeunes viticulteurs. Certes, l’assurance à la parcelle a bien sûr permis de les indemniser correctement mais le travail pour reconstruire les souches leur paraissait énorme : « En 2016, l’ampleur de la grêle chez nous a été énorme. 15 ha étaient détruits à plus de 90 %. On se croyait en plein hiver. La vue de nos vignes nous démoralisait. Néanmoins, notre priorité a été de penser tout de suite à la récolte 2 017. Dès le dimanche, on est rentré dans les parcelles pour retailler les 15 ha. Une équipe de 6 à 7 personnes a été mobilisée et en 5 jours on a retaillé les 15 ha. Le travail de retaille en vert n’est pas très compliqué. Il faut couper avec des sécateurs manuels les rameaux restants à une longueur de 2 à 3 cm. C’est tout de même assez fatigant et fastidieux car la végétation meurtrie est parfois dure et des écoulements abondants de liquides noirâtres se produisent sur les souches ».

 

Une qualité de bois de taille bien meilleure après la taille en vert

 

            Les vignes retaillées en vert se sont bien refaites au cours de l’été. 8 jours après la grêle, les premiers apex ont commencé à ressortir. De beaux rameaux se sont développés avec un décalage dans le temps. Les vignes avaient retrouvé un volume de végétation d’aspect normal dans le cœur de l’été et le premier rognage est intervenu vers la mi-août. Quelques raisins étaient présents sur les rameaux de deuxième génération mais ils n’ont pas été récoltés. Le bel automne 2016 a favorisé l’aoûtement des bois. Les deux jeunes viticulteurs considèrent que la retaille en vert aussitôt la grêle a été en 2016 très bénéfique pour la qualité des bois de taille : « Durant l’hiver 2016/2017, nous avions retrouvé une très belle taille en guyot avec des lattes fortes et des coursons bien placés dans toutes les parcelles retaillées en vert. La présence de quelques rangs témoins qui n’avaient pas été touchés après la grêle nous a permis d’observer les différences. La qualité des bois était nettement moins bonne dans les vignes laissées en l’état. Les lattes étaient petites et surtout très fragiles au moment de l’attachage. On en cassait beaucoup même en prenant des précautions. Notre regret est de n’avoir pas pu quantifier les bienfaits de la taille en vert sur les rendements 2 017. En effet ces îlots ont été fortement touchés par le gel de printemps. Heureusement, cette fois on était bien assuré !».

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