la SICA de Bagnolet et hennessy, un fonctionnement qui évolue

21 août 2019

Les vignerons réunis autour des chiffres et de l’environnement

 

Lié à Hennessy, la Sica Bagnolet a présenté, lors de son assemblée générale le 24 avril dernier, ses résultats, sa relation avec la marque de LVMH, les contrats entre les sociétaires et le groupe. La première marque de cognac en a profité pour évoquer ses projets et sa vision de l’avenir, autour de l’environnement et du cahier des charges.

 

Devant une salle comble frôlant le millier de personnes Guillaume Roy, a présenté, en tant que président, les résultats du dernier exercice de la Sica Bagnolet. Les relations historiques entre la société agricole et Hennessy évoluent depuis quelques années, et les premiers résultats se font sentir. Lors de la présentation des résultats 2018 le 24 avril dernier, une augmentation de « 8% sur les eaux-de-vie nouvelle a été actée, un peu plus de 1300€ hl AP stockée », annonçait M. Roy.

 

Évolutions des contrats entre les vignerons et Hennessy

 

La récolte 2017 a souffert d’une perte de volume 10,55% par rapport à 2016, « cela s’explique par le fait que nous sommes toujours en phase de déploiement de la contractualisation, se combinant avec la plus faible récolte 2017 (et notamment son gel printanier) », a détaillé Guillaume Roy.

Les relations dans le triptyque vignerons, Sica Bagnolet et Hennessy évoluent. Les volumes entrés dans le dernier exercice par le biais de la Sica sont de 61 938hl AP contre 83 899hl AP sur l’exercice 2017, soit une baisse de 26,18% – en valeur une diminution de 23,53%, passant de 121 389 000 d’euros en 2017 à 92 824 000 d’euros en 2018. Outre les récoltes impactées en 2017 (surtout) 2018 (sur certaines zones), la contractualisation a changé. En effet, depuis 2015 les sociétaires ne sont plus obligés de passer par la Sica pour vendre les eaux-de-vie nouvelles ou rassises à Hennessy. « Nous vivons une baisse sensible des entrées à la Sica, et constatons cet effet en 2018, car les comptes 2, représentent 60% des volumes vendus. Ce sont les premiers effets visibles de la contractualisation qui a commencé en 2015 », précisa le président de la société d’intérêt collectif agricole.

Ainsi, la Sica est passé de près de 1 000 adhérents à 750-800. Soit presque 20% de perte. Contrairement à des contrats annuels proposés par la Sica, Hennessy propose des contrats allant de trois à cinq ans. Résultat, au 31 décembre 2017, la Sica stockait 138 700hl AP contre 117 000 fin 2018 (pour une valeur de 148 m€ hors frais financiers et 2,12% de taux d’évaporation moyen). Tous les comptes sont en baisse, hormis les 00, en hausse de 40%.

 

Achats directs et stockage long terme

 

Toutefois, les achats directs aux adhérents ont augmenté de 30%, passant de 36 932hl AP (2017-2018) à 47 869hl AP (2018-2019). « L’année viticole 2018 a été assez exceptionnelle, car nous avons eu une grosse récolte, et remarquée au niveau qualité », a rappelé le responsable charentais. Ainsi, les volumes supérieurs à 12hl AP/ha, base recommandée par Hennessy, jouirent de conditions particulières. »

Cette stratégie est voulue dans le but de diversifier et surtout valoriser davantage une partie du stock. « Ces volumes ont bénéficié d’une durée de vieillissement supérieure, allant jusqu’au compte 6. Une plus-value supplémentaire pourra récompenser l’effort de production réalisée par les sociétaires concernés par cette mesure. Il sera également possible pour chaque apporteur de demander une sortie anticipée de ses volumes en cas d’aléas climatiques » explicita Guillaume Roy. Tous les crus ont été concernés par ces augmentations, représentant environ 10% du volume entré cette année. 2019 ne semble pas partie pour faire exception.

 

Les chiffres visés, réels et symboliques

Cécile François, directrice de la communication institutionnelle de Hennessy, a, quant à elle, évoqué les chiffres, réels et symboliques de la marque, avec « 7,5 millions de caisses dans le monde 2017 (chiffres communiqués par LVMH) – soit 45 millions de bouteilles ou 252 000hl AP, l’objectif sera d’atteindre les 10 millions. Ce ne sont pas des objectifs année après année, ce sont des objectifs qui se reprennent en fonction des développement ».

Après les épisodes de grêle et de gel, avec une récolte encore incertaine et très difficile à évaluer, la maison des quais de Charente devra à nouveau porter attention à ses livreurs, autant dans la qualité que la quantité, autant les chais que les vignes. « Notre patrimoine, rappelait le PDG d’Hennessy, Bernard Peillon, nous n’en sommes pas propriétaires, mais dépositaires. C’est un bien collectif, en tant que tel, nous ne reconnaissons à aucune individualité le fait de se l’approprier, de décider pour les autres ce qu’elle doit devenir. »

Les relations et les objectifs évoluent en fonction des relations économiques et diplomatiques, demeure l’essentiel. Le patrimoine émane de la patrie, « à celui qui n’a rien, la patrie est son seul bien » disait Jaurès, comme pouvait également l’être le trésor de l’église de jadis, du trésor du laboureur et de ses enfants, comme des viticulteurs.

 

Les mots du président : « Ce qui constituera notre avenir »

Urbi et orbi. Lors de l’assemblée générale de la Sica Bagnolet, Bernard Peillon, Président-Directeur Général de Hennessy a expliqué la direction donnée au « H » du groupe LVMH, en « ce qui constituera notre avenir ».

 

Traçant les grandes lignes, qui doivent être suivies d’application, il espère que la marque de Cognac gardera sa position avant-gardiste. « La préoccupation par l’avenir de notre maison et de votre avenir, étroitement lié au nôtre. Notre société et nos consommateurs sont en pleine révolution. Le terme révolution n’est pas neutre. Je ne vous parle pas d’une évolution, mais d’une révolution, c’est autrement plus important, autrement plus fort. Nous savons que la notion d’excellence, de part le monde, est en train d’évoluer. Nos consommateurs veulent savoir comment nos produits sont fabriqués », s’enflamma Bernard Peillon.

 

Plus loin que la réussite économique

 

Dans un monde de plus en plus rapide, le PDG de la marque souhaite « faire preuve d’anticipation. Vus les derniers événements entre les États-Unis et l’Europe, il est indispensable que la maison Hennessy et ses réseaux de distribution anticipent ce qu’il pourrait se passer si cela devait aller plus moins que des simples menaces. L’anticipation est important, l’agilité est fondamentale. Il est important de disposer d’une vision à long terme, afin de garder un cap. Nous sommes, je suis dans une très grande sérénité par rapport à la marche du monde. Ce qui compte est qu’à moyen et à long terme, nous croyons dans l’industrie dans laquelle nous sommes, qu’elle soit celle du luxe ou celle du cognac. Motif de satisfaction, nous faisons partie du club des 100 marques les plus puissantes. »

Durant son discours savamment maîtrisé, Bernard Peillon a également a listé plusieurs points essentiels pour son entreprise. « Emprunte carbone, qualité de l’eau, qualité de l’air, santé des hommes et des femmes sont directement liés à notre bassin géographique et à nos consommateurs. Nous avons une ambition soucieuse et élevée en terme de développement durable, et découvrir de nouvelles manières de produire. »

Tout cela est-il une évolution, une révolution, ou revenir sur une parenthèse ouverte par l’idée de progrès ? « Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain », s’inquiétait Georges Bernanos dans La France contre les robots.

 

Cahier des charges

 

« Nous faisons partie des grands plaisirs de la planète mais nous ne sommes pas indispensables, a rappelé, avec justesse, M. Peillon. La maison travaille activement à la recherche d’alternatives à l’énergie fossile », avec l’exemple du robot TED (robot autonome utilisé pour le travail du sol, toujours au stade expérimental, cf. Le Paysan Vigneron n°1209). Nous ne pouvons plus nous satisfaire d’une simple réussite économique. Notre ambition de développement durable est un objectif enthousiasme. Soit on se plaint des contraintes et on n’en comprend pas le sens. C’est une ambition soucieuse et élevée en terme de développement durable. Produire le plus noble des spiritueux. »

Défendant le cahier des charges « et ne jamais accepter de compromis », afin que les viticulteurs se sentent « dépositaires de cette appellation […] car c’est un bien commun », l’homme de LVMH a fait un parallèle entre la « confiance de nos consommateurs à l’égard des institutions, des structures, se délite. Dans ce monde, le rôle des marques n’a jamais été aussi important. Dans ce monde où les consommateurs attendent de nous que nous portions des valeurs et des principes qui sont clairs, c’est une formidable opportunité et une très grande responsabilité. »

La part des anges n’est pas qu’une consommation, c’est un art et une part de notre âme provinciale et nationale.


Les investissements d’Hennessy dans le vignoble : Petit tour d’une politique environnementale

 

À la suite de leur PDG, les équipes d’Hennessy travaillent dans l’ombre pour que viennent sur le devant de la scène les éléments concrets des déclarations de Bernard Peillon. Petit tour d’horizon, basé autour du forum technique et l’image de la marque.

 

Dans une ère de mouvements et de changements en profondeur, les vignerons montrent quelques inquiétudes légitimes dans ces évolutions rapides. Interrogés par leurs dirigeants, les sociétaires de la Sica Bagnolet ont fait ressortir cinq grandes lignes (dont les trois-quarts sur les traitements et produits phytosanitaires :

41% supprimer herbicides & revenir au travail du sol

34% réduire fongicides & insecticides

17% mise à jour administrative

5% gérer les effluents phytosanitaires

3% gérer les effluents de chais & de distillerie.

Les équipes dirigeantes ont donc axé le travail sur le sacrosaint « développement durable » autour de ces thématiques qui concernent, au premier chef, leurs livreurs partenaires.

 

Forum technique annuel

 

Depuis 2011, le chef de file des grandes maisons de Cognac organise un forum technique, recherche et développement. « Nous avons environ 180 hectares et plus de 30 programmes de recherche et développement dans différents domaines pour mettre au service de la viticulture durable », a expliqué, à cette occasion, Florent Morillon, directeur Amont d’Hennessy.

La semaine du 13 au 17 mai derniers, 200 à 250 viticulteurs se sont donné rendez-vous quotidiennement, avec des thématiques orientées autour des sujets jugés premiers, primordiaux, ou sensibles par les viticulteurs. « L’idée est de faire rencontrer les viticulteurs avec des spécialistes, des experts. Ce ne sont pas des gens Hennessy qui font passer les messages, mais les experts dans les domaines abordés avec qui nous travaillons déjà, a expliqué Arnaud Camus, responsable marketing et communication Amont. Nous avons un travail R&D, d’expérimentation (instituts techniques, chambre d’agriculture), nous allons chercher des expertises à l’extérieur quand nous ne l’avons pas à Cognac. L’idée est de faire intervenir un spécialiste sur le sujet, avec des petits groupes, sous format d’ateliers, que les gens puissent échanger, faire part de leurs expériences, poser des questions. Cela se veut très pragmatique. »

 

Mesures d’accompagnement : technique, administratif, économique

 

Outre le suivi technique par le pôle recherche et développement, la marque de LVMH souhaite « aider [le]s viticulteurs sur certains dossiers. Il y a des possibilités dans le cadre des mesures environnementales d’obtenir un certain nombre d’aides de la région, de l’agence de l’eau. C’est parfois un peu compliqué, et certains viticulteurs peuvent être perdus, et nous apportons un soutien pour obtenir ces aides financières », assure  Florent Morillon.

D’ailleurs, économiquement, certaines mesures se mettent en place. « Nous prenons en charge 50% de ce diagnostic d’exploitation préalable à la certification. Pour les vinasses, soit le vigneron les épand sur ses terres agricoles, ce qui est tout à fait règlementé avec un plan à suivre, soit il les livre à un organisme agréé type REVICO. Nous souhaitons privilégier ce type de re-traitement. Nous apportons notre soutien sous forme de prime. Le viticulteur qui justifie à la fin de l’année la livraison de ses vinasses à REVICO, nous lui reversons ensuite une prime de 8 à 9€ hl AP livrée, par un versement à la fin de l’année, pour l’inciter plutôt dans cette voie. Il peut avoir des voies règlementaires, mais nous pouvons être vertueux, en estimant que certaines sont meilleures que d’autres. »

 

Quelques dates et quelques chiffres

 

– 1998, première société au monde ISO 14001 dans le monde des vins et spiritueux ;

– 2002, Premier Bilan Carbone ;

– 2007, Certification ISO 22000 ;

– 2013, annonce de la future interdiction du désherbage en plein ;

– 2015, mise en place dans les contrats pluri-annuels ;

– 2017, intégration de la politique QSE (Qualité Sécurité Environnement) ;

– 2019, d’ici à trois ans, 100% des domaines doivent réaliser un auto-diagnostic d’exploitation ;

– 2021, suppression des herbicides dans les vignobles Hennessy ;

– 2023, 50% des viticulteurs avec certification viticulteur durable régionale, sous l’égide du BNIC ;

– 2025 100% des viticulteurs certifiés viticulteurs durables ;

– 2028, zéro herbicide chimique chez les 1 600 livreurs partenaires.

 

A lire aussi

Essai tracteurs 2023 : 7 modèles

Essai tracteurs 2023 : 7 modèles

PLUS DE TECHNOLOGIE ET DE CONFORT DE TRAVAILLe traditionnel essai tracteurs charentais s'est déroulé du 19 au 30 juin 2023, dans les parcelles de vignes des Domaines Frapin, à Juillac-le-Coq. Il a été organisé par la Chambre régionale d'agriculture de Nouvelle...

La part des anges : Trop ou encore ?

La part des anges : Trop ou encore ?

Dans le monde de l'industrie, la freinte désigne la perte de volume ou de poids subie par une marchandise lors de sa fabrication ou de son transport. Cette freinte intervient bien évidemment aussi dans le processus de fabrication des alcools et spiritueux, mais un...

error: Ce contenu est protégé