La 3e Réforme De La PAC : Un Virage Très Risqué

18 mars 2009

photo_26_1.jpgAprès avoir eu une attitude très ferme vis-à-vis des projets de Bruxelles, ce qui allait dans le sens des agriculteurs français, le Gouvernement a dû assouplir sa position.

Pourtant, les accords de Berlin avaient scellé l’avenir de la PAC jusqu’en 2006, et il n’était pas question d’y revenir. Mais l’isolement de la France vis-à-vis de ses partenaires européens pouvait lui faire craindre de perdre ses acquis durement gagnés et pourrait compromettre les négociations de l’OMC, prévues à la mi-septembre. Rappelons que la France est la première bénéficiaire des fonds européens au titre de la politique agricole commune, elle perçoit environ 9,2 milliards d’euros. Ainsi à la mi-mai, une première réunion rassemblant Jacques Chirac, son Premier ministre, les ministres de l’Agriculture et des Finances, initiait l’assouplissement de la position de la France.

Pour les agriculteurs qui avaient décortiqué le projet de M. Fischler, ils comprenaient que c’était une mauvaise nouvelle, car même si tout ne serait pas appliqué, cela entraînerait une baisse de revenu.

Le 26 juin, les ministres de l’Agriculture ont décidé une 3e réforme de la PAC, dite « révision à mi-parcours d’agenda 2000 ». Cette réforme est donc lancée, elle répond aux souhaits de certains Etats qui pressaient la PAC vers des moyens au développement rural, et de plus cet accord à 15 est peut-être moins compliqué qu’à 25, surtout quand les 10 supplémentaires n’ont pas les mêmes richesses, ni les mêmes objectifs.

Sans rentrer dans les détails, et nous limitant aux grandes cultures, les principales décisions sont les suivantes.

photo_26.jpgCéréales :

l Maintien du prix d’intervention (101,31 e base octobre).

l Maintien des aides aux surfaces à leur niveau actuel.

l Réduction de 50 % du niveau des majorations mensuelles.

l Réduction du supplément d’aides à la production du blé dur et suppression programmées dans certaines régions éligibles.

OIéagineux. Sans changement.

Protéagineux. Le supplément actuel maintenu à l’hectare encadré dans un plafond européen de 1,4 million d’hectares.

Cultures énergétiques. Création d’une aide à l’hectare « crédit Carbone » de 45 e pour les surfaces couvertes en cultures non alimentaires énergétiques (hors jachère avec un plafond européen de 1,5 million d’hectares).

Gel des terres. Maintien de la jachère à son niveau actuel, possibilité d’augmenter le taux si
l’équilibre des marchés le nécessite. Maintien de la jachère rotationnelle et possibilité de cultiver sur jachère des productions non alimentaires comme auparavant.

Création d’un paiement unique à l’exploitation.

La plupart des aides feront l’objet d’un paiement unique à l’exploitation, sur la base des trois années de référence : 2000, 2001, 2002.

Les Etats membres auront la possibilité de corriger les références en utilisant une réserve nationale constituée par un prélèvement allant jusqu’à 3 % des aides.

photo_262.jpgDécouplage.

Il y a une rupture du lien entre le versement de l’aide et la production elle-même.

Pour obtenir un lien avec la production et éviter un abandon de l’utilisation des surfaces, les Etats pourront opter pour un découplage partiel avec un plafond par exemple de 25 % de la SCOP.

Ce découplage donnera donc aux agriculteurs la liberté d’utiliser leurs terres comme ils l’entendent ! Par contre, ils n’auront pas le droit de cultiver des fruits, légumes ou pommes de terre, ils perdraient leurs droits sur ces hectares, ce qui est normal compte tenu de la distorsion de concurrence entraînée.

Régionalisation. L’accord laisse la possibilité aux Etats membres de mettre en place un système de redistribution des soutiens entre régions. Ils peuvent aussi mettre en place des paiements additionnels au niveau national ou régional dans le but de soutenir certaines formes d’agriculture, l’environnement, l’amélioration de la qualité ou la commercialisation des produits agricoles. Ces paiements seront plafonnés par la Communauté.

Conditionnalité. Le paiement de l’aide sera conditionné par le respect de la réglementation environnement, sécurité alimentaire, santé animale et végétale, bien-être des animaux. Des contrôles seront faits, le non-respect entraînera une réduction de l’aide.

Conseil aux exploitations – Audit.

Un système d’audit et de conseil sera mis en place de manière facultative jusqu’en 2006 et volontaire à partir de 2007. Sont visés les agriculteurs ayant des aides supérieures à 15 000 E.

Des aides dans le cadre du développement rural seront proposées, en matière de qualité, d’environnement, de santé animale ou végétale, du bien-être des animaux, conseil, audit…

Modulation. Instauration d’une réduction sur les paiements directs aux exploitations supérieures à 5 000 e. 3 % en 2005, 4 % en 2006, 5 % en 2007 et suivantes.

Discipline financière. En cas de dépassement du plafond des dépenses du FEOGA, avec une marge de sécurité de 300 000 e, la commission pourra proposer une réduction des aides avant le 31 mars de l’année, le conseil tranchera avant le 30 juin.

premières analyses

Le virage amorcé est aussi sérieux que celui de la PAC 92, avec peut-être moins de brutalité mais plus de conséquences.

La PAC 92 a déconnecté les prix du coût de production, aujourd’hui on déconnecte les aides de la production.

Les conséquences sur la production se verront par étapes mais jamais dans le sens de l’activité économique. Suivant la rentabilité des exploitations, des sols, de certaines zones, de certaines filières, des revirements peuvent mettre à mal le tissu rural, ses équipements les plus récents et l’organisation économique qui s’est créée autour au fil du temps.

Dans les situations où les agriculteurs sont les plus âgés, quelle sera l’attitude vis-à-vis de la transmission, vis-à-vis de la valorisation des terres des exploitations, les fermages…

Une foule de conséquences apparaissent, il est difficile de les appréhender sans plus d’informations et de réflexions.

Ceci dit, une chose est sûre c’est la dégradation du revenu des agriculteurs, par l’effet indirect des majorations mensuelles qui frappe principalement les filières de qualité dont l’écoulement est assuré en décalage par rapport à la production classique. Une céréale qui partira 12 mois après sa récolte perdra environ 5 % par rapport à la situation actuelle, sur le chiffre d’affaires.

La modulation enlèvera 5 % de l’aide en 2007, la réserve nationale pourra enlever 3 % sans parler de la réduction qu’imposerait un déficit budgétaire.

A la veille de l’élargissement de l’Europe, cette réforme permet une renationalisation dans les actions, voire une régionalisation, et nous savons bien que ce sera la porte ouverte à des distorsions de concurrence ou au moins à une faille à l’unicité des marchés.

Enfin, des contrôles, des audits, des conseils, des dossiers d’aides complexes, les tracasseries administratives ont de beaux jours devant elles.

En conclusion, avant une analyse plus fine des effets de la réforme, nous pouvons en pressentir les grandes tendances. Pourtant, notre Gouvernement a défendu la cause agricole avec acharnement, mais les leviers ne sont plus du côté des Etats. L’étage bruxellois, les influences qu’il diffuse, les influences qu’il reçoit, projettent l’agriculture vers des axes qui sont bien loin des valeurs fondamentales qui l’ont portée depuis quelques décennies.

Une nouvelle règle du jeu est donnée, seule l’analyse et la détermination permettront de passer cette nouvelle épreuve. En 1992, ceux qui ont baissé les bras ont été les premiers sanctionnés ; par contre, la performance économique, le partenariat et les filières sont autant de voies pour ne pas retomber dans les mêmes écueils.

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