La précocité du début de cycle végétatif 2011 a pris de vitesse beaucoup de viticulteurs qui n’avaient pas terminé leurs travaux d’hiver. Les bourgeons ont poussé assez tôt mais surtout leur croissance a été rapide à la faveur du climat exceptionnellement chaud et sec d’avril. Voir dans notre région des rangs d’ugni blanc bien verts aux 15-20 avril n’est pas encore courant même si cela s’est déjà produit au cours de la dernière décennie. Dans ces conditions, le débourrement 2011 peut-il être qualifié de véritablement très précoce ? Les notations de phénologie réalisées par la Station Viticole du BNIC sur un même réseau de parcelles depuis 1979 représentent un observatoire unique du comportement de l’ugni blanc qui situe d’une part la précocité de chaque millésime et d’autre part l’impact de l’évolution climatique sur le vignoble. Cela permet d’observer précisément les dates de débourrement (en situations précoces) pour 2011 au 3 avril, 2010 au 6 avril, 2009 au 4 avril, 2007 au 30 mars, 2005 au 2 avril, 2003 au 28 mars, 2002 au 30 mars et 2001 au 28 mars. Au cours de la décennie 90, quelques millésimes avaient été déjà très précoces, 1990, 1991 (année de gel historique), 1994, 1997, et 1999. Indéniablement, l’impact du réchauffement climatique se fait sentir de façon plus marquée depuis une quinzaine d’années à la fois par des dates de débourrement plus précoces et dans un début de cycle végétatif comme 2011 par une climatologie d’avril exceptionnellement chaude.
La croissance des bourgeons a été stimulée par des températures en pleine après-midi flirtant avec les 25 °C durant plus de deux semaines. Les ugni blancs atteignent au
25 avril le stade 5 à 6 feuilles étalées ; les merlot et les colombard ont des rameaux de 30 à 35 cm selon la précocité des terroirs. Dans le Bordelais, les travaux d’ébourgeonnage commencent avec 15 jours d’avance. En cette fin de mois, le cycle végétatif a deux semaines d’avance et effectivement le millésime s’annonce très précoce. Ce climat d’avril 2011 peut être qualifié d’inhabituel dans notre région tempérée où généralement les séquences froides et humides sont fréquentes et retardent l’avancement du cycle végétatif. Cette année, l’été semble avoir commencé en avril et le taux de débourrement et l’avancement de la végétation sont spectaculaires. Les premières inflorescences sont déjà visibles et la sortie ne semble pas mauvaise. Souhaitons que le début mai ne soit pas marqué par des chutes brutales du thermomètre car les dégâts seraient terribles. Par contre si le beau temps venait à se poursuivre, il ne serait pas impossible d’observer les premières fleurs d’ugni blanc dans les derniers jours de mai. Ce serait du jamais vu dans le vignoble de Cognac !
Toutes les cultures ont été « boostées » par le beau temps, les arbres fruitiers ont fleuri avec trois semaines d’avance, les orges d’hiver ont passé le stade épiaison et leur récolte paraît envisageable à la mi-juin. Le gros sujet d’inquiétude est bien sûr l’état de sécheresse des sols car, depuis le mois de janvier, les précipitations sont inférieures de 50 % aux moyennes. Les débits de la Charente et de la plupart des cours d’eaux dans les deux départements en cette fin avril 2011 sont anormalement bas pour la saison. Les vignes adultes supportent bien des conditions sèches en début de cycle propice à une croissance rapide et à un démarrage plus tardif de la protection contre le mildiou. Seules les plantations de l’année vont commencer à souffrir du déficit de pluies car même celles mises en terre en janvier ont été peu arrosées. C’est pour les céréales que la situation est très préoccupante. Sur les terres légères, les blés et les orges souffrent et les perspectives de rendements sont revues à la baisse. Les tournesols et les maïs sortent à peine de terre que déjà des mesures de restriction d’irrigation contraignantes sont prises. Pour l’instant, la pluie est attendue avec impatience et la gestion des ressources en eau pour les mois à venir devient une préoccupation majeure.