Les Chambres d’Agriculture et autres instituts techniques au front pour réduire les intrants
Le 4 juillet dernier, le Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime a fait le point sur ses travaux sur l’intégration du biocontrôle dans la lutte contre les tordeuses de la grappe. Autour d’intervenants des différentes interprofessions, techniciens et vignerons ont fait le point dans les vignes d’Alain Lacroix, à Mons (17).
Dans l’optique générale de baisse des intrants et des produits phytosanitaires, la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime, CA 17, a fait le point sur l’utilisation des produits de contrôle pour lutter contre les tordeuses de la grappe.
Le ministère de l’Agriculture définit le biocontrôle comme « un ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels. Seules ou associées à d’autres moyens de protection des plantes, ces techniques sont fondées sur les mécanismes et interactions qui régissent les relations entre espèces dans le milieu naturel. Ainsi, le principe du biocontrôle repose sur la gestion des équilibres des populations d’agresseurs plutôt que sur leur éradication. »1
Voyant « les tensions qui existent dans notre société », Michel Girard, conseil viticulture a expliqué les nécessités de cette démarche. « La Chambre d’Agriculture 17 est engagée dans le programme Écophyto, qui réfléchit à la réduction des produits phytosanitaires et ont aussi pour mission de transférer aux autres. Parmi les techniques, il y en a un certain nombre, parmi lesquelles le biocontrôle qui est mise en avant pour réfléchir à une autre manière de travailler. »
BIOCONTRÔLE, APPLICATIONS ET ACTEURS
Invité par Laetitia Caillaud, ingénieur et conseillère en viticulture à la CA 17, Thibaut Malausa, chercheur à l’INRA, sur Antibes, dans les Alpes-Maritime, et coordinateur du consortium sur le biocontrôle la défini cette pratique ainsi. « L’ensemble de méthodes de protection des végétaux par l’utilisation de mécanismes naturels. »
Qu’est-ce qui a un effet, qu’est-ce qui agit, quels sont les acteurs ? « Ils sont regroupés en quatre catégories :
– micro-organismes (bactéries, champignons, virus) ;
– macro-organismes (arthropodes, insectes, acariens, nématodes, trichogramme, ) ;
– médiateurs chimiques (phéromones, kairomone – insectes avec leur environnement)
– substances naturelles, qui peuvent être d’origines animales, végétales ou minérales.
C’est ce qui fait la différence avec la lutte biologique, car le terme biologique désigne soit les organismes soit les produits extraits des organismes, or avec les substances d’origines minérales, on ajoute quelque chose (soufre – pas dans la lutte biologique mais dans la liste biocontrôle –, phosphonate, ou acide phosphonique ). »
L’utilisation cette lutte biologique
« Le biocontrôle est multiple, par son ensemble de méthodes protégeant les cultures. Il se fait par acclimatation, par inoculation, ou par conservation. Ces acteurs peuvent être utilisés comme des produits. L’agriculture biologique est une façon de cultiver, parfois une idéologie, qui permet d’utiliser le biocontrôle (certains produits sur la liste biocontrôle qui ne sont pas utilisables en bio, comme les herbicides). »
Afin de différencier de manière didactique, il a tenu à préciser des mots et des pratiques proches. « Les biostimulants résident dans ce qui sert à la plante à répondre aux stress qui ne sont pas biologiques (sécheresse, températures) ; les biofertilisants apportent, quant à eux, de l’alimentation à la plante. »
L’efficacité sous conditions
« On pourrait dire qu’il y autant de réponses que de type de biocontrôle. À l’INRA, notre objectif n’est pas de trouver le produit miracle. Je ne m’attends pas à avoir dans les prochaines années des produits magiques, qui soient exactement comme des pesticides mais parfaitement naturels, car il y a vraiment une différence de nature de ce que l’on manipule.
Le gros avantage des pesticides est qu’ils sont toxiques et rémanents, tuant bien les ravageurs et les bio-agresseurs, ils ont une durée d’action de plusieurs semaines voire plusieurs mois, c’est pour cela a une efficacité puissante, c’est l’avantage, et en même temps ils demeurent toxiques et rémanents pour nous, la biodiversité.
Des produits très efficaces et non polluants, ce sera très difficile, on en trouvera sans doute, mais on ne peut baser une stratégie de recherche en se disant que nous allons trouver l’élément miracle. L’INRA travaille sur ces recherches de solution-là mais pas que. Un des gros sujets est de savoir comment mieux les utiliser, sous quelle(s) condition(s) est-ce efficace. C’est une question très compliquée, car tout ce que l’on fait dans un champ a un effet sur l’efficacité.
Nous testons l’efficacité des techniques du biocontrôle de la même manière que l’on ferait avec les pesticides. Tout a été structuré pour les pesticides, et nous réfléchissons à l’INRA pour savoir comment changer cette infrastructure, avoir de la robotique un peu appliquée au biocontrôle, regarder dans les systèmes de culture, l’ensemble des pratiques qui permettent de favoriser l’action du biocontrôle. Nous essayons de travailler sur l’aspect formulation, qui, actuellement, est artisanal au niveau du biocontrôle, et très importante au niveau de la chimie. »
DES AVANCÉES COMMUNES DANS LE VIGNOBLE
« En grande culture, il y a très peu de choses, tous types de biocontrôle confondus. Ils ont des contraintes terribles en terme de budget phytosanitaire, en Beauce (qui réalise 50% de leurs ventes sur les marchés étrangers), il leur reste très peu de marge de manœuvre.
En vigne, substantiellement différent. Il y a une grosse motivation de tous les acteurs de la filière (du producteur au consommateur, en passant par le développement agricole, IFV, Chambres d’Agriculture). À l’INRA, les meilleurs chercheurs sont les agriculteurs, en question d’intégration dans les champs. Nous sommes incapables de remplacer le savoir-faire de centaines, de milliers de personnes, qui voient comment s’intègre le biocontrôle.
Tous, y compris les industriels, le consortium public-privé biocontrôle que j’anime, ont une grande motivation pour aller sur la vigne. Le fait que tout le monde aille dans le même sens permettrait d’aller beaucoup plus vite, même si, à l’heure actuelle, il y a des solutions et des incertitudes (conditions de fonctionnement, résultats), mais assez rapidement, je pense que nous allons arriver à des systèmes de culture qui sont très fortement biocontrôle. Cela demande beaucoup de présence et d’observation. »
Tout ce travail s’articule au cas par cas, selon les pratiques du viticulteur et certaines zones. Laetitia Caillaud faisait remarquer des « pressions très sectorisées, notamment sur Mons. À Migron, vous en avez moins », alors que les deux villages sont distants de seulement cinq kilomètres. Le labeur collectif est un ferment pour la labeur individuel.
1. https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole
TROIS MÉTHODES D’UTILISATION DE BIOCONTRÔLE
Comme l’a expliqué Thibaut Malausa, le biocontrôle peut être est exploité sous différentes formes. Trois approches définies :
Conservation : toute méthode de rendre les organismes plus actifs (moins de pesticides sur les auxiliaires qui combattent les ennemis de la vigne), ajouter des haies (refuge pour les auxiliaires), mélange pour des apports en pollen ou en sucre qui améliorent l’efficacité des ennemis naturels qui sont déjà là.
D’un point de vue économique, ce serait plus grand que la plupart des produits, car il y a beaucoup de choses que l’on ne voit pas. Concernant les acariens, c’est en arrêtant les traitements que l’en on a moins, grâce à la régulation par lutte biologique par conservation.
L’agriculture biologique utilise beaucoup cette technique.
Acclimatation : quand une menace vient d’un autre pays et qui est abrasive, elle vient sans son ennemi naturel et provoque des épidémies plus sévères que d’habitude ; la pratique assez courante notamment dans le développement agricole et dans le recherche est d’aller récupérer les ennemis naturels qui faisaient partie du cortège naturel dans le pays d’origine, en vérifiant qu’il ne va pas s’attaquer à la faune française et de les réintroduire. Un ou deux projets tous les quatre-cinq ans, suivis par l’INRA.
Insecte stérile : lâcher les mâles stériles d’eudémis, qui entrent en compétition avec les mâles reproducteurs, et il y a pas mal de reproductions stériles (utilisés sur les mouches et noctuelles au Canada sur la pomme) ; assez efficace mais nous n’avons pas trouvé encore en France le moyen de le mettre en place. Cela demande une grosse coordination à l’échelle d’un territoire : dans les 50km autour, il faut que tous fassent la même chose au même moment, utilisent les bonnes doses. Ce sont des cas de gestion (rarement des cas d’extermination), pour saper les populations et les faire descendre en-dessous du seuil de dégâts.
Il existe trois axes de recherche et d’innovation :
-
cibler de nouveaux agents, mécanismes, molécules ;
-
intégrer les produits et services de biocontrôle ;
-
évaluer et améliorer la durabilité.
Et évidemment, l’inévitable facteur temps.
Guillaume Druart, responsable technique, société De Sangosse.
CONFUSION SEXUELLE
« Les checkmate® PUFFER® de la société De Sangosse (communément appelés Puffers) installés dans la vigne libèrent une phéromone imitant la phéromone femelle que l’on va diffuser dans la parcelle et empêchant le mâle de retrouver la femelle : les papillons mâles vont chercher en vain les femelles, se fatiguer, dépenser de l’énergie, ainsi il n’y a pas ou peu d’accouplement limitant le nombre de ponte et donc de larve. Les dégâts sur les raisins sont ainsi fortement limités.
C’est un système avec une efficacité partielle, à 70%, qui ne consiste pas seulement à installer le système dans la parcelle et à revenir six mois plus tard, mais qui nécessite un suivi en cours de saison et parfois un appui insecticide de manière à optimiser l’efficacité de la protection contre les tordeuses.
Vous allez changer un peu votre écosystème par la régulation de population mise en place, et les premières années, il est possible d’avoir une pression tordeuse relativement forte le temps qu’un nouvel équilibre dans l’écosystème de l’ilôt se mette en place. Méthode à regarder sur du moyen-long terme). »
OPTIMISER LE NOMBRE D’APPLICATION
« Le système installé (à raison de 2,5 boîtiers par hectare) avant le vol des premiers papillons, fin mars-début avril (selon les bulletins techniques), pour une protection pendant six mois, permettant une protection jusqu’aux vendanges. Selon la topographie et le sens des vents, nous indiquons aux vignerons où installer les boîtiers (dans la partie la plus haute de la végétation sous la hauteur de rognage, orientés vers l’inter-rang, et à désinstaller avant les vendanges).
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire de suivi mais vous serez protégés pour les trois générations. Un système qui permet de réguler, gagner du temps (temps de pose environ 15min/ha), et améliorer la qualité finale de votre vendange.
La diffusion régulière, quelles que soient les conditions de températures ou , se fait de 17h à 5h du matin à raison d’un spray toutes les 15 minutes . Comme en journée il n’y a pas de risque de reproduction, il n’y a pas nécessité de diffuser des phéromones. Cependant, il faut respecter une taille minimale de parcelle, blocs homogènes de minimum 5 hectares, pour éviter d’avoir des papillons qui se reproduisent à l’extérieur et qui viennent pondre dans la parcelle.
Les biocontrôles sont homologués avec la même procédure que les produits conventionnels. C’est aussi un gage de qualité pour le consommateur et l’utilisateur. Ils ont un plus faible impact toxicologique et écotoxicologique.
Nous arrivons avec des produits qui sont le fruit de nombreuses années de recherche avec un contrôle de la qualité comme pour des produits phytosanitaires usuels.»
Michel Girard au cœur des Charentes
Ingénieur agricole, responsable du Pôle Viticulture, Arboriculture, Légumes à la CA 17, et grand animateur du vignoble charentais, Michel Girard a fait un petit bilan de la Journée Technique Viticole a posteriori de l’événement. Un constat positif.
Le point sur la journée technique viticole
Le succès de cette journée à plusieurs niveaux. Le mot qui me revient est sérénité, nous avions le temps d’écouter ce que les différents intervenants avaient à dire. Le biocontrôle est un concept qu’il faut mettre en avant, l’interaction entre la technique ou le produit, et la réaction de la plante qui fait qu’il y a une efficacité dans l’objet de la recherche.
Cela ouvre plusieurs perspectives et donne du temps pour être avec les producteurs, réfléchir avec eux sur la réduction des produits phytosanitaires, pour communiquer (transfert d’informations, panneaux, vidéos).
Le travail des viticulteurs en agriculture biologique
Le cuivre et le soufre ont des vertus fongicides et qui font réagir la plante. Le cuivre a un côté agressif envers la cuticule des feuilles qui fait réagir la plante et la cuticule devient plus dure, moins sensible ensuite au mildiou. Dans les systèmes en agriculture biologique, cela y contribue. Si l’on parle d’Ugni Blanc, ce sont des conduites moins vigoureuses et avec la conduite de l’auto-défense, lié à ce phénomène mécanique de durcissement de la cuticule.
La rationalisation des traitements et la certification environnementale
Nous réfléchissons à la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, au voisinage, conseil stratégique (projet législatif de séparer le conseil de la vente ; nombre de personnes du conseil vivent par la vente, qui financera le conseil ?) ; certification environnementale (viti avec la CEC, Certification Environnementale Cognac, HVE dans la viticulture et sur toute l’exploitation agricole, surtout s’il y irrigation ou s’il a des grandes cultures).
La pression s’intensifie sur le sujet de la certification environnementale ; les Chambres d’Agriculture les pilotent car elles sont agréées pour le Conseil Agricole. Cela fait l’objet qui est en cours de renouvellement. Il y a toute une réflexion sur la place de l’agriculture vis-à-vis des produits phytosanitaires dans la société.
Le dossier flavescence
C’est une maladie réglementée, avec des arrêtés. L’UGVC anime un groupe de travail régional pilote ces actions, dans lequel la filière charentaise s’est donnée les moyens, par exemple pour le Cognac – mais aussi le Pineau –, en levant une CVO, Cotisation Volontaire Obligatoire, spécifique flavescence dorée. Elle permet d’avoir un budget et offre à ce groupe de réfléchir à des actions. Nous retrouvons tous les partenaires, les interprofessions, les Chambres d’Agriculture, la DRAAF (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt), la Fredon (Fédérations Régionales de Défense contre les Organismes Nuisibles ), Vitibio (association ayant pour objectif principal l’accompagnement technique des vignerons sur toute la phase pré-vendanges).
Le vigneron est responsable de ses prospections, qui sont les premiers outils de lutte contre la flavescence dorée. Jusqu’à maintenant, elles sont individuelles. L’aménagement de la lutte insecticide mène à prospecter la présence de cicadelles et de moduler la lutte insecticide. S’il n’y a pas de cicadelle, nous suspendons le traitement. Les prospections ensuite, à l’automne, sont collectives, car elles apportent la garantie de la fiabilité.
Sur les secteurs prioritaires, nous cherchons le collectif, 60 communes, dans la lutte obligatoire, nous restons toujours sur de l’individuel. Il reste difficile d’animer le collectif, de mettre en place une collaboration effective, car l’idée de départ était individuelle, que ce n’est pas dans la culture locale de travailler ensemble (même si les CUMA sont très vivantes dans nos départements).
La place de l’agriculture dans la société
Je n’ai pas l’impression que l’image de l’agriculture se soit dégradée. Cette année, j’ai moins entendu de récriminations de riverains ; l’année dernière et l’année d’avant, j’avais plus d’appels de riverains ou de maires qui me demandaient la distance limite de traitement, etc. Les collègues de grande culture le manifestent maintenant, alors qu’en culture pérenne, j’ai l’impression que l’on déjà subi par le passé. Peut-être parce que nous traitions plus régulièrement.
Magdalena Girard, ingénieur agricole, Référente protection du vignoble
Ingénieur agronome et œnologue, conseillère viticole à la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime, animatrice filière vigne pour les Charentes et collaboratrice au Bulletin de Santé Végétal, BSV, en charge de la surveillance biologique du territoire faisant partie du plan Écophyto (suivi de l’état sanitaire des différentes cultures).
Le BSV, disponible gratuitement sur Internet, est édité par culture (cinq éditions en Nouvelle-Aquitaine) : grandes cultures, arboriculture, légumes, vigne (axé sur le vignoble de Cognac et l’ensemble des vignobles de Nouvelle-Aquitaine).
Le BSV fait une photo à un instant donné de l’état de la culture : maladie, ravageurs, ce qu’il se passe ; évaluation du risque (d’où une stratégie différente selon le niveau de risque). Il n’est aucunement un bulletin de préconisation (traitement, quel produit utilisé), mais complément du bulletin de préconisation.
Le BSV basé sur un réseau d’observateurs, cinq dans la région :
– phénologie-croissance : suivi de la pousse de la vigne et de son stade (29 parcelles où seul le stade est observé, 27 parcelles où le stade et la croissance sont observés), chaque semaine sont mesurés les rameaux de vigne (non rognés) ;
– observation œufs d’hiver de mildiou : au printemps, cela permet de dire si les œufs sont mûrs ou non, déterminant le début des traitements anti-mildiou si les conditions climatiques sont favorables ;
– maladies : mildiou, oïdium, black-rot, pourriture, maladies du bois (réseau spécialisé), 54 parcelles témoins non traités (permettant de bien comprendre le développement de l’épidémie) et 17 parcelles de référence traitées (observer l’état sanitaire général du vignoble : traitements efficaces ? problèmes de positionnement ?) ;
– ravageurs : relevés des captures dans les pièges par les viticulteurs ;
– maladies du bois : esca, eutypiose, 27 à 41 parcelles (Manon Catania : « Le réseau vieillit car nous suivons toujours les mêmes parcelles, et, au bout d’un moment il faut renouveler ce réseau car il faut des nouvelles parcelles ; nous tempérons car les maladies du bois dépendent de l’âge, c’est pourquoi de nouvelles parcelles entrent en plus des anciennes.)
UN TISSU VITICOLE DE PRÉVOYANCE
BSV est basé sur l’observation des réseaux, la modélisation pour ce qui est des maladies et sur des seuils de risque pour évaluer le niveau de risque du moment. Le but de la surveillance du territoire est de déceler des parasites émergents. Exemple du xyllela en Corse, dont nous anticipons son éventuelle arrivée.
Si vous avez quelque chose d’inhabituel, de suspect, ou même l’explosion d’une maladie que vous connaissez bien, mais qui n’est justifié par rien, il ne faut hésiter à nous contacter. Nous faisons des tests de résistance aux fongicides ; nous prélevons des feuilles et les envoyons au laboratoire. En cas de signal de maladie plus prononcée que chez les voisins, un prélèvement est possible.
LA SANTÉ DU VIGNOBLE PAR LA SÉLECTION DES PLANTS
Les parcelles sont suivies par les techniciens de distribution de la région et les 22 organismes techniques et 70 viticulteurs.
« Les jeunes plantations souffrent des maladies du bois. Pour affiner, il y a des tranches d’âges de parcelles, 15-20 ans, où c’est une catastrophe, alors que des très vieilles parcelles souvent sont très peu touchées. Nous pensons que cela est dû à la sélection clonale parce que ces grandes vagues de plantation où l’on plantait que des clones, et des plants qui venaient d’on ne sait où car il n’y en avait pas assez.
La sélection massale est un mélange d’individus extrêmement différents, donc ceux qui étaient touchés étaient éliminés rapidement et les autres survivaient (en Bordelais et en Bourgogne, afin de retrouver une typicité et une hétérogénéité génétique). Les clones sont les mêmes individus et, s’ils sont sensibles, souffrent des épidémies.
La sélection massale demande plus de travail. Il faut suivre les pieds toute l’année, suivre leurs rendements et leurs qualités un par un. Au moment de la sélection pour les multiplier, il faut les envoyer faire des tests de virose pour ne pas multiplier du bois malade. C’est faisable sauf dans les appellations qui autorisent autre chose que des clones.
LA DÉLICATE APPLICATION DU BIOCONTRÔLE
Le biocontrôle est un plus mais nous savons parfaitement que ce n’est pas aussi efficace que les substances chimiques classiques, et cela ne se raisonne pas du tout de la même manière. L’approche pour positionner les traitements est différente. Nous connaissons la rémanence, la composition, le fonctionnement des produits classiques, et ainsi le renouvellement du traitement.
Sur le biocontrôle, il y a énormément de molécules dont nous ne comprenons pas totalement le fonctionnement, et les conditions nécessaires pour une efficacité optimale. Nous tâtonnons. Énormément d’essais sont mis en place dans ce sens, avec des baisses d’utilisation de produits dits classiques, mais il persiste des soucis d’efficacité, coûtant au final plus cher. C’est une approche et il y a des pistes à trouver pour appliquer ces produits de manière beaucoup plus efficace qu’actuellement, mais il est sûr qu’il y a de l’avenir. »
Manon Catania, ingénieur agronome et conseillère viticole à la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime.
Animatrice du réseau ravageurs, en collaboration avec la CA 16, Manon Catania a présenté les piégeages des eudémis et cochylis et la nécessité d’une observation rigoureuse du développement des différentes générations.
Les tordeuses se la grappe s’observent au stade larvaire, par l’apparition de glomérules. Les deuxième et troisièmes générations de larves perforent les baies ramènent des spores de botrytis. C’est une porte d’entrée à tout champignon.
Les prédateurs naturels existent, notamment les insectes (les chrysopes), mais avec l’utilisation des insecticides, leurs populations diminuent. Le biocontrôle permet d’éviter de tuer ces bio-agresseurs qui vont nous aider à réguler ces populations d’eudémis et cochylis.
La plupart des observateurs et des piégeurs sont les viticulteurs. Nous fournissons tout le matériel mais ils sont les acteurs de ce réseau ravageurs. Cela permet d’avoir une idée de la pression, du vol, de comment se passe année par année le vol d’eudémis, de cochylis – des tordeuses de la grappe.
L’eudémis se développe sur trois générations, la cochylis sur deux. Selon leurs cycles, l’adulte pond des œufs qui vont se développer au bout de 13 jours. Au bout de 7 jours, cela va donner des larves, cinq stades larvaires, aboutissant sur les chrysalides puis les papillons adultes.
LES DEUX TECHNIQUES DE PIÉGEAGE, ALIMENTAIRE ET SEXUELLE
Il y a deux manières de pouvoir observer et quantifier les individus adultes : le piégeage alimentaire ou sexuel.
La technique du piégeage alimentaire s’effectue avec un pot contenant une solution de moût de pomme diluée au cinquième avec de l’eau. Les papillons qui cherchent à se nourrir ou à s’hydrater sont attirés par le jus de pomme et meurent par noyage. Après sa récupération, le pot est vidé dans une passoire, et les eudémis (principalement femelles eudémis capturés) sont triées (papillon d’environ 7mm).
La technique du piégeage sexuel s’effectue dans des petites cabanes triangulaires, mises au niveau des fils de la vigne ; elles sont posées des plaques engluées, la capsule est imbibée de phéromones qui vont attirer les mâles. Dans la nature, les femelles sécrètent ces phéromones attirant les mâles pour permettre l’accouplement. Ici, les mâles seront alors désorientés.
Nous voulons capturer les mâles afin de pouvoir les compter (tous les deux jours) afin de connaître leurs courbes de vol et détecter les moments de début du vol, de pic du vol, de fin de vol. Tout cela pour les trois générations d’eudémis et les deux générations de cochylis. Les deuxième et troisième générations pondent leurs œufs sur les baies, qui sont plus faciles à compter grâce au stade tête noir (l’œuf demeure transparent).
DES PRESSIONS DANS DES ZONES BIEN DÉFINIES
Les pièges sont sectorisés car il y a une pression plus forte dans le centre du vignoble, et un peu dans le nord du vignoble. Ainsi, il faut un regard vigilant pour savoir quand positionner ses traitements en fonction des courbes de vol, savoir s’il y a un éventuel décalage au début du vol en fonction des secteurs. Selon les semaines, il peut avoir des positionnements de traitement qui changent, d’où l’utilité du réseau ravageur BSV.
Dans des secteurs à forte pression, 50-100 individus par jour (centaine de papillons par jour).
Applications et résultats des trichogrammes et Bacillus Thuringiensis
Lydia Gourgourio, technicienne de la Chambre d’Agriculture Charente, a présenté les essais de l’année 2018 pour la solution de biocontrôle contre lutter l’eudémis. Une mise à jour du travail au plus proche du viticulteur, avec ses progrès, ses freins, et ses prospectives.
« Pour lutter contre l’eudémis, nous avons testé deux techniques biocontrôle : lâchers de trichogrammes et de Bacillus Thuringiensis, BT. L’objectif était de perturber le cycle de reproduction d’eudémis.
Le trichogramme est un micro-insecte, une sorte de guêpe, qui va parasiter l’oeuf d’eudémis en pondant à l’intérieur et une larve va se développer, qui va consumer l’oeuf et une guêpe qui va s’envoler. C’est un insecte présent à l’état naturel dans l’écosystème et tout ce qui favorise la biodiversité est important pour gérer les tordeuses.
Dans les zones uniquement viticoles, il y a souvent plus de soucis de tordeuses et d’eudémis.
Bacillus thuringiensis, est une toxine, dont les spores que les larves d’eudémis vont ingérer et qui vont détruire leur tube digestif.
Il faut faire les lâchers de trichogrammes en début de vol, lors des premières pontes ; puis tous les 15 jours (diffuseurs en carton biodégradables accrochés dans la vigne à 100 diffuseurs/ha, au niveau des zones des grappes).
À l’intérieur, cela lâche 2500 trichogrammes, il y a des œufs à différents stades et vont émerger en quatre vagues (d’où une protection de quinze jours). Quand ils émergent, ils sont fragiles et restent très peu dans le milieu (d’où pas de phénomène de colonisation dans le milieu).
EFFICACITÉ DES PRATIQUES
Il y a deux, trois ou quatre lâchers associés à des BT, à côté d’un témoin non traité et d’un témoin avec insecticide. Au niveau des résultats, nous avons établi une dynamique de vol avec des pièges alimentaires, sachant que le piégeage sexuel ne donne plus de résultat, nous sommes partis sur un autre système de piégeage, alimentaire.
La deuxième génération, G2, s’est développée du 4 juillet au 15 août, une troisième génération, G3, s’est enclenchée après le 15 août qui peut être dommageable pour l’état sanitaire de la vigne, favorable au développement de botrytis (limité par temps sec). Quand cette génération arrive, les insecticides ont un délai avant récolte qui proscrit leur utilisation alors que les trichogramme ou les BT n’en ont pas, et peuvent être utiliser. Éventuellement, si l’on s’aperçoit qu’il y a une forte pression G3, ce genre de technique est utilisable. Un lâcher ou un BT peut alors être intéressant. Nous obtenons 50% d’efficacité avec trois lâchers, et une efficacité supérieure à un seul insecticide.
Les BT ont une efficacité moindre lorsque les œufs d’eudémis sont au stade tête noire. Il vaut mieux faire les lâchers deux jours trop tôt qu’un jour trop tard. Une larve d’eudémis met 24h à entrer dans la baie. Le stade d’évolution des œufs est très rapide, et des températures de 25°C en cinq jours arrivent les têtes noires. Que vous utilisiez ensuite une méthode biocontrôle ou un insecticide conventionnel, c’est trop tard. L’efficacité du BT est liée à la quantité ingérée par la larve, il faut vraiment que le produit soit positionnée très tôt.
Au début du vol, il n’y a que des mâles, donc il n’y a pas de risque la première semaine, soit entre 3 et 7 jours. Mais dès les premières femelles (à la première capture femelle), il faudrait y aller car la première femelle s’accouple au bout de 24h, puis c’est exponentiel. Ainsi, huit jours après le début du vol, il faut l’application de votre BT. Dans les pièges, nous trouvons deux tiers de femelles et un tiers de mâles, car elles viennent s’alimenter et pondre, et sont davantage piégées.
Au 10 septembre 2018, trois lâchers de trichogrammes ne suffirent pas à gérer la fin de la G2 et le début de la G3. Au moins 4 lâchers furent nécessaires. Au final, le coût est de 75€/ha (sans la mise en place), une technique qui reste chère.
Cette technique fonctionne très bien en grande culture (en maïs par exemple, où les lâchers sont effectués par drone).
LIMITES
Nous n’avons pas obtenu de bons résultats association trichogrammes et BT car ces derniers avaient été intégrés trop tardivement.
La problématique du soufre, par rapport aux trichogrammes, est qu’il détruit les insectes et micro-insectes. Il faudrait l’éviter deux à quatre semaines en amont des lâchers, d’où une impossibilité logistique. À noter que l’utilisation d’une dose de soufre, à 3kg/ha, a obtenu un résultat intéressant chez le viticulteur en biologique du réseau DÉPHY, pour 50% efficacité.
Les fourmis aiment les œufs de trichogrammes, œufs à l’intérieur des diffuseurs et prédateur. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte. Beaucoup d’éléments peuvent faire que cela ne fonctionne pas.
CONCLUSION
L’efficacité des deux essais autour de 50%. C’est une technique intéressante dans les secteurs à très grosses pressions (type Mérignac), ou à moins de pression (résultats probables à plus de 50%). Elle permet de gérer les G3 (dont il faut réellement se soucier) car il n’y a pas de délai avant récolte.
Ce sont des résultats encourageants pour la baisse du nombre de diffuseurs à l’hectare.
RAPPEL 2018
– 30 août : 3,5% de perforation
– 15 septembre : 9,5 perforations pour 100g ???
– présence récurrente d’eudémis qui crée des dégâts.
– le mois de septembre 2018 fut sec donc il n’y eut pas d’impact sur la récolte par l’absence de pourriture grise malgré les perforations.
DEPHY ECOPHYTO
Pour comprendre les mots, il faut les définir. DEPHY ECOPHYTO, Démonstration Expérimentation et Production de références sur les systèmes économes en PHYtosanitaires.
DEPHY est un vaste réseau de fermes pilotes, créé pour développer, mutualiser et diffuser les expériences réussies de changement des pratiques et de mise en place de systèmes de cultures réduisant l’usage de produits phytosanitaires, et animés par les Chambres d’Agriculture de Charente, de Charente-Maritime et la coopérative Charentes-Alliance.
Le réseau s’inscrit dans le projet Agro-écologique pour la France et a pour objectifs vis-à-vis des produits phytosanitaires de :
– démontrer qu’il est possible de réduire leur utilisation ;
– expérimenter des systèmes de culture économes ;
– produire des références sur les systèmes en en utilisant peu.
Laetitia Caillaud, conseillère en viticulture et ingénieur Réseau DEPHY ECOPHYTO à la Chambre d’agriculture de la Charente-Maritime
« Le réseau Ferme DÉPHY regroupe 11 exploitations sur la Charente-Maritime et la Charente (Patrick Droué sur Saborne), dont sept exploitations sur des zones à enjeu haut, là où l’on retrouve le plus de molécules (et notamment les herbicides), notre volonté est de diminuer l’usage des produits phytosanitaires.
L’objectif commun sur le réseau est une réduction de 28% de l’IFT1 (Indicateur de Fréquence de Traitement) hors herbicides, et une volonté de réduire de 49% l’IFT herbicides. Sur la région, nous sommes à 16,7 points hors herbicides et à 1,41 point pour les herbicides (traitement à dose pleine)2. En 2018, nous avons obtenu une réduction de 30% d’utilisation de produits phytosanitaires sur le réseau, où le biocontrôle a été intégré, en produisant 13hl AP. »
Comment réduit-on l’utilisation des produits phytosanitaires ?
« Nous parlons beaucoup des OAD (Outils d’Aide à la Décision), nous faisons beaucoup d’observation et de travail sur les seuils de traitement, par des groupes de lutte raisonnée. Nous progressons par les échanges entre viticulteurs et les démonstrations de matériels (entretien du cavaillon), la modélisation, les bulletins de préconisation (VitiFlash, BSV).
Autre levier, la qualité de pulvérisation via les papiers hydrosensibles que l’on met dans la végétation. Depuis quelques années, nous utilisons le colorant le COMPO® bleu, que l’on met dans notre bouillie et l’on pulvérise sur des lames en PVC blanches, ce qui nous permet de vérifier la qualité de pulvérisation dès le début de la saison (dans le cadre des groupes ou en prestation individuelle). Nous travaillons beaucoup sur les réglages.
La Chambre d’Agriculture 17 vient de recruter un conseiller machiniste, donc nous sommes à même de proposer les contrôles techniques obligations des pulvérisateurs et se former sur l’entretien du matériel du cavaillon. »
Les autres objectifs du groupe DEPHY ECOPHYTO
« Hormis la réduction des intrants, les échanges réguliers entre les membres du groupe ont permis de mettre en évidence un vrai besoin : mieux comprendre le fonctionnement du sol, les interactions entre le sol et la plante. Au programme, ouverture et description de fosses pédologiques, relevé de plants bio-indicatrices, identification des vers de terre, mise en place de couverts végétaux (engrais verts) et entretien mécanique du cavaillon. Il s’agit bien de montrer que les couverts végétaux, adaptés au type de sol, satisfont les besoins de la vigne et que les avantages de cette pratique sont nombreux : gain économique, décompaction et restructuration du sol, vie biologique favorisée, apport de matière organique, d’éléments nutritifs, développement des adventices limité. »
Le jeudi 12 septembre 2019, la prochaine journée technique Viticulture animée par l’équipe locale sera sur les cépages résistants.
1. Plus de renseignements sur l’IFT
https://agriculture.gouv.fr/indicateur-de-frequence-de-traitements-phytosanitaires-ift
2. Comment se calcule un IFT ?
https://alim.agriculture.gouv.fr/ift/traitement-ift/2018