Alors que les deux fédérations de courtiers de Charente et de Charente-Maritime s’apprêtent à fusionner, la Fédération nationale des courtiers en vins et eaux-de-vie procède à une révision de ses statuts et entame le chantier de la certification. Le président Py a annoncé la fin de son mandat en juin 2003.
Les leçons d’un président
Des leçons, pas vraiment. Plutôt des réflexions que Jean-Pierre Py livre sur son expérience de président national des courtiers depuis trois ans.
Près de trente-sept ans de métier dans son bureau de courtage de Carcassonne, dix-sept ans à la tête des courtiers de l’Aude, huit ans président de la fédération régionale du Languedoc-Roussillon, deux ans et demi au national… J.-P. Py a accumulé un vécu, et la faconde méridionale fait le reste. Ce que d’autres peinent à dire, lui le tourne en trois phrases bien « roulées » (avec la rondeur de l’accent). « Obtenir une présidence nationale, c’est un honneur » dit-il, « cela prouve que les collègues vous font confiance mais c’est aussi un très gros travail, qui ne peut s’accomplir que dans une semi-retraite. En gros, cela signifie être hors de chez soi deux jours par semaine. Un président qui ne fait pas cela ne joue pas son rôle. Assister à une A.G. de fédération, à une dégustation, se déplacer sur le terrain… le président des courtiers est le président de tous. Et puis il y a l’échelon national, c’est-à-dire la présidence de la Fédération des courtiers et trois ou quatre grosses représentations nationales comme l’ONIVINS, l’INAO, l’ANIVIT… Les courtiers y sont “de droit”. Nous avons donc l’obligation d’y “figurer” sinon d’y gouverner. C’est utile. On y apprend beaucoup même si vous ne vous figurez pas le nombre de papiers, de rapports qu’il faut “avaler”. Mais c’est le passage obligé pour être connu et reconnu. La politique de la chaise vide n’est jamais très bonne. Une réunionnite sanglante règne sur ces instances nationales. Certaines programment des rencontres tous les dix jours. Une vraie machine infernale ! Parfois vous vous rendez compte que vous ne vivez qu’en réunions. Le président national perçoit une indemnité forfaitaire de 20 000 F par an, censée couvir tous les frais, billets d’avion, déplacements, hébergement… En fait, les dépenses sont deux à trois fois plus élevées, sans parler du travail qui ne se fait pas. On ne va pas en pleurer. C’est un choix et il ne peux en aller autrement. Mais, cela explique peut-être que, contrairement à ce que l’on croit, personne ne se batte pour exercer la présidence nationale. Je termine mon mandat de trois ans en juin 2003. Mon successeur sera certainement désigné en février prochain, lors du comité directeur de la Fédération nationale. A ces postes, il faut savoir passer la main sinon l’on s’encroûte vite et on oublie les réalités du terrain. »
Il s’agit plus d’une évolution programmée que d’une révolution. Quand, le 12 octobre dernier, Patrick Béguin (*), en présence de son collègue Serge Pelletier (*), a annoncé la fusion des deux fédérations de courtiers 16-17 en début d’année prochaine, personne n’a été surpris. La journée du courtier, instaurée depuis 1994, ne préfigurait-elle pas cette évolution ? Tous les ans à même époque, c’est-à-dire avant les vendanges, se retrouvent les courtiers des deux départements. De là à ne plus constituer qu’un seul syndicat, il n’y avait qu’un pas, qui a été franchi sans difficulté semble-t-il. Ceci étant, pour aisée qu’elle soit, une fusion n’est jamais anodine. Elle demande toujours une dose de courage de la part de ceux qui la portent. Jean-Pierre Py, président de la Fédération nationale des courtiers, a indiqué une initiative similaire de sa région, le Languedoc-Roussillon. Les quatre fédérations de l’Aude, de l’Hérault, du Gard et des Pyrénées-Orientales n’en ferons bientôt plus qu’une, après que la région ait compté jusqu’à huit syndicats de courtiers dans les années 70 (3 dans l’Aude, 2 dans l’Hérault, 2 dans le Gard, 1 dans les P.-O.). Mais l’hémorragie fut sévère, ici comme ailleurs. Sur les 120 courtiers et 90 maisons de négoce recensés dans l’Aude, il ne reste plus aujourd’hui que 15 courtiers et 5 maisons de négoce. « Entre quatre adhérents qui ne venaient pas et deux qui étaient malades, les réunions de syndicats tournaient aux réunions de bureau » relate sur le mode plaisant J.-P. Py. Un regroupement devenait urgent, pour redonner un peu plus de puissance à la représentation syndicale. « Sachez que l’on ne peut se faire entendre que si l’on est syndiqué et représentatif. Un individuel a beau être le meilleur, il ne passera jamais vis-à-vis des Pouvoirs publics, s’il ne représente pas quelque chose et s’il n’est pas syndiqué. » Cet enseignement, et d’autres, Jean-Pierre Py les tire de sa longue expérience au sein du mouvement professionnel des courtiers (voir encadré sur son mandat de président). A ce jour, sur la France entière, les courtiers syndiqués sont au nombre de 585, pour 20 % de non syndiqués. Le président de la Fédération nationale dit préférer « les contestataires syndiqués aux non contestataires non syndiqués » et salue dans les Charentes son fort taux de syndiqués, associé au nombre élevé de courtiers de campagne. Il a encouragé tous les présidents de fédérations à faire la chasse – ou pour mieux dire la pêche – aux non syndiqués. « Ils sont un peu comme le coucou. Ils profitent de tout mais ne participent à rien. »
Rénovation des statuts
La Fédération nationale des courtiers procède à la rénovation de ses statuts. Une rénovation en profondeur qui consiste non seulement à les actualiser mais aussi à introduire plus de « démocratie » dans l’expression des régions. En clair, qu’à côté des « grandes régions » comme Bordeaux, Champagne ou Côtes-du-Rhône, les autres régions acquièrent une meilleure visibilité. La représentation nationale tiendra davantage compte de critères objectifs comme le nombre d’adhérents des fédérations.
Les courtiers allaient-ils se placer en marge de la certification ? La tentation les a effleurés, et puis ils se sont résolus à entrer dans la vague, persuadés qu’elle les rattraperait dans cinq ou dix ans. Au référentiel unique, le même partout, les courtiers ont opté pour une base commune avec des appendices modulables région par région. Bernard Soupé, courtier à Jarnac, a été délégué par le syndicat pour la mise en œuvre du contrat Qualicert en Charentes. « Le but n’est pas d’exclure des gens en apportant des contraintes supplémentaires mais de raisonner les capacités de la filière. » Même écho au niveau national où l’on parle de « certification bordée ». « Ne nous mettons pas plus d’obligations qu’il n’en faut. Ne soyons pas plus royalistes que le roi. » Une chose est sûre. La certification coûte de l’argent. Par rapport à des Champenois qui souhaitent aller loin dans la certification, le président national avoue se placer un peu « en chien de garde ». « Votre région comme la mienne partagent la même sensibilité. Elles se comprennent. Nous ne travaillons pas avec des marges excédentaires qui nous permettent de dépenser beaucoup d’argent. » Pour que ce projet « passe le plus raisonnablement du monde », J.-P. Py a recommandé aux responsables de se montrer « politiques et tactiques », en un mot « très intelligents ».