Jean-Claude Masson, pionnier du photovoltaïque

11 décembre 2009

L’homme a l’accent traînant de son pays d’origine, la Suisse. Mais que l’on ne s’y trompe pas. A 63 ans, il reste un passionné. Figure de proue du photovoltaïque en Poitou-Charentes, il a essaimé son savoir auprès de toute une génération de jeunes électriciens. Il réside à Charron, près de La Rochelle.

masson.jpg« Le Paysan Vigneron » – Comment tombe-t-on dans le chaudron du photovoltaïque ?

Jean-Claude Masson – J’y suis arrivé par le biais des télécommunications. Dans les années 68, j’ai suivi les cours de l’Ecole technique et des métiers de Lausanne puis j’ai intégré les télécom Suisse en tant qu’ingénieur. J’ai passé trente ans de ma carrière à m’occuper des téléphones sans fil et du réseau hertzien dans une région où les montagnes sont omniprésentes. En 1977, j’ai vraiment découvert le photovoltaïque en installant les premiers panneaux solaires à plus de 2 000 m d’altitude, sur un refuge. Jusqu’alors un petit groupe électrique faisait fonctionner une batterie de 6 volts. Et puis la technologie du photovoltaïque est venue révolutionner la technique. C’était fabuleux ! Tout d’un coup, on ne s’occupait plus de rien ! Le bombardement de la lumière sur une plaque en silicium dopait l’énergie et créait du courant électrique. D’ailleurs deux électrodes dans une patate produisent aussi de l’électricité.

« L.P.V. » – Le photovoltaïque incarne bien la notion d’énergie renouvelable.

J.-C.M. – Energie renouvelable oui mais pas énergie nouvelle. Rien ne m’énerve autant que d’entendre parler d’énergie nouvelle. L’énergie solaire a toujours existé. Simplement, il fallait l’exploiter. La conversion de la lumière en énergie électrique fut découverte par le physicien Becquerel en 1839.

« L.P.V. » – Vous avez assisté aux premiers pas du photovoltaïque.

J.-C.M. – Dans les années 70-80, sur fond de crise pétrolière, le photovoltaïque a connu un gros développement. Américains, Allemands, Suisses, Français… Beaucoup de gens s’y sont mis. Puis la France a pris un autre virage, celui du tout nucléaire. En France, le renouveau du photovoltaïque est tout récent. Il date d’à peine plus de deux ou trois ans. Sur le plateau du Vendée Globe Challenge, je me souviens d’avoir installé en 2005-2006 des panneaux photovoltaïques sur trois bateaux. A l’époque, le solaire n’intéressait personne. Il n’était pas rentable. Jusqu’en 2006, l’énergie était revendue à EDF à un prix dérisoire : 14 c€/kWh. Puis l’Europe a décidé de corriger le tir et la France lui a emboîté le pas, avec des tarifs de rachat qui sont passés d’un extrême à l’autre. D’un coup, il devenait très intéressant d’investir dans le voltaïque. J’ai vécu cette explosion fin 2006-début 2007. A l’époque, je bossais comme un fou à monter des dossiers. Tout le monde voulait profiter de cette manne financière, une dynamique du profit qui continue d’alimenter le moteur du photovoltaïque. Aujourd’hui, il faut bien voir qu’avec le solaire on est en plein « dans le gros business, l’artillerie lourde ». C’est d’ailleurs assez désagréable de se retrouver parfois confronté au « tout et n’importe quoi. » Heureusement, des occasions persistent de retrouver la magie du photovoltaïque.

« L.P.V. » – Vous pensez à quoi ?

J.-C.M. – J’ai en mémoire le formidable travail réalisé par l’Association des médecins du Chinguetti, en Mauritanie. Grâce au solaire, ils peuvent opérer en plein désert. L’Union internationale des télécommunications (ITU) est également très active en Afrique ; ou encore l’association « Electriciens sans frontières » qui mènent des opérations de pompage d’eau. Avec le solaire, tout paraît si simple. Pourquoi n’y recourt-on pas davantage ? A côté du « gros business » du solaire, heureusement qu’il existe de telles initiatives désintéressées.

« L.P.V. » – Pourquoi avoir quitté vos montagnes natales pour venir en Charente-Maritime ?

J.-C.M. – C’était un choix de vie. En tant que chef de réseau, j’avais vécu de longues années à gérer des objectifs, des équipes. Même si la révolution des télécommunication s’est passée un peu plus en douceur en Suisse qu’en France, j’ai vu des gens pleurer. Nos enfants é taient élevés, ma femme anglaise avait peut-être envie de retrouver une situation plus maritime. Nous nous sommes installés dans le petit village de Charron, à côté de La Rochelle. Mais la passion du photovoltaïque restait solidement chevillée. Très vite j’ai rencontré à l’université de La Rochelle un professeur fondu d’énergies renouvelables. Il participa au projet du passeur électro-solaire de La Rochelle, la navette équipée de panneaux photovoltaïques qui relie le Vieux port à la Ville en bois. Nous avons beaucoup échangé. J’ai aussi retrouvé à La Rochelle mon ami suisse le skipper Dominique Wavre. Installé comme artisan à Charron, j’ai vu arriver chez moi toute une génération de jeunes électriciens en recherche d’information sur le photovoltaïque. Nous avons formé une équipe performante. Nous avons même créé une coopérative d’achat de matériel photovoltaïque d’origine européenne. A l’époque personne n’y croyait mais cette coopérative marche très bien. Aujourd’hui j’ai cédé mon entreprise à la société Allez & Cie à La Rochelle. Je travaille à mi-temps chez eux.

« L.P.V. » – Sans nostalgie ?

J.-C.M. – Je ne regrette jamais rien.

Matériel photovoltaïque
Privilégier l’origine européenne
L’approvisionnement en équipement photovoltaïque n’a jamais été simple. A la qualité variable des panneaux et des onduleurs viennent s’ajouter les fluctuations de cours.
Les installateurs sérieux n’ont qu’un credo, le matériel d’origine européenne. Les panneaux photovoltaïques chinois sont beaucoup moins chers mais sont loin de présenter le même niveau de fiabilité. Sur le marché du solaire, la Chine a capté en 2008 30 % de la production, l’Europe 25 %, le Japon 15 %, le reste provenant des Etats-Unis et du reste du monde. Evoquer le prix des panneaux solaires relève de la gageure, tellement les prix sont fluctuants ; une fluctuation qui, aujourd’hui, agit plutôt à la baisse. Mais qu’en sera-t-il demain ? Le marché espagnol du photovoltaïque, moteur jusqu’à présent, est quasiment en panne. Par contre la Chine affiche de grandes ambitions en matière d’énergie solaire, de même que les Etats-Unis. Dans quel sens pèseront ces deux mastodontes ? A la hausse ou à la baisse ? Les spécialistes estiment que la donne en sera forcément changée mais de quelle manière ? Les panneaux d’origine allemande faisaient jusqu’à présent figure de référence mais une fabrication française de qualité se dessine à Nantes, à Lannion… Que penser des champs de panneaux photovoltaïques au sol ? Il semblerait que leur nombre soit administrativement limité. Qui plus est, les installateurs locaux ne se montrent pas enthousiastes. « Pour être rentables, ils doivent être équipés de panneaux chinois, ce qui contredit notre éthique d’installateurs. »

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé