Rémy-Cointreau recentré sur ses marques clés

8 mars 2009

Comme un sportif qui s’allège pour retrouver des muscles affûtés, Rémy-Cointreau a dégraissé son portfolio pour se concentrer sur ses marques phares. Un « body-building » d’entreprise que complète une présence commerciale accrue sur les marchés.

« Le Paysan Vigneron » – De quoi se compose aujourd’hui le groupe Rémy-Cointreau ?

jean_marie.jpgJean-Marie Laborde – Le groupe compte de nombreux produits, au premier rang desquels se trouve bien évidemment le Cognac Rémy Martin, notre marque leader mais aussi Cointreau et les deux Champagnes Piper-Heidsieck et Charles-Heidsieck. Dans son portfolio, le groupe possède aussi l’Armagnac Clé des Ducs, les liqueurs Izarra et Passoa, le brandy grec Metaxa, bien implanté dans les pays du Sud. Il est également propriétaire d’un rhum de la Barbade, Mount Gay, qui se développe très très bien aux Etats-Unis et d’une branche vins en Californie, produisant à la fois des vins tranquilles et des vins mousseux sous la dénomination Piper. Il y a deux ans, à mon arrivée, le groupe affichait encore une soixantaine de marques à son portefeuille, sachant que six ou sept d’entre elles occasionnaient plus de 80 % de son activité. En plein accord avec mes actionnaires, j’ai décidé de recentrer le groupe sur ses marques clés. A ce jour, la nouvelle structure est quasi finalisée. Nous avons déjà vendu une quarantaine de marques dont deux importantes, une vodka polonaise et les liqueurs hollandaises Bols.

« L.P.V. » – Pourquoi avoir procédé à cette cure d’amaigrissement ?

J.-M. L. – Ce portefeuille resserré va nous permettre de concentrer tous nos moyens, humains, financiers, commerciaux, à nos plus belles marques. Les temps changent, le monde bouge. Les marchés ne connaissent pratiquement plus de frontières. Face à cela, il faut être réaliste. Le groupe Rémy-Cointreau se classe parmi les opérateurs moyens dans une industrie des vins et spiritueux mondialisée. Il existe de plus gros groupes que nous et d’autres beaucoup plus petits. Mais, pour durer et se développer, un groupe de notre taille doit choisir son métier. En ce qui nous concerne, le choix n’a pas été cornélien : de par notre acquis, nous nous situions d’emblée sur le créneau haut de gamme des marques premium vendues chères. C’est pour cela que le recentrage collait à nos objectifs. Je préfère avoir huit marques qui poussent bien que soixante qui avancent moyennement.

« L.P.V. » – Cette décision a-t-elle consommé une rupture avec la stratégie passée ?

J.-M. L. – Pas du tout. Je pense qu’il y a 20 ans, il fallait faire ce qui a été fait. Mais les marchés se concentrent, les gros opérateurs déploient toujours plus d’argent. Aujourd’hui, une maison de Cognac qui n’investirait pas lourdement aux Etats-Unis ou en Asie commettrait une faute. Mais faut-il encore s’en donner les moyens. Clairement, un portefeuille resserré est synonyme d’efficacité redoublée pour les marques clés. En ces périodes de forte croissance, la maison Rémy Martin est toujours sur les premières marches du podium des plus grandes marques de Cognac. Je pense que nous avons remis notre groupe sur de bonnes bases, lui permettant de concentrer tous ses efforts au développement des ventes.

« L.P.V. » – La rumeur fait cependant état d’une croissance moindre que celle de vos principaux concurrents.

J.-M. L. – Sur ce point la rumeur a raison. Actuellement, nos ventes progressent moins vite que celles de nos principaux concurrents mais pour une raison simple. Avant la restructuration, il existait, dans le portfolio de Rémy Martin, toute une offre produits à base de Cognac, du type Rémy red, qui générait des volumes. Désormais, la nouvelle stratégie a mis un terme à cette offre pour privilégier les marchés haut de gamme et premium. On ne trouvera plus de produits Rémy Martin en dessous des qualités VSOP, XO, Louis XIII. En attendant, sur ces qualités vieilles, les volumes ne sont pas encore au diapason mais ce n’est que provisoire. Il s’agit, de notre part, d’une volonté stratégique délibérée, en cohérence avec notre offre de Fine Champagne, que nous sommes les seuls à proposer. La maison Rémy Martin enlève environ 70 % de l’approvisionnement vins et eaux-de-vie de Grande et Petite Champagne. Nous avons besoin des viticulteurs de ces crus comme, je le sais, ils ont besoin de nous.

« L.P.V. » – Que mettez-vous en place pour « booster » les ventes ?

J.-M. L. – Quand je suis arrivé chez Rémy-Cointreau, j’ai découvert une entreprise qui possédait à la fois des forces remarquables mais aussi des points qui pouvaient être améliorés. Au titre des forces, je citerai à l’évidence de très belles marques dont trois principales, Rémy Martin, Cointreau et Piper et Charles Heidsieck, qui, chacune dans leur domaine, occupent la première, deuxième ou troisième place mondiale. Par définition, ces marques revêtent un caractère très international, associé à une image de luxe. Le groupe est lui-même très international dans sa culture mais aussi très enraciné dans ses régions, que ce soit à Cognac avec la famille Hériard-Dubreuil, à Angers, berceau des marques Cointreau et Passoa ou la Champagne. Cela confère à la société une légitimité et une force tout à fait particulières. Au titre des améliorations à apporter, j’ai pensé qu’il y avait des progrès à réaliser en matière commerciale. La création du réseau Maxxium* il y a six ans n’a pas, à mon sens, été complètement valorisée. Le groupe n’a peut-être pas suffisamment tiré parti de ce que pouvait lui offrir le réseau. C’est pourquoi j’ai pris deux décisions. La première a consisté à créer un comité exécutif que je préside, très ramassé et constitué d’experts de notre industrie. Du comité exécutif, découlent deux grosses directions, l’une marketing, dirigée par Christian Liabastre et l’autre commerciale, managée par Daniel Lafaurie. La seconde décision a visé à instaurer des directions régionales sur les grands marchés – Asie, USA, Europe, Afrique/Moyen-Orient – sans oublier le secteur hors taxes. La direction commerciale pilote toutes nos régions et sert d’interlocuteur désigné avec le réseau Maxxium tandis que la direction marketing prépare l’avenir de nos produits. Il y a des gens chez nous qui passent l’intégralité de leurs temps à travailler sur nos marques pour les rendre plus désirables, plus qualitatives. Des équipes dédiées se consacrent ainsi au développement, au marketing, à la communication, à l’innovation de nos produits.

« L.P.V. » – Pourquoi avoir éprouvé le besoin de recréer une struc-ture commerciale alors que vous appartenez déjà à un réseau de distribution ?

J.-M. L. – Avec le réseau Maxxium, nous pouvons nous appuyer sur environ 2 000 personnes réparties dans 35 pays hors Etats-Unis, où le groupe possède sa filiale à 100 %. Mais il nous a semblé également important de disposer de nos propres hommes pour pousser nos marques à l’intérieur du réseau Maxxium. C’est ainsi que nous avons recruté des forces commerciales dédiées à nos marques dans chacune des grandes zones mondiales. Les équipes vont au contact direct des distributeurs et des consommateurs. Cette nouvelle organisation porte déjà ses premiers résultats même s’il convient d’être modeste. Le développement des ventes est un long combat.

« L.P.V. » – Justement, quelles sont vos performances par grandes zones ?

J.-M. L. – Il y a des marchés où cela se passe très très bien et d’autres un peu moins bien. Nous sommes très contents de nos résultats aux Etats-Unis. En Asie, nos performances s’affichaient un peu en deçà de notre potentiel. Mais le marché asiatique, surtout dans sa composante chinoise, est tellement porteur que sa réponse aux investissements est très rapide. C’est ce qui est en train de se produire aujourd’hui. Les moyens supplémentaires que nous injectons vont se traduire très rapidement par de la croissance.

« L.P.V. » – Courant 2006, la presse régionale s’est fait l’écho d’un plan de restructuration touchant les salariés de Rémy Martin.

J.-M. L. – Ce plan concerne en fait tous nos sites en France, que ce soit à Cognac, Angers, Paris ou la Champagne. Il se justifie par les termes de notre nouveau périmètre de marques, qui conduisent à réduire nos effectifs. Ce plan est totalement négocié avec le personnel et s’applique uniquement sur la base du volontariat. Initié en février 2006, il s’étendra sur deux ans. Se voulant très concerté, il privilégie le système des préretraites. Le volume du plan porte sur environ 90 personnes, tous sites confondus. Comme déjà dit, il se base essentiellement sur des mesures d’âge. Nous n’avons pas à déplorer de départs préjudiciables à l’entreprise. Au contraire, les salariés manifestent une très grande fidélité ainsi qu’une très grande loyauté à l’entreprise.

« L.P.V. » – Au sujet du groupe Rémy-Cointreau reviennent régulièrement des rumeurs de rachat. Qu’en est-il ?

J.-M. L. – Le groupe n’est pas opéable. Certes il est coté en bourse mais son actionnariat majoritaire le prémunit d’un mouvement sur le capital. Pour qu’il y ait mouvement, il faudrait que ce soit fait en plein accord avec les actionnaires majoritaires, dont la famille Hériard-Dubreuil représente le principal. Aujourd’hui cette décision lui appartient mais je crois savoir que cela ne rentre pas dans ses intentions. La famille manifeste un très grand attachement à son groupe. En tant que dirigeant de la structure, je confirme la vision à long terme qui anime CLS Rémy-Cointreau. La réduction de l’endettement – passé d’environ 1 milliard d’€ à 600 millions d’€ – constitue le symbole de cette volonté de se projeter dans l’avenir.

« L.P.V. » – Que penser de la notion de taille critique dans l’univers des spiritueux. Le groupe Rémy-Cointreau a-t-il les moyens de son développement ?

J.-M. L. – Que signifie la notion de taille critique ? A l’évidence, Diageo ou Pernod-Ricard n’ont pas la même taille que Rémy-Cointreau. Est-ce un handicap pour nous ? Je considère personnellement que la taille critique ne se raisonne ni en terme de chiffre d’affaires ni en nombre de salariés. Les seules questions qui vaillent sont les suivantes : « Avez-vous des marques réellement puissantes, désirables et totalement internationales ? » Et à cette première question je réponds oui. La seconde question concerne le réseau de distribution : « Avez-vous un réseau commercial suffisamment puissant pour générer de la croissance sur les marchés clés ? » Et je réponds également par l’affirmative, avec Maxxium et nos propres forces dédiées. La taille de Rémy-Cointreau ne représente absolument pas un problème, à partir du moment où ces deux conditions sont remplies.

* Le réseau Maxxium Europe/Asie se compose de quatre partenaires : Rémy-Cointreau (F), Edington group (UK – Whiskies Famous Groose, Maccalan), Jim Beam Brands (USA – reprise de Courvoisier avec d’autres marques du groupe Allied-Domec), Wine & Spirits (Suède – Vodka Absolut).

jean_marie.jpgLe directeur général du groupe Rémy Cointreau a pris ses fonctions en septembre 2004. Bordelais marié à une Bordelaise, Jean-Marie Laborde a l’accent chantant du Sud-Ouest, sa région d’origine, même s’il revendique des attaches charentaises par sa grand-mère. Il est âgé de 58 ans. Parce que toute sa carrière s’est déroulée dans ce secteur, J.-M. Laborde possède une longue expérience de l’industrie des spiritueux. Pendant vingt ans, il exerce dans le groupe Pernod-Ricard où il sera successivement responsable de la branche Whisky du groupe (Scotch Whisky Clan Campbell), puis président de Ricard. Cette fonction le conduira à racheter les Cognacs Bisquit et Renault, dont il présidera un temps les destinées. En 1996, il intègre le groupe LVMH comme président de Moët et Chandon, un poste qu’il occupera huit années avant d’assumer ses nouvelles missions chez Rémy-Cointreau.

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