Deux salles, une seule ambiance ?
Alors que le bilan des expéditions de cognac en janvier 2025 affiche une baisse globale de 23,7 %, avec un total de sorties s’établissant à 487 626 hectolitres d’alcool pur, c’est davantage la dynamique sur les premiers marchés de l’eau-de-vie charentaise qui questionne aujourd’hui. La filière Cognac, plus que jamais levier (ou variable) d’ajustement dans les tensions commerciales internationales, voit ses opérateurs contraints d’adapter leurs stratégies d’expédition au gré des menaces de représailles commerciales. Une stratégie du stop and go appliquée sur le premier marché du cognac comme sur le second, comme en témoignent les surexpéditions vers la Chine en décembre, suivies d’une hausse marquée vers les États- Unis en janvier (+ 12,8 %), et reflets fidèles des incertitudes liées aux tensions commerciales internationales. Côté pile, la Chine où les exportations sont impactées par les surtaxes punitives sur les brandies européens, avec un dépôt de caution de près de 35 % à la frontière. Côté face, le marché américain, représentant 50 % des expéditions, où l’incertitude règne alors que l’Union européenne doit décider avant le 31 mars si elle rétablit les taxes sur le whisky et le bourbon américains, soit une décision qui pourrait déclencher des mesures de rétorsion sur les spiritueux européens (ce ne serait pas la première fois). Face à cette double pression, la filière multiplie les appels à une intervention politique forte, tant pour la levée des taxes chinoises que pour éviter une escalade tarifaire avec les États-Unis.
Adaptation ou mue forcée ?
Face à cette réalité intrinsèque à ce fleuron de la France à l’international, exporté à 97 %, c’est sur le terrain, en contrées charentaises, que l’adaptation se prépare. Le plan d’adaptation du vignoble, validé par l’INAO début février, représente, si ce n’est LA, au moins une partie de la réponse apportée par la filière face aux turbulences du marché mondial. Répondant au nom barbare de volume complémentaire cognac individuel (VCCI) – voir article p. 12 dans ce numéro – il permet une optimisation de la production des viticulteurs qui solliciteront sa mise en oeuvre, reposant sur un principe de compensation. Pour chaque hectare arraché temporairement, l’exploitant bénéficiera d’une majoration de son rendement annuel autorisé. Cette bonification, proportionnelle aux surfaces concernées, offre la possibilité de maintenir un niveau de production cohérent avec les engagements commerciaux des producteurs tout en réduisant les charges d’exploitation. Avec un rendement maximal fixé à 12 hl AP/ha, ce dispositif constitue une première réponse, même si sa mise en oeuvre ne concernera qu’une partie des exploitations de l’appellation. Une approche qui vise à préserver le potentiel de production sur le long terme, pour être prêt au moment de la reprise, tout en permettant une adaptation aux conditions actuelles du marché.
Lutte contre les friches : un enjeu national qui résonnera un jour jusqu’à Cognac ?
Ce n’est pas un secret, la viticulture française est aujourd’hui mise à mal. Si l’arrachage temporaire proposé à Cognac vise à contenir au maximum la crise, la perspective d’arrachages définitifs ou malheureusement de vignes en friche si la situation venait à davantage se dégrader pourrait aussi concerner l’appellation. Une question que d’autres vignobles se posent déjà depuis un moment, Bordeaux en tête, poussant le législateur à agir. Une proposition de loi, enregistrée à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025, prévoit la mise en place d’une amende dissuasive pour lutter contre l’abandon des parcelles. Cette contravention de cinquième classe, fixée à 1 500 euros et pouvant être doublée en cas de récidive, vise spécifiquement les exploitants dans les zones de lutte obligatoire contre la flavescence dorée, mais pourrait à terme être étendue à l’ensemble des bassins viticoles et à d’autres pathogènes.
Transmission : un « petit » cadeau fiscal bienvenu dans la loi de finances
Dans ce contexte difficile, une avancée significative mérite d’être soulignée avec l’adoption, dans la loi de finances pour 2025, d’une disposition très attendue s’agissant de la transmission du foncier viticole. Le plafond d’exonération fiscale connaît une augmentation spectaculaire, et le mot est pesé, passant de 500 000 euros à 20 millions d’euros, avec un taux d’exonération maintenu à 75 %. Cette évolution s’inscrit dans une progression constante des seuils, initialement fixés à 101 897 euros, puis relevés successivement à 300 000 euros et 500 000 euros. La nouvelle mesure, conditionnée à une conservation du bien sur 18 ans, a franchi avec succès l’étape de la motion de censure lors du vote du budget 2025. En sanctuarisant cette disposition, le Gouvernement reconnaît la spécificité du foncier viticole et accompagne concrètement la pérennisation des exploitations familiales. Une bonne nouvelle dans ce contexte où ces dernières se font bien rares, et une surprise (aussi) dans le contexte de la situation extrêmement déficitaire du pays qui ne laissait que peu d’espoir, privant de facto aujourd’hui les caisses de l’Etat d’une manne financière dont il aurait bien besoin.
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