Les chiffres, le cahier des charges et l’environnement dans les discussions vitivinicoles
Lors de son assemblée générale, les Vins IGP Charentais ont souhaité s’affirmer dans un paysage très concurrentiel. Après un exercice 2017 tronqué par le gel (une vendange 2018 clémente et un millésime 2019 partant sur des bases délicates), l’appellation vinicole a pris le parti de l’émancipation pour asseoir son nom dans les des Charentes.
La nature maîtresse des hommes. Dans le laborieux art de la production viticole, la bonne volonté des hommes reste dépendante, malgré l’expérience, des nombreux facteurs qui influent sur une récolte agricole. Les vendanges 2017 des Vins IGP Charentais furent ainsi rappelés à cet ordre.
La nécessité des volumes
Avec 65 301 hl de vin produit, soit un rendement de 54,93 hl/ha, l’IGP régionale enregistre ses plus mauvaises rentrées depuis 2013, dû, notamment, au gel de la fin avril 2017. Par rapport à 2016, cela signifie une baisse de volume de 17,25% (de 78 908 à 65 301 hl produits) et un rendement à l’hectare en berne de 14,72% (de 64,33 à 54,93 hl/ha). Les dirigeants de l’appellation ont souhaité également insisté sur la nécessité de la fidélité des producteurs pour maintenir à flot leur appellation.
« Il nous faut des volumes, sinon on ne peut pas vivre, la majorité des ressources de la structure sont les hectolitres produits et vendus », a annoncé Thierry Jullion, encourageant ses équipes à persévérer dans leurs productions.
Premier poste de revenu pour le Syndicat, les volumes de production – entrant dans les cotisations et adhésions du compte de résultat pour large part des 83,6% lors dudit exercice – ont donc plombé les revenus de l’IGP Charentaise, pour des produits de 287 351€ et des charges à hauteur de 335 400€, soit un déficit annuel de 48 049€. La maison des Vins Charentais présente toutefois des disponibilités propres et une situation nette solides (couplés à des dettes diminuées de plus de moitié et des créances presque doublée).
Le prix de la liberté
Exister dans une région si marquée en terme de réputation sur l’eau-de-vie et la liqueur demande des prises de risques et des reins solides. Les investissements de communication exceptionnels pour se faire une place dans l’univers de la Saintonge et de l’Aunis ont donc compté, (pour 35,8% des charges) ainsi que l’obtention d’une maison des Syndicat des Producteurs et de Promotion des Vins de Pays Charentais, pour une installation en août prochain dans le quartier Saint-Jacques, à Cognac. La carence des volumes est venue limiter les revenus.
« Il fallait acheter un immeuble pour être chez nous, ce qui engendre des frais. Nous avons toujours de la réserve, même si nous en avons moins. Et nous faisons toujours des dépenses, mais il faut bien les inscrire sur le compte d’exploitation. Cela produit un résultat négatif. Il n’y a pas de situation ni d’urgence ni critique, mais nous allons nous attacher en 2019 de rééquilibrer, car nous n’aurons pas de dépenses anormales comme cette année, bien que nous ayons quelques travaux à faire. Mais il faut quand même faire attention, gérer en bon père de famille. Nous n’avons pas lâché pas les rênes ; les investissements que nous avons fait nous ont demandé des ressources », a insisté Thierry Jullion, devant les réserves et les questions de certaines personnes de l’assistance.
Évolution du cahier des charges
L’environnement a évidemment pris une place importante dans les discussions en amont et pendant l’assemblée générale, jusqu’à l’intégration de certaines mesures (comme dans les autres productions de produits alcooliques locales) dans le cahier des charges. Cinq mesures environnementales ont vu le jour :
– Interdiction du désherbage chimique de synthèse en plein, autorisation uniquement sous cavaillon (30% de la surface) ;
– interdiction du désherbage chimique de synthèse des tournières avec obligation d’enherbement permanent (ne s’applique pas en cas de remise en l’état des tournières notamment suite à l’érosion, où à des phénomènes climatiques exceptionnels) ;
– obligation de rentrer en certification HVE3 dans les 5 ans ;
– amélioration de l’efficience du matériel de pulvérisation : interdiction des appareils non face par face à jets non dirigés (canons oscillants), en cas d’utilisation des appareils à jet porté, seuls les buses à injection d’air pour la viticulture sont autorisées ;
– limitation des apports d’azote minéral de synthèse à 30 unités/ha/an.
Autre cheval de bataille, la visibilité par l’étiquetage.
1. Interdiction d’écrire juste :
– La dénomination « IGP » et la dénomination « Indication Géographique Protégée »
2. Obligation d’étiqueter soit :
– l’abréviation « IGP Charentais » avec le logo IGP de l’Union européenne ;
– Indication Géographique Protégée Charentais ;
– « Vins de pays Charentais » avec le logo IGP de l’Union européenne.
« Travaillez, prenez de la peine :C’est le fonds qui manque le moins. »
Pascal Gonthier, responsable de la commission dégustation, et vigneron à Saint-Amant-de-Nouère (16), a fait le bilan de qualité des vins de l’appellation, qu’il a estimé « constante ». Globalement, blanc et rosé, nous avons plutôt un bon niveau gustatif. Sur l’année qui s’écoule, 2018, nous sommes certainement presque meilleurs que l’année passée, due à une date de récolte et de maturité supérieures. C’est un peu plus sophistiqué.
En rouge, globalement, nous pourrions faire mieux. Nous avons des rouges qui sont globalement un peu lourds, tanins un peu grossiers, qui manquent de finesse. Ne vous affolez pas à présenter vos rouges à l’agrément. Prenez le temps de faire du vin. Le rouge est un vin d’élevage. Nous ne sommes pas obligés l’année même de présenter les vins. Vous avez plusieurs années. Être recalé en premier passage n’est pas une sanction ; prenez le temps de rectifier les problèmes qu’il y a sur les vins. N’attendez pas forcément la prochaine dégustation. Attendez deux ou trois mois, il faut travailler les vins. »
Ou est-ce une juste paraphrase, adapté aux techniques modernes, du Laboureur et ses enfants, de la peine et de la sagesse du travail.
Un vignoble en prochaine évolution
Également dans le cahier des charges, les cépages des Vins IGP Charentais vont être quelque peu remodelés, dans l’immédiat et à moyen terme, avec l’introduction et la disparition de certaines grappes, et l’intérêt de l’appellation pour les cépages résistants.
CÉPAGES BLANCS
Introduction future des Petit Manseng et Gros Manseng. « Nous voulons le[s] faire autoriser par cette modification qui ne sera valable pas avant récolte 2020 (la date dépend de l’administration) », a expliqué Guillaume Archereau, technicien de l’ODG, Organisme De Gestion.
Petite révolution, avec l’interdiction à terme, en 2023, de mettre de l’Ugni Blanc en Vins Charentais, ce qui a provoqué quelques remous dans la salle. Cette initiative a été prise afin d’éviter les transferts de jus entre le Cognac, le Pineau, l’IGP Vin voire les vins sans IG.
CÉPAGES ROUGES
Introduction future de la Syrah également à l’horizon 2020, dans l’attente de date précise par l’administration.
Assouplissement du Tannat Noir, plus uniquement réservé à l’île-de-Ré.
Cépages résistants en blanc : Bronner, Johnanniter, Floreal, Souvinier Gris Blanc, Solaris Blanc, Voltis.
Cépages résistants en rouge : Cabernet Cortis Noir, Monarch Noir, Pinotin Noir, Prior Noir, Vidoc, Artaban.
Guillaume Archereau a précisé :
« Les cépages résistants blanc et rouge sont toujours à l’étude à l’INRA, une plantation de ces derniers est prévue sur le vignoble Bordelais afin d’approfondir les études déjà faite. Ils seront utilisables par nos producteurs lors de la validation de cette modification qui sera pas avant récolte 2020 (pour la date fixe pas possible de vous en donner une car cela dépend de l’administration). »