Le maître mot de l’équilibre

8 mars 2009

Un équilibre conjugué au présent mais aussi au futur, capable de répondre aux besoins d’expansion du négoce. Le directeur général d’Hennessy insiste sur le caractère réversible d’une augmentation de la QNV, en fonction de l’observation des ventes. Cette approche avait déjà été exposée à la réunion de la Sica de Bagnolet, le 26 mars dernier.

 

« Le Paysan Vigneron » – Le rendez-vous annuel de la maison Hennessy avec ses livreurs a eu lieu il y a un mois. Que s’est-il dit à cette occasion ?

yann_fillioux_henessy.jpgYann Fillioux – Le président Bannier et Roland de Farcy se sont exprimés, l’un sur la vie de la Sica, l’autre sur la marche de la maison, en indiquant que la société connaissait un développement satisfaisant de ses affaires. Pour ma part, j’ai abordé peu de sujets, préférant me concentrer sur un thème, celui de la notion d’équilibre. Que constate-t-on ? Dans la mesure où la distillation 2003 sera également déficitaire, nous avons à faire face à sept récoltes déficitaires, ce qui, en cumulé, représente un déficit de distillation supérieur à 500 000 hl AP. Nous pensons que cette situation ne peut pas perdurer. Il devient nécessaire d’atteindre un niveau de QNV qui permette une distillation correspondant aux sorties totales, évaporation comprise soit, aujourd’hui, environ 485 000 hl AP, entre 425 000 hl AP de sorties et 60 000 hl AP d’évaporation. Nous sommes convaincus – et quand je dis nous, je pense à la société Hennessy mais aussi à l’ensemble du négoce qui, je crois, partage cette vision des choses – que la prochaine organisation de campagne devra prendre en compte cette notion d’équilibre. Cette position a déjà été formulée mais il me paraît important de la reformuler dans la mesure où l’équilibre par rapport à la situation actuelle est une chose mais qu’il est tout aussi essentiel de se projeter dans l’avenir, car nous espérons bien que nos affaires iront en se développant. Par ailleurs, n’oublions pas que nos viticulteurs-bouilleurs de cru n’ont plus de stocks en dehors de ce qui est trop jeune pour être livré. Ils ne possèdent plus de réserves dans leurs chais. Sans tomber dans l’excès, il paraît tout de même normal que les viticulteurs puissent constituer un certain matelas pour faire face aux aléas.

« L.P.V. » – Reste l’existence d’un gros stock d’eaux-de-vie rassises.

Y.F. – Que disent les statistiques du BNIC ? La viticulture a des stocks d’eaux-de-vie jeunes, par contre les stocks s’avèrent extrêmement faibles en comptes 3, 4, 5 et 6. Des stocks importants ne se retrouvent qu’au niveau des comptes plus anciens mais toute une tranche présente un profil plat. Qui plus est, l’on peut penser que peu de comptes 2 passeront en comptes 3, peu de comptes 3 en comptes 4 et ainsi de suite jusqu’au compte 7. Nous avons donc devant nous des 0, des 1, un peu de 2 et des 9. Tout cela n’est pas très équilibré. Je pense qu’il est grand temps de procéder à un rééquilibrage avant de tomber à des niveaux de stocks complètement déséquilibrés et de surcroît insuffisants, me semble-t-il, pour les viticulteurs.

« L.P.V. » – Est-ce que le phénomène du déclassement est de nature à régler en partie le problème ?

Y.F. – Ce phénomène du déclassement a sans doute été largement utilisé. En ce qui nous concerne, nous disons à nos livreurs que nous sommes acheteurs de telle récolte et nous leur demandons de nous proposer la récolte dont nous sommes acquéreurs. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Beaucoup de vieilles eaux-de-vie soumises à dégustation n’ont pas été vendues auparavant pour des raisons de qualité. Elles ne se vendront pas plus aujourd’hui, au moins dans les maisons soucieuses de qualité. Malheureusement, je pense qu’il existe un pourcentage élevé de ces eaux-de-vie, qui ne correspondent pas aux critères que nous recherchons.

« L.P.V. » – Quelle projection faites-vous du marché du Cognac et de vos propres ventes ?

Y.F. – Nos affaires se développent de façon satisfaisante. A l’assemblée générale de la Sica de Bagnolet, Roland de Farcy a indiqué que les ventes aux Etats-Unis poursuivaient leur progression et si les expéditions vers l’Asie n’apportent pas les mêmes motifs de satisfactions, globalement elles aussi connaissent une évolution favorable. En terme de projection dans l’avenir, cette tendance positive signifie que nos besoins sont en croissance. C’est pour cela que nous avons augmenté sensiblement nos achats de rassises en 2004 par rapport à 2003. A ce titre, je pense pouvoir dire que nous sommes un des gros acheteurs d’eaux-de-vie rassises et que nos prix, au niveau où ils se situent, ne suscitent pas de commentaires. Certains avaient pronostiqué une baisse des prix à l’occasion du passage de 6 à 7. En l’occurrence, c’est Hennessy qui a le plus augmenté ses prix. Notre idée n’est pas de diminuer les prix. Notre idée est d’obtenir un approvisionnement correspondant à nos besoins et d’arriver, par là même, à tendre vers un équilibre qui permettra à la viticulture de dégager un revenu correct par ha et de pérenniser ses exploitations. C’est ce qui justifie notre position.

« L.P.V. » – Objectivement, peut-on craindre la pénurie ?

Y.F. – Le terme de pénurie est un bien grand mot mais nous pourrions arriver à un manque de marchandise si nous ne produisions pas assez. Dans l’hypothèse où la distillation de la récolte 2003 s’élèverait à 485 000 hl AP, je dirais qu’il y a équilibre mais tel n’est pas le cas.

« L.P.V. » – Quel niveau de QNV préconisez-vous pour la prochaine campagne ?

Y.F. – Notre politique n’est pas de dire à quel chiffre doit se situer la QNV. Ce n’est pas cela l’important. En 2003, la QNV est passée de 6 à 7. On ne connaît pas encore avec exactitude les volumes distillés sur la dernière récolte (interview réalisée le 9 avril – NDLR). Il faudra simplement tenir compte de la progression pour voir de combien il convient d’ajuster la QNV pour arriver à l’équilibre. D’ailleurs, cette notion d’équilibre ne fonctionne pas que dans un sens. Quand les ventes augmentent, il faut pouvoir augmenter la QNV et si les ventes baissent, il faudra pouvoir la diminuer. L’idée est de s’adapter.

« L.P.V. » – Pour la prochaine campagne, pensez-vous que la région va acter une progression de la QNV ?

Y.F. – Je l’espère bien. Je crois que c’est une demande générale du négoce. Côté viticulture, les avis sont sans doute partagés. Il n’y a pas une viticulture mais plusieurs. Des viticulteurs vendent très bien et d’autres moins bien, en sachant qu’il y a parfois des raisons à cela. Nous n’achetons plus à certains parce qu’ils ne sont plus en mesure de nous livrer la qualité que nous souhaitons. Ces cas sont peu nombreux mais ils existent. Nous demandons des standards de qualité. Si les viticulteurs ne veulent pas ou ne peuvent pas y répondre, un jour il faut en tirer les conséquences.

« L.P.V. » – Certains pensent qu’il serait bon d’attendre la mise en place du schéma d’avenir et l’affectation de 55 000 ou 60 000 ha de vignes dédiées au Cognac pour enclencher une nouvelle augmentation de la QNV.

Y.F. – Il n’y aura pas 55 000 ou 60 000 ha de vignes dédiées au Cognac. Dans les faits, nous sommes en présence d’un vignoble de 73 000 ha, sans compter les vignes éligibles jusqu’à la fin du Plan. Dans cette situation, il y a plus de vignes que l’exige un revenu correct correspondant à des débouchés assurés. Aujourd’hui, la problématique n’est pas évidente avec des arrachages prévus sur la campagne en cours à hauteur de 150 à 300 ha. De tels chiffres ne sont pas de nature à rétablir l’équilibre. Le rapport Zonta table sur 3 000 ha en trop. Cette opinion n’est pas forcément partagée par tous. Des personnes qui, me semble-t-il, font des analyses correctes de la situation placent la barre nettement plus haut, autour de 7 à 8 000 ha.

« L.P.V. » – Que pensez-vous d’un engagement de la région dans un système INAO.

Y.F. – Toutes les pistes sont envisageables mais je considère, là aussi, qu’il sera difficile de trouver des solutions d’avenir, permettant des débouchés qui apportent un revenu correct et une pérennité des exploitations, tant qu’il n’y aura pas équilibre dans les surfaces.

« L.P.V. » – Dans une « lettre aux livreurs », l’intervention de Jean Pineau sur l’environnement a semble-t-il interpellé des viticul-teurs.

Y.F. – Il est normal que Jean Pineau, responsable environnement au sein de la société Hennessy, est à cœur de sensibiliser les viticulteurs à cet aspect. Nous savons bien que tout ne peut pas se faire du jour au lendemain. L’essentiel est d’adopter les bonnes attitudes et les bonnes démarches. Jean Pineau et son service ont fait beaucoup de réunions, rencontrés de nombreux viticulteurs pour les informer, leur expliquer ce que nous souhaitions. La lettre aux livreurs semble bien perçue. Je n’entends que des commentaires favorables. A mon avis, il existe aujourd’hui une meilleure compréhension de la problématique qualité de la part de nos livreurs, qui, en travaillant mieux, voient la possibilité de débouchés. Tout ceci est source de progrès et va dans le bon sens.

« L.P.V. » – Un mot sur la qualité des eaux-de-vie 2003.

Y.F. – Honnêtement, nous pensions que ce serait plutôt moins bien que ce que nous avons constaté. Par contre ce genre d’année atypique ne vieillit pas toujours à l’optimum. Si nous sommes relativement rassurés à court terme, cette appréciation demande d’être confirmée dans le temps. Nous avons déjà vu des eaux-de-vie nouvelles faire bonne figure et s’avérer moins bonnes à partir du compte 2. Ce fut le cas des eaux-de- vie de l’année 1994, dont la qualité n’a fait que se dégrader au fil du temps. A voir.

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