Girolate : L’expression du Terroir au naturel

20 avril 2009

Un nouveau grand cru est-il en train de se créer sur les terroirs argileux et profonds de la rive droite ? C’est un pari qui à première vue peut paraître fou et c’est justement ce qui a motivé M. Jean-Louis Espagne et ses collaborateurs. Après de longues années de réflexions sur l’amélioration de la qualité, ils ont finalisé leur projet Girolate, un vin culte dans l’Entre-Deux-Mers dont la plantation de Merlot s’inscrit dans une démarche d’expression du terroir maximum respectueuse des méthodes naturelles.

 

jean_louis_espagne.jpgM. Jean-Louis Espagne est convaincu que les plus grands vins du monde se font à Bordeaux et les différentes productions de vins blancs et de vins rouges des vignobles Espagne contribuent à véhiculer cette notoriété de référence qualitative. La philosophie de production repose sur une recherche permanente de qualité, ce qui s’est traduit dans les faits par des changements fondamentaux des structures de production depuis 20 ans. Les vignes larges à 3 m et 3,50 m d’écartement ont été abandonnées à partir de la fin des années 80 au profit de densités élevées de 5 000 pieds/hectare pour les cépages blancs et 6 500 à 7 000 pieds/hectare pour les rouges. L’enherbement a été généralisé il y a plus de 10 ans sur l’ensemble du vignoble pour appauvrir les sols argilo-calcaires aux capacités agronomiques importantes. Toutes les évolutions ont été abordées avec un véritable professionnalisme que ce soit au niveau des réflexions techniques comme de leurs conséquences économiques et commerciales. Jean-Louis Espagne s’est donné les moyens de créer une cellule de réflexion qualitative permanente au sein de ses domaines avec son fils Thibault et ses proches collaborateurs. Cette équipe réalise un travail régulier de réflexion sur les évolutions qualitatives qui peuvent être envisagées sur les vignobles Espagne.

L’argile est le « ciment » des grands terroirs

Le projet Girolate est l’aboutissement d’une réflexion collective de plusieurs années sur la valorisation des potentialités qualitative des sols argilo-calcaires profonds de la région de Naujan-Postiac. Le fait de cultiver des vignes à plus fortes densités sur différents domaines a conforté M. Jean-Louis Espagne sur les potentialités qualitatives des terres argilo-calcaires du cœur de l’Entre-Deux-Mers et il a cherché à travers le projet Girolate à pousser la recherche de qualité le plus loin possible : « Les meilleurs sols viticoles dans le Médoc sont souvent sur des croupes argilo-graveleuses qui assurent une alimentation en eau régulière pendant la période estivale. Cependant, des teneurs en argile trop importantes confèrent aux sols une richesse agronomique propice à la productivité, mais pourtant je considère que l’argile fait les grands terroirs. Dans la région de Naujan-Postiac, les taux d’argile sont élevés et mélangés avec des concrétions calcaires. En dessous cette couche de terre arable, le sous-sol est constitué de blocs de rochers calcaires qui favorisent un bon drainage en profondeur. Les teneurs en argile importantes rendent les interventions de travail du sol difficiles et, paradoxalement, le travail du sol dans ce type de terres en augmente les potentialités agronomiques. La solution à ces problèmes de générosité agronomique est l’introduction de l’enherbement qui permet d’appauvrir ces sols sans créer de problèmes d’alimentation hydrique durant les périodes estivales. Notre ambition avec Girolate a été de créer sur ces sols argileux des conditions culturales qui permettent d’élaborer des vins dignes d’un grand cru sur la rive droite. »

De fortes densités de plantation et la maÎtrise des rendements, deux éléments indissociables

plantation_au_carre.jpgL’effet densité de plantation reste un maillon clé de la maîtrise de la qualité et les vignobles Espagne ont démontré qu’à des niveaux de densité de 6 000 à 7 500 pieds par hectare, on peut élaborer des vins fabuleux même si on ne contrôle pas parfaitement les niveaux de rendements. Sur le plan de la mécanisation, il faut être aussi conscient qu’en dessous des écartements de 1,70  m, il n’est plus possible d’utiliser des tracteurs interlignes. J.-L. Espagne est aussi intimement convaincu que pour passer à un niveau de recherche de qualité maximum, l’augmentation des densités de plantation doit s’accompagner par une véritable approche de la maîtrise des rendements. Le projet Girolate a été imaginé pour répondre à ce double objectif et la structure de la plantation est véritablement innovante : « Notre volonté a été de diminuer la production de chaque souche pour aller plus loin dans l’expression du terroir en créant les conditions à des phénomènes de concentration naturelle. Nous avons planté les 10 hectares de Merlot de Girolate sur un sommet de coteaux exposés plein sud avec une densité de plantation au carré de 1,30 m sur 1,20 m pour créer une concurrence maximum entre les souches. Ensuite, les souches ont été nanifiées par rapport au niveau et établies en gobelet dans l’axe des rangs avec 4 bras portant un cot à 2 bourgeons. souches_etablies.jpgLa charge par souche est donc de 8 bourgeons et l’objectif est d’avoir 4 grappes par pied. Dans l’été nous passons la parcelle pour ne garder que les grappes les mieux exposées. Toutes les allées de vignes sont enherbées et un désherbage localisé avec des produits foliaires permet d’entretenir les cavaillons. La structure d’établissement des souches très basse est un moyen supplémentaire d’amplifier les phénomènes de rayonnement durant la maturation. D’une manière générale, nous avons cherché à tirer profit de tous les moyens les plus naturels pour que les souches expriment les potentialités du terroir. »

 

 

 

 

 

Une vinification en rouge conduite en barriques de 225 l

barriques.jpgCette volonté d’élaborer un grand vin dans des conditions les plus naturelles possibles se retrouve dans la conduite des vinifications. Les vendanges sont bien sûr réalisées manuellement et éventuellement par tris successifs des grappes. Les raisins sont ramassés en petites clayettes pour éviter de les triturer et de détériorer les baies. La récolte a lieu à un stade de surmaturité quand sur les grappes certaines baies ont commencé à évaporer l’eau. Au moment des vendanges, la production de chaque rang de vigne est réalisée et une identification de toute la chaîne de vinification a été conçue pour extraire naturellement ce que la vigne a concentré dans les raisins. La richesse des raisins a amené l’équipe de M. J.-L. Espagne a imaginé une autre approche de la conduite des vinifications en rouges traditionnelle. L’objectif n’est pas de rechercher des structures tanniques extrêmes et très boisés mais au contraire d’élaborer des vins complets, soyeux, dont l’harmonie aromatique et gustative soit totale. La découverte du procédé de stockage des fûts Oxoline lors de l’édition de Vinitech 2000 a permis d’aborder la vinification en rouge directement en barriques de 225 l sans aucun passage en cuve. Il suffisait d’imaginer à la fois un système de remplissage pour la vendange par le trou de bonde et un moyen d’écouler les barriques. Un entonnoir de remplissage astucieux a été spécialement mis au point pour encuver les baies (éraflées grappe par grappe et très légèrement foulées). L’opération de décuvage est réalisée de manière très simple en enlevant un fond de barrique. Le système Oxoline permet par le biais des rotations de réaliser les remontages et les pigeages sans aucune intervention mécanique. La conduite de la fermentation alcoolique se déroule sans excès thermique dans les barriques et les extractions phénoliques sont aussi conduites avec douceur par une à deux rotations par jour. Les vins sont laissés sur marcs pendant 25 à 30 jours et lors du décuvage aucune pompe n’est utilisée.

Un millésime 2001 dont la qualité est à la hauteur des Espérances de J.-L. Espagne

La première récolte a eu lieu en 2001, une année où les raisins étaient arrivés à maturité très précocement. La récolte a été maigre sur le plan des volumes (20 hl/ha) mais très surprenante sur le plan de la qualité. Les jus de goutte sont puissants et les vins de presse sont d’une qualité rare du fait de la conduite des extractions dans de tout petits contenants. Le pressurage des marcs est effectué avec un pressoir utilisé de façon très souple. 80 % des jus de presses sont réincorporés dans les vins de gouttes et l’élevage sur lies dure pendant plusieurs mois. Les lies sont remises en suspension régulièrement et les fermentations malolactiques se sont déroulées en fin d’année. Les vins de Girolate sont riches, très équilibrés et la structure tannique est parfaitement fondue et harmonieuse. Le caractère boisé est présent mais sans excès, ce qui atteste de la capacité de ces vins « à digérer » le bois neuf. Le volet économique de la filière de production de Girolate reste un sujet sur lequel J.-L. Espagne est très discret car les coûts de production au vignoble et la conception moderne de la vinification et du chai représentent des investissements conséquents. Girolate est un investissement dont la rentabilité repose sur essentiellement sur la réaction des grands spécialistes mondiaux du vin. Les dégustations en primeur du millésime 2001 ont reçu un accueil très favorable et il faut maintenant attendre que les vignes vieillissent pour savoir si le caractère innovant du cru Girolate se transformera en Premier Grand Cru de l’Entre-Deux-Mers.

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