Une fiscalité inadaptée qui menace plus que jamais la pérennité des exploitations familiales
Face à une érosion constante du nombre d’exploitations viticoles dans les principales régions françaises, la CNAOC tire la sonnette d’alarme sur l’inadaptation de la fiscalité des transmissions . De la déconnexion entre la valeur foncière et la rentabilité, en passant par les donations tardives et les charges fiscales disproportionnées, le modèle familial est plus que jamais menacé. Dans ce contexte et alors que la question du budget est plus que jamais prégnante, les représentants des vignobles AOC, craignent que les engagements pris par le Gouvernement au début de l’année 2024 ne soient pas tenus. La question qui se pose alors est de savoir comment sauvegarder le patrimoine viticole face aux enjeux de transmission ?
Un recul préoccupant des exploitations familiales
Le constat est alarmant : les chiffres du recensement agricole 2020 révèlent une diminution drastique du nombre d’exploitations viticoles dans toutes les grandes régions productrices. La Champagne enregistre une baisse de 3 %, la Charente de 5 %, tandis que la situation est encore plus critique en Bourgogne (-14 %), à Bordeaux (-17 %) et en Alsace, où plus d’un cinquième des exploitations a disparu depuis 2010. Cette érosion continue reflète les difficultés croissantes rencontrées par les vignerons dans la transmission de leur patrimoine, mettant en péril la pérennité du modèle familial qui a façonné la viticulture française.
Une fiscalité déconnectée des réalités du terrain
La problématique centrale réside dans l’inadéquation entre la fiscalité actuelle et les spécificités du secteur viticole. Dans les vignobles d’appellation à haute valeur ajoutée, le décalage entre le prix du foncier et la rentabilité économique des exploitations est particulièrement marqué. Les chiffres sont édifiants : il faut plus de cinq années de résultats avant impôt pour amortir le coût d’une transmission, et jusqu’à 28 années de revenus pour un bailleur. Cette situation absurde contraint de nombreux vignerons à vendre leur patrimoine plutôt qu’à le transmettre, simplement pour honorer les droits de succession.
« Le modèle viticole familial, qui constitue l’épine dorsale de la viticulture française, est menacé. La transmission des terres agricoles ne bénéficie pas des mêmes conditions d’exonération que d’autres secteurs, alors que nos vignes bel et bien notre outil de production. Résultat ? Nous sommes obligés de vendre au lieu de transmettre pour payer la succession. » soulignent les Présidents des fédérations régionales de Bourgogne (Thiébault HUBER), de Bordeaux (Jean-Marie GARDE) et de Champagne (Maxime TOUBART).
Des engagements gouvernementaux en suspens
Malgré les promesses gouvernementales formulées début 2024 pour adapter la fiscalité des transmissions viticoles, l’absence de concrétisation dans la loi de finances actuelle suscite de vives inquiétudes. La CNAOC et le SGV militent pour un alignement sur le pacte Dutreil, sans condition d’âge ni plafonnement, avec la garantie de la pérennité de l’abattement lors des transmissions familiales futures pendant la durée de conservation des biens. Cette revendication apparaît comme une solution équitable pour préserver le modèle familial viticole.
« Nous lançons un appel à nos responsables politiques : ils doivent prendre conscience de l’urgence de la situation et honorer les promesses faites pour une fiscalité mieux adaptée aux réalités des exploitations viticoles. Autrement, nous allons voir disparaître des générations de vignerons familiaux. » conclut Jérôme BAUER.
L’enjeu des transmissions tardives
Une particularité du secteur viticole réside dans l’âge avancé des repreneurs lors des transmissions. La majorité des « jeunes installés » a déjà dépassé la quarantaine, rendant inadaptés les dispositifs fiscaux actuels principalement orientés vers les jeunes agriculteurs. Cette réalité nécessite une refonte en profondeur des mécanismes de transmission pour les adapter aux spécificités du secteur viticole. Jérôme Bauer, président de la CNAOC souhaite ainsi « une fiscalité mieux adaptée aux réalités des exploitations viticoles familiales : encourager la transmission des exploitations au profit des JA, c’est oublier que la très grande majorité d’entre nous hérite de l’exploitation familiale après 40 ans. ».
L’avenir du modèle viticole familial français est à la croisée des chemins. Sans une réforme rapide de la fiscalité des transmissions, c’est tout un pan de notre patrimoine viticole qui risque de disparaître, emportant avec lui des générations de savoir-faire et une organisation sociale qui a fait ses preuves. Au-delà des enjeux économiques, c’est la préservation de l’identité même des terroirs viticoles français qui est en jeu.
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