Filière Cognac : un kaléidoscope de contrats

27 juin 2013

Il y a les contrats d’achat « pur et dur » sur le vin ou sur les eaux-de-vie rassises, les contrats de bonne fin basés sur des livraisons d’eaux-de-vie en 00, avec une partie payée tout de suite, une partie dénouée à terme sur des comptes d’âge, des contrats annuels, des contrats pluriannuels, des contrats pluriannuels glissants, des « habitudes d’achat », des « quantités réservées » et une déclinaison à l’infini de ces grandes catégories, des mix, des variantes sur l’échéance de reprise, les modalités de paiement des acomptes, les sorties en comptes d’âge… La politique contractuelle
charentaise est un véritable kaléidoscope.

 

 

« Même moi, je ne suis pas sûr de connaître toutes les formes de contrats qui existent en Charentes ». Qui dit cela ? Un courtier de campagne pourtant expert en la matière. Un autre professionnel, très impliqué dans l’achat des eaux-de-vie estime, lui, que la politique contractuelle pourrait couvrir, en Charentes, 70 % des volumes. « Certains ont pu parler de 90 % des quantités mais je pense que c’est excessif. Quand le marché connaît “un petit coup de mou”, on s’aperçoit que toutes les marchandises ne partent pas. Il y a aussi la volonté des viticulteurs de porter, de conserver en libre des eaux-de-vie. » Malgré tout, un engagement d’achat (et de vente) à hauteur de 70 %, c’est déjà énorme.

Une politique contractuelle qui a fluctué

Il n’en fut pas toujours de même à toutes les époques. La politique contractuelle a fluctué au gré de l’état de santé du marché. Elle a connu des périodes fastes comme aujourd’hui mais aussi des cures d’amaigrissement voire des heures sombres, encore dans toutes les têtes. « C’est tabou d’en parler ajourd’hui relate un viticulteur, mais je me souviens du temps où un contrat de 50 hl AP pouvait tomber à 10. Et à 10 de pur, cela ne justifiait pas le déplacement d’un camion. Le contrat était cassé. »

L’attachement actuel des Charentais à leurs contrats est d’autant plus fort qu’il se nourrit de la mémoire du passé. Au trébuchet de la qualité d’un contrat, pour le viticulteur, il y a certes des éléments tangibles – le volume, l’espérance d’un prix – mais aussi des éléments plus cryptiques comme l’appréciation du potentiel économique de la maison, la relation de confiance développée – ou non – avec l’acheteur au fil du temps. On pourrait y ajouter un autre facteur, la flexibilité du contrat. « La flexibilité est un curseur qui ne trompe pas, détecte le collaborateur d’un cabinet comptable. Quand ça va bien, les maisons de négoce ont tendance à créditer leurs contrats de plus de flexibilité. Quand la situation se rétracte, c’est l’inverse. La panoplie de choix offerte au viticulteur se restreint. Souvent, c’est la possibilité de porter plus loin dans le temps les eaux-de-vie qui passe à la trappe. » Normal ! Pour le Cognac, il s’agit de l’une des principales sources de plus-values.

Les contrats de bonne fin

A tout seigneur, tout honneur : les contrats de bonne fin. C’est un peu la marque de fabrique de la région de Cognac, la manière dont la filière aborde le décalage dans le temps entre la production des eaux-de-vie et la vente de son produit, le Cognac. Chaque grande maison possède son contrat de bonne fin, à travers sica ou coopératives associées. Le principe est toujours le même. Le viticulteur livre des eaux-de-vie en 00. Une partie est payée tout de suite (80 % de la valeur 00 par exemple, mais ce pourcentage peut varier d’une structure à l’autre avec la possibilité – ou non – accordée au viticulteur d’exercer des options sur le pourcentage). Le solde (20 % ou autre) est versé au dénouement du contrat (lors de la réalisation finale et complète du contrat). Ce dénouement se prête à toutes les variantes. Des maisons pratiquent un dénouement unique en compte 2. D’autres privilégient un étalement des sorties sur plusieurs années (du compte 2 jusqu’au compte 4 par exemple, voire davantage). Se joue ici l’accès à la plus-value de vieillissement, versée sous la forme d’un « complément de prix ». Reste à savoir comment est calculé ce complément de prix ? Certaines sica jouent la transparence et détaillent les éléments composant le prix. D’autres structures ménagent davantage d’opacité. Quoi qu’il en soit, c’est le prix de sortie qui compte, même s’il faut parfois attendre 5 ou 6 ans pour le connaître.

Les contrats d’achat

A côté des contrats de bonne fin, existe toute la panoplie des contrats d’achat « pur et dur », que ces achats portent sur le vin Cognac ou sur les eaux-de-vie rassises (vieillies). Le viticulteur s’engage à vendre une quantité, un compte d’âge (lorsqu’il s’agit d’un contrat de rassises) et le négociant à acheter ces volumes à la date prévue. Mais on a pu voir des contrats où le négociant ne s’engageait pas sur la date de reprise ou seulement « à partir de… ». Aujourd’hui, ces contrats ont sans doute tendance à s’estomper, compte tenu de l’appel d’air du marché et de la concurrence entre maisons. Car l’image du négociant se joue aussi sur l’attractivité de son contrat. D’où toute une stratégie de « relooking » des contrats, à l’œuvre actuellement.

Les habitudes d’achat

Est-ce un contrat, n’est-ce pas un contrat ? La question reste posée. Il s’agit des habitudes d’achat (et de vente), parfois désignées par le terme de « quantités réservées ». On parle aussi du « livre » de telle ou telle maison (dans le sens du « livre d’or »). En tout cas, ce sont des livraisons récurrentes, marquées par le sceau de la permanence dans le temps. Il n’y a pas d’engagement formel mais « la parole vaut contrat ». Certains sont tentés d’accorder à ces habitudes d’achat autant de prix qu’à un contrat classique, voire davantage.

Le « libre »

Hors du cadre contractuel, il y a enfin tout le domaine du « libre », des achats libres des maisons (et des ventes libres des viticulteurs,) au bon vouloir des deux parties. C’est le domaine d’excellence des courtiers qui, en tant qu’intermédiaires, assurent la discrétion des transactions, jusqu’à entente des deux co-contractants sur le prix, le volume et la qualité. In fine, le libre se résume aussi à un contrat.

 

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