Dans un discours prononcé ce 1er avril 2025 devant le Parlement européen, la Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a dénoncé les nouvelles barrières douanières imposées par les États-Unis et exposé une stratégie européenne en trois axes. Dans un contexte tendu sur le plan commercial, elle a condamné la décision américaine d’augmenter drastiquement ses droits de douane et a détaillé la réponse de l’Union, articulée autour de la négociation, de la diversification des partenariats et du renforcement du marché unique.
Une réaction ferme face à une décision unilatérale
Dans un discours empreint de gravité, la Présidente de la Commission européenne a commencé par rappeler les fondements du projet européen : un marché unique, sans droits de douane ni obstacles internes, qui a permis à l’Europe de prospérer. Elle a souligné que cette démarche d’ouverture avait aussi permis de tisser des liens solides avec des partenaires comme les États-Unis, rendant d’autant plus incompréhensibles les nouvelles mesures protectionnistes américaines.
« Cela instaurera de nouvelles procédures douanières, créant ainsi un monstre bureaucratique. Et aujourd’hui, personne n’a besoin de cela – ni aux États-Unis, ni en Europe. »
Washington a en effet annoncé une hausse de 25 % des droits de douane sur les importations d’acier, d’aluminium, de véhicules et de pièces automobiles. D’autres secteurs stratégiques — semi-conducteurs, produits pharmaceutiques, bois — sont également visés. Une nouvelle vague de taxes douanières, prétendument « réciproques », est attendue dès demain. Pour von der Leyen, cette approche est non seulement injustifiée, mais aussi contre-productive : « Les droits de douane sont des taxes, qui seront payées par les citoyens », a-t-elle martelé, en soulignant l’impact sur l’inflation, l’emploi et les chaînes d’approvisionnement.
Trois piliers pour protéger l’Europe et ses entreprises
Face à cette escalade commerciale, la Commission européenne déploie une stratégie articulée autour de trois axes :
- Une volonté de dialogue, mais sans naïveté : « Nous sommes ouverts aux négociations […], mais toutes les cartes sont sur la table », a assuré la Présidente. Elle a précisé avoir déjà consulté plusieurs chefs d’État et de gouvernement et attendre les annonces américaines du lendemain pour calibrer la réponse européenne.
- La diversification des partenariats commerciaux. L’Union européenne entend renforcer ses liens avec d’autres régions du monde pour réduire sa dépendance. Avec 76 accords commerciaux déjà en place, dont les plus récents avec le Mercosur, le Mexique et la Suisse, l’Europe poursuit ses efforts. Elle vise un accord avec l’Inde d’ici la fin de l’année et négocie actuellement avec l’Indonésie et la Thaïlande. Par ailleurs, Ursula von der Leyen a annoncé sa participation, aux côtés du Président Costa, au premier sommet UE-Asie centrale à Samarcande cette semaine.
- Le renforcement du marché unique européen, véritable « catalyseur de croissance, de prospérité et de solidarité ». La Présidente a insisté sur la nécessité de supprimer les obstacles internes qui nuisent à la compétitivité des entreprises. Elle a cité l’ancien président de la BCE Mario Draghi, pour qui ces freins sont plus nuisibles que n’importe quel tarif extérieur. Il s’agit notamment de faciliter la vente de produits dans toute l’UE pour les PME, d’alléger les démarches pour les professionnels mobiles, et de simplifier le lancement de services numériques à l’échelle européenne.
Une opportunité politique à saisir
La Présidente von der Leyen a salué le travail du Parlement européen en faveur de l’achèvement du marché unique et estime que le moment est venu d’agir avec audace. Elle a mentionné les rapports Draghi et Letta, qui font l’objet d’un consensus croissant, ainsi que plusieurs propositions en cours, dont l’union de l’épargne et des investissements, les trains de mesures de simplification (« omnibus ») et l’union des compétences. D’autres initiatives sont prévues, comme un 28e régime juridique destiné aux entreprises innovantes.
« Ces réformes se font attendre. Et aujourd’hui, elles sont devenues plus urgentes que jamais. »
Les chiffres avancés par le FMI sont frappants : les barrières internes équivalent à des droits de douane de 45 % dans l’industrie manufacturière et de 110 % dans les services. « Cela ne peut tout simplement pas durer », a tranché la Présidente, annonçant que le Vice-président exécutif Séjourné présentera dès le mois prochain des propositions concrètes et audacieuses pour lever ces freins.
L’Europe n’est pas à l’origine de cet affrontement »
Tout au long de son discours, Ursula von der Leyen a tenu à réaffirmer la volonté de l’Union de défendre ses intérêts, tout en privilégiant une solution négociée. Elle a insisté sur le fait que les déséquilibres dans le commerce mondial — surcapacités, subventions déloyales, violations de la propriété intellectuelle — doivent être traités de manière systémique, et non à coups de droits de douane généralisés.
« Cette confrontation n’est dans l’intérêt de personne », a-t-elle déclaré, rappelant que le commerce transatlantique est presque équilibré et l’un des plus importants au monde. Mais elle a aussi prévenu : si les discussions échouent, l’Europe est prête à riposter, de manière ciblée et stratégique.
Trente ans après Delors, un cap à tenir
Ursula von der Leyen a insisté sur la nécessité de défendre les entreprises européennes face aux tensions commerciales croissantes. Elle a affirmé que la Commission était prête à agir si la situation l’exigeait : « Bien évidemment, si cela s’avère nécessaire, nous protégerons nos intérêts, nos citoyens et nos entreprises. » Elle a également mis en garde contre les effets pervers des droits de douane américains, qui risquent de pénaliser l’industrie des deux côtés de l’Atlantique : « Les usines américaines paieront davantage pour s’approvisionner en composants fabriqués en Europe. Cela se traduira par des pertes d’emplois. » Dans ce contexte, la Présidente a souligné l’importance de renforcer le marché unique pour offrir un environnement plus fluide et compétitif aux entreprises européennes : « Il y a trop d’obstacles qui entravent nos entreprises. Et nous devons faire notre part du travail. » Enfin, elle a rappelé que l’Union dispose d’un pouvoir économique considérable pour défendre ses acteurs industriels : « Nous avons la force de négocier. Nous avons le pouvoir de riposter. »
Dans son plaidoyer pour un marché unique plus intégré et fonctionnel, Ursula von der Leyen a mis en lumière les difficultés spécifiques rencontrées par les petites et moyennes entreprises. Elle a souligné que de nombreux obstacles internes freinent encore leur développement et leur capacité à se déployer à l’échelle européenne : « Il doit être plus facile pour les PME de vendre le même produit dans tous les États membres que de le réétiqueter 27 fois pour respecter les lois nationales. » En dénonçant ces barrières réglementaires, elle a rappelé l’objectif fondateur du marché unique : simplifier l’activité économique, non la complexifier. Elle a également évoqué les répercussions concrètes de cette fragmentation sur la compétitivité des entreprises : « Il doit être plus facile pour les entreprises technologiques de lancer un nouveau service dans toute l’Europe que de devoir gérer 27 procédures différentes. »
En conclusion, la Présidente a replacé son intervention dans une perspective historique. Trente ans après que Jacques Delors a posé les bases du marché unique, il est temps, selon elle, de finaliser ce projet fondamental pour la souveraineté économique de l’Europe. « Dans une économie mondialisée mouvementée, le marché unique constitue notre sphère de sécurité », a-t-elle affirmé, appelant à l’unité et à l’action rapide.
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