Est-ce « le temps du monde fini » qui commence ?

27 avril 2022

Qui mieux que la filière Cognac connaît la valeur du temps, de ce temps long nécessaire à une production de qualité, de cette patience indispensable au travail à la vigne et au chai, de cette aura tout à la fois matérielle et immatérielle, incarnée par la transmission d’eaux-de-vie élevées au long cours par des générations successives, mais aussi de cet héritage de gestes et de savoir-faire ancestraux. Pourtant, du temps long à l’urgence, il n’y a aujourd’hui qu’un pas, aujourd’hui estimé par les experts à moins de trois années. Trois ans pour agir, trois ans pour que les émissions de GES atteignent leur pic avant 2025 et diminuent de près de la moitié à horizon 2030 par rapport à la référence de 2019. Le chronomètre est lancé et l’action se doit d’être « rapide, radicale et le plus souvent immédiate ». Ainsi et si « nous n’héritons pas de la terre de nos parents, [mais que] nous l’empruntons à nos enfants », quel sera le montant de notre dette et comment la contenir aujourd’hui pour que ces derniers puissent, à leur tour, s’inscrire dans cette transmission pluriséculaire ?

Traité de l’injonction à la résilience climatique

Sur toutes les lèvres l’année dernière, la notion de résilience, alors galvaudée dans son usage « covidien », laisse désormais la place – pression sociétale et contexte électoral obligeant – a la nécessité prégnante d’une résilience climatique concertée au niveau mondial, rappelée dans le deuxième volet du sixième rapport d’évaluation du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) publié le 28 février 2022. Plus rapide que prévue, l’évolution du climat annoncée alerte sur un réchauffement climatique pouvant atteindre 2,7 °C à la fin du siècle, pour des conséquences déjà perceptibles aujourd’hui. Réduction de la disponibilité des ressources en eau, dégradation de la qualité de l’air, catastrophes naturelles plus fréquentes et intenses avec des conséquences sur la production alimentaire impactant fortement la disponibilité et les prix des aliments, impacts sur la santé et la mortalité dans toutes les régions du monde, etc., sont autant d’effets irrémédiables auxquels le monde a, et aura, à faire face.

S’il est urgent d’agir pour maintenir la hausse de la température planétaire à un pic de + 1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle, le GIEC dénonce aussi un « manque de volonté politique », par ailleurs pointé par le secrétaire général de l’ONU António Guterres, agacé par « certains gouvernements et responsables d’entreprises [qui] disent une chose et en font une autre ».

« Perdre du temps, c’est périr ». Transition énergétique pour réduire les émissions de CO2, renforcement de l’agro-écologie et meilleure gestion de la ressource en eau, préservation des milieux naturels ne doivent plus être annoncés mais alors mis en action dès aujourd’hui. Le troisième volet du sixième rapport d’évaluation du GIEC, imminent, proposera des solutions à mettre en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais quid ensuite de leur déploiement par les Etats ?

De l’injonction de résilience à une présomption tronquée de cette dernière

Pierre Sabatier, économiste prospectiviste et conférencier de dimension internationale de son état, sonnait récemment une autre alerte, économique cette fois-ci, mettant en garde sur la surestimation par la Banque centrale européenne de la résilience de nos économies. Tentant aujourd’hui de lutter contre une inflation évaluée par l’INSEE, en mars 2022, à + 4,5 % sur un an sur le territoire hexagonal, cette dernière devrait davantage pour l’économiste orienter son action vers le financement des déficits publics européens.

« Nos économies sont extrêmement sensibles au niveau des taux d’intérêt. Le stock de dettes accumulées, privées et publiques, est colossal. Alors que les ménages se sont désendettés dans la plupart des pays, les Français ont continué à s’endetter. Au regard des remontées des taux en Europe, nous ne sommes pas loin du krach obligataire. Les risques d’entraînement négatifs sont très grands pour les secteurs de la construction et de l’immobilier qui ont boosté le rebond de nos économies depuis la crise sanitaire grâce à des conditions de financement extrêmement favorables.

L’inflation est plus endogène aux Etats-Unis. En Europe, elle n’est pas le fruit du dynamisme de notre économie, elle est importée du fait du confinement en Chine et de la guerre en Ukraine. La balance commerciale américaine n’a jamais été aussi déficitaire.

Le déficit public est très important (5 %). L’épargne des Américains est insuffisante pour autofinancer les investissements. Si la FED (NDLR : Réserve fédérale des Etats-Unis) ne finance plus, les Etats-Unis devront siphonner l’épargne internationale au détriment des actifs européens. Quand les taux montent, les niveaux de valorisation des marchés sont moins soutenables.

On est à un moment de basculement sur les marchés financiers au global avec une contagion à l’ensemble des marchés actions, obligations et immobiliers, et en interne où les Etats-Unis vont tirer leur épingle du jeu au détriment de l’Europe et l’obligataire va assécher les marchés actions et immobiliers. »

Crise sanitaire, crise géopolitique, crise climatique, crise économique, les eaux passées ne font plus tourner le moulin, posant alors la question des efforts et changements à entreprendre pour prendre le contrepied de cette vulnérabilité liée à nos économies et sociétés mondialisées.

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