Une démarche d’anticipation

26 février 2009

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Alain Gervais : « Avec l’EPI, on leur demande de se projeter trois ans en avance ».

Se projeter dans l’avenir pour savoir si son projet « passe ou ne passe pas » ! Dans le cadre de l’installation aidée, c’est l’un des objectifs de l’EPI ou étude prévisionnelle d’installation. Un stage – d’un format différent selon les départements – précède toujours la rédaction du document prévisionnel, histoire d’amorcer la réflexion et de mettre les points sur l’EPI.

 

 

Lors de cette promotion, ils s’appelaient Julien, Olivier, Eric, Yannick, Vincent, Nicolas, Florent… Onze garçons d’une moyenne d’âge de 25-27 ans – très exceptionnellement il n’y avait pas de filles – à participer au SPI (stage préparatoire à l’installation) qui précède obligatoirement la rédaction de l’EPI (étude prévisionnelle à l’installation). Cela se passait au CFPPA de Saintes début septembre, sous l’égide de la Chambre d’agriculture 17 et de l’ADASEA, avec le concours d’autres OPA. En Charente, on ne parle pas de SPI mais de stage 64 heures, par référence à sa durée. En fait le stage obligatoire – tel que prévu dans les textes – n’est que de 40 heures mais beaucoup de départements lui octroient un format plus long. Une façon de s’assurer que le jeune a bien pris conscience de tous les éléments qui participent à son environnement technique, économique, réglementaire, juridique, fiscal… En Charente-Maritime, le SPI court sur 9 jours répartis sur deux mois. Sont organisés tout au long de l’année quatre à cinq stages de la sorte – en janvier-février, mars-avril, mai-juin, septembre-octobre, novembre-décembre – pour coller à la date d’installation souhaitée par le jeune et donc au passage en CDOA. Car, pour pouvoir prétendre aux aides à l’installation, le J.A doit soumettre son EPI à la commission départementale d’orientation agricole (CDOA), pour validation. En ce sens, l’EPI se présente sous une double casquette : en tant qu’étude économique, elle permet de bien préciser le projet professionnel, voire le projet de vie tout court ; mais il s’agit aussi d’un document administratif servant de sésame aux aides à l’installation. C’est pour cela que la réalisation finale de l’EPI relève de la seule compétence de l’ADASEA, reconnue comme organisme pré-instructeur sous la responsabilité de la DDAF.

« un moment fort »

Alain Gervais a la rondeur et l’aménité « d’un bon père de famille ». C’est lui qui, à la Chambre d’agriculture 17, est le grand ordonnateur des stages préparatoires à l’installation. Depuis des lustres, il organise le calendrier et anime les sessions, en association avec d’autres intervenants. Conseiller d’entreprise, son domaine de compétence est celui des chiffres. Au sujet de la phase préparatoire à l’installation, Il parle d’un moment fort, riche d’échanges. « Les candidats à l’installation y arrivent avec la fougue de la jeunesse. Ils ont envie de mordre dedans. Ils croient à leur futur métier, à leur avenir. C’est intéressant, même passionnant, de les voir creuser leur projet. Avec l’EPI, on leur demande de se projeter trois ans en avant. Il y a des projets qui passent économiquement et d’autres qui ne passent pas ; certains sont jouables, d’autres pas. Statistiquement parlant, on estime que 80 % des dossiers vont au bout mais que 20 % n’aboutissent pas. Cependant, quel que soit le résultat, cette période n’est jamais du temps perdu. Elle permet aux jeunes de se confronter à la réalité et, pour certains, de revenir avec un projet mûri. » A. Gervais insiste sur le phénomène de groupe qui se crée. Un stage compte en moyenne 2/3 de Bac pro, 1/3 de BTS et quelques ingénieurs. « Naturellement, les approches diffèrent au départ. Les BTS et ingénieurs arrivent avec un projet en général bien calé au niveau des chiffres mais ils rêvent souvent un peu. Les Bacs pro ou ceux qui ont une expérience de salarié leur apportent beaucoup au plan technique. Ils savent de quoi ils causent. Les plus costauds aident les autres, dans tous les domaines. » Et les filles ! La plupart du temps, il y en a une ou deux par stage. « Elles réussissent largement aussi bien que les garçons. Elles savent ce qu’elles veulent. Et puis elles développent d’autres aspects comme la famille ou les enfants. Au projet professionnel s’ajoute le projet de couple ou de vie. C’est comme les relations entre associés. Il vaut mieux en discuter avant. Il y a dix ans, on se bornait aux aspects juridiques et fiscaux sans se préoccuper des aspects humains. C’était une grossière erreur. »

A travers le SPI ou le sage 64 heures, que cherche-t-on ? A ce que les jeunes se projettent dans l’avenir en mesurant la viabilité de leurs projets. Souvent, le stage préparatoire à l’installation permet de sortir un « premier jus » de l’EPI. Ensuite, ce travail préliminaire sera repris par les conseillers d’entreprise de l’ADASEA. Avec le candidat à l’installation, ils le peaufineront et le finaliseront pour le présenter en CDOA.

Une collecte d’information – Au départ de l’étude prévisionnelle d’installation, il y a un gros travail de collecte d’informations. Ces informations concernent tant l’exploitation (surface, nature des productions…) que les circonstances dans lesquelles joue l’installation (reprise d’exploitation familiale, reprise à un tiers, achat de terres, retraite…). Afin d’apprécier les conditions de l’installation, l’EPI fait le descriptif de l’exploitation au moment de la reprise (main-d’œuvre, état des terres, des bâtiments, du cheptel, du matériel…). L’EPI précise également les références de production de l’exploitation, les charges de structure, les droits à primes et à paiement unique. Dans la mesure du possible, est également jointe à l’étude prévisionnelle la comptabilité des trois derniers exercices comptables de l’exploitation (individuelle ou sociétaire).

Des chiffres clés
– Qu’est-ce qui reste pour vivre une fois que l’on a tout payé ! C’est l’objectif de l’EPI que d’apprécier la réalité économique de l’exploitation en période de croisière, à la fois pour justifier l’octroi des aides à l’installation (décrochage d’un revenu minimum) mais aussi pour s’assurer de la pertinence du projet. Inutile d’entraîner un jeune « dans le mur ». Pour ce faire, l’étude s’attache à dégager une dizaine de chiffres clés. En tête arrive l’EBE ou excédent brut d’exploitation. L’EBE informe à la fois sur le revenu disponible (les prélèvements privés) et sur la capacité de remboursement des emprunts privés et fonciers. En l’espèce, il s’agit d’un ratio incontournable. Mais encore faut-il qu’il soit nourri de vrais chiffres et non de chiffres « bidons ». Certains candidats à l’installation l’avouent carrément : « Je monte le dossier pour les aides. » L’ADASEA n’apprécie pas outre mesure ce genre de réflexion. « Vous n’êtes pas là pour venir chercher des aides mais pour bâtir un projet. » Et de rassurer les candidats à l’installation aidée : « On s’aperçoit qu’en utilisant les chiffres les plus proches de la réalité, 90 % des dossiers tombent dans la fourchette réglementaire. »

La fourniture de pièces – Devis de matériel, factures pro format, conventions de mise à disposition, promesse de location signée du bailleur, promesse d’achat notariée avec ventilation des terres et des plantations, copies de statuts de société, procès-verbal d’AG d’associés, acte de vente de parts sociales… Que ce soit dans le cadre individuel ou sociétaire, la fourniture de ces pièces s’avère indispensable au montage du dossier d’installation. Les conventions de mise à disposition par exemple sont les seuls documents que le FEOGA reconnaisse pour le contrôle de l’attribution des aides. Un relevé parcellaire établit par la MSA ne saurait suffire. Autre exemple : c’est à partir de l’acte de vente de parts sociales au J.A que la banque procédera à l’établissement des prêts MTS-installation. Une lourde besogne de collecte des documents attend donc le jeune : rendez-vous avec le notaire, le comptable, le juriste… Ne pas attendre la dernière minute pour s’y coller. Souvent, si le dossier d’installation accuse du retard, c’est parce qu’il manque des pièces.

L’aval de la banque
– Dans les faits, le financement du projet par l’organisme de crédit conditionne la réalisation de l’installation. S’installer sans emprunts ! Mission impossible pour l’immense majorité des candidats à l’installation. Qui plus est, l’installation aidée rime avec DJA et MTS installation. Ainsi l’aval de la banque apparaît-il comme indispensable pour s’installer et son refus rédhibitoire. Quand contacter l’organisme de prêts ? Avant ou après la réalisation de l’EPI ? La banque aurait parfois tendance à « botter en touche », préférant renvoyer sa décision à l’obtention de l’EPI. « Faites votre EPI et l’on verra après. » Sauf que les conseillers d’entreprise ne sont pas forcément d’accord avec cette approche. « La banque est là pour vous écouter. C’est un partenaire avec qui vous avez des choses à discuter : les taux de prêts non bonifiés, les garanties, les durées… Vous avez même la possibilité d’ en voir plusieurs. » Au jeune donc de « tanner » sa banque, surtout s’il est pressé de s’installer, ce qui est fréquemment le cas.

Le rôle des organismes comptables – Ils ne peuvent d’aucune façon se substituer à l’ADASEA pour rédiger l’EPI (caractère de document administratif). Par contre, dès lors qu’une installation a pour base une reprise familiale (85 à 90 % des cas), les organismes comptables et de gestion sont forcément au courant assez tôt des projets d’installation, ne serait-ce que pour fournir la comptabilité existante. Ils interviennent régulièrement sur l’anticipation du projet et peuvent même être amenés à réaliser des études spécifiques à la demande de leurs clients.

L’instruction du dossier de demande d’aide à l’installation – Entre la fin du stage préparatoire à l’installation (SPI) et le passage en CDOA, il ne doit pas s’écouler plus d’un an, de date à date. En principe, ce délai suffit amplement à boucler le dossier de demande d’aide à l’installation. Si l’EPI constitue une pièce maîtresse du dossier, ce n’est pas la seule. Y figure un certain nombre d’autres documents comme les justificatifs d’état civil, de capacité professionnelle, les attestations de stage 6 mois, de stage 40 heures, les statuts de société, estimation DPU, baux, RIB, les devis estimatifs détaillés des travaux, des matériels, l’imprimé du plan de financement en cas de demande de prêts MTS/JA, la signature d’engagements comme celui de tenir une comptabilité de gestion pendant 10 ans, de se mettre aux normes dans les 5 ans, d’informer l’Administration de tous changements… Après avoir été déposé auprès de l’organisme pré-instructeur, l’ADASEA, le dossier, établi en cinq exemplaires, est transmis à la DDAF du siège d’exploitation qui lui attribue un numéro d’enregistrement. La DDAF effectue un contrôle administratif et valide le rapport d’instruction. Le dossier transite alors à la CDOA, qui se prononce au regard de l’EPI. En cas d’ajournement par la CDOA, possibilité de communiquer de nouvelles informations dans les délais impartis. Le préfet se prononce ensuite, sachant que c’est lui qui décide en dernier ressort et que l’avis de la CDOA ne le lie pas. En cas d’avis favorable du préfet, la décision est notifiée à l’intéressé (imprimé RJA). Elle déclenche la recevabilité du dossier à l’installation. La DJA sera versée dans un délai de 3 mois et le jeune pourra contacter sa banque pour une demande d’autorisation de financement.

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