Pendant presque trente ans, Jean-Michel Jobit a dirigé l’agence de desgign-packaging Linéa, une référence dans le monde des vins & spiritueux. En 2005, il a souhaité tourner la page. Aujourd’hui, il explore la sculpture et la céramique. Une démarche personnelle qui lui communique l’envie de revenir vers le design mais d’une autre façon, plus émotionnelle. Retour sur un parcours exceptionnel et une entreprise, Linéa, qui a essaimé au travers de nombreuses agences.
Pouvez-vous nous retracer l’histoire de Linéa ?
J’ai créé l’agence en 1979. A l’époque, il n’y avait qu’une seule agence dans la région, celle de Jean Mardikian, Communication 22. Mais elle était plus versée dans le domaine de l’édition, pour les chambres consulaires, la ville d’Angoulême… Elle faisait très peu de packaging. Surtout, elle tirait l’essentiel de son chiffre d’affaires d’un gratuit, le Charentais Annonces. Sinon, c’était le désert. La seule structure de création existante était liée à une imprimerie, Litho-Bru. L’entreprise avait mis sur pied un département de création intégrée, à peu près le seul capable d’apporter aux industriels locaux une réponse cohérente en terme de création packaging. Quand je suis revenu en Charente en 1975, j’ai pris un statut d’indépendant et j’ai été embauché, très vite, par Litho-Bru. J’y ai appris beaucoup de choses, tant au plan technique que sur la culture produits vins & spiritueux. C’est un métier à codes, comme il existe les codes de la parfumerie ou ceux des cosmétiques. Dans ces domaines, on ne s’instaure pas de but en blanc designer. Il faut comprendre les marchés, se familiariser aux techniques de fabrication verrières, cartonnières, impression sur verre…Cela demande un certain investissement. Pourtant, au bout de quelque temps, j’ai commencé à tourner en rond. L’imprimerie, c’est aussi une usine. On y réfléchit davantage en terme de rotation de cylindres que de communication pure. J’ai alors occupé un poste d’enseignant à l’Ecole des beaux-arts d’Angoulême, devenue depuis l’Ecole de l’image. J’y suis resté pendant sept ans. Parallèlement, j’ai créé Linéa, en 1979.
Le succès fut-il tout de suite au rendez-vous ?
En effet. Même s’il existait – déjà – chez les clients un certain snobisme provincial à faire travailler les agences parisiennes, nous avions quand même cette capacité de réponse rapide. Nous connaissions bien le marché et surtout nous avons développé, très vite, un service de prototypage. Au lieu de présenter au client une maquette peinte à la gouache, nous pouvions lui montrer un produit existant, alors même qu’il n’existait pas, avec la possibilité de développer des mini-séries. L’agence s’est révélée assez vite très rentable ; avec des taux de progression de 20 % l’an. Alors que nous avions démarré tout petit, à deux ou trois, les effectifs gonflèrent rapidement à 20, 25, 30. Quand j’ai quitté Linéa en 2005, l’agence comptait près de 40 salariés.
Comment avez-vous alimenté ce vivier ?
Je n’ai pas eu de mal. J’ai tout simplement recruté mes élèves des Beaux-Arts, les Philippe Seys, Jean-François Bonnet, Cyrille Bartolini, Sylvie Chamouleau… Les salaires progressaient rapidement et la promotion interne fonctionnait à plein : maquettiste, assistant de directeur artistique, directeur artistique. Sauf que, dans une agence, les échelons ne sont pas extensibles à l’infini. A un moment les salaires et les postes plafonnèrent et les anciens se sentirent un peu à l’étroit. Ils prirent leur indépendance et créèrent leurs propres structures, Deadalus avec Cyrille Bartolini, V.O. avec Philippe Seys et Jean-François Bonnet, Symbol Pack avec Sylvie Chamouleau… Au départ, cela ne fait pas plaisir mais, avec le temps, je l’ai tout à fait compris J’aurais fait la même chose à leur place. Un turn over normal s’est instauré.
L’arrivée de l’informatique a dû constituer un tournant ?
Quand j’ai commencé, tout était « manuel de chez manuel ». L’informatique graphique, autrement dit l’infographie, existait déjà mais la chaîne graphique en était encore à ses balbutiements. Les sorties papier étaient inutilisables ou presque, tant les images s’avéraient pixelisées, de mauvaise définition. On ne retrouvait pas la sensibilité de la main. Le progrès est venu de la connexion entre Apple et des flasheuses de photocomposition qui permirent des sorties de films en haute définition, à 600 ou 800 dpi. En Charente et même dans le Sud-Ouest, Liéna était pratiquement la seule agence à être dotée de ce type d’équipement. La société Linotronic nous confiait du matériel pour le tester. Bien sûr, il fallu apprendre à se servir de l’informatique. L’informatique présentait un effet pervers, celui de mettre à disposition de tous les mêmes outils, les mêmes logiciels, les mêmes polices de caractères, même si le choix s’élargissait. L’informatique induisait une certaine forme de standardisation. Elle délivrait une réponse un peu réductrice au problème. Par contre elle présentait un énorme avantage, celui de libérer le designer du poids de l’exécution. Il devenait possible de se consacrer davantage au fond qu’à la forme. Prenons l’exemple d’une petite collerette de Cognac VS de chez Hennessy. Elle comportait deux voire trois filets dorés et rouges. Les deux filets parallèles mesuraient chacun 0,2 ou 0,4 mm. Pour les dessiner, vous y passiez la journée. Avec l’informatique, c’était fait en dix secondes. Vous pouviez consacrer votre matière grise à autre chose, à la recherche d’idées. De toute façon, l’affaire est close depuis longtemps. Ceux qui ne sont pas passés à l’informatique à la fin des années 80 ont disparu aujourd’hui.
Le marché évoluait aussi.
En effet. A la même époque, le marché a beaucoup bougé. Nous avons assisté à une explosion des marques, à une concurrence exacerbée entre les maisons et les catégories de spiritueux. Le savoir-faire et la reconnaissance du designer ne se basaient plus uniquement sur la technologie, sur sa capacité à maîtriser les techniques de fabrication verrière, l’impression… On jugeait de sa capacité à dynamiser le produit sur les marchés, à offrir quelque chose de nouveau, tout en confortant les codes de la marque. Le designer devenait celui qui suggérait, proposait, apportait un élan nouveau. Le packaging se faisait plus conceptuel. Il se rapprochait du marketing.
Aujourd’hui, comment définiriez-vous le métier de designer ?
Je dirais que c’est un métier de concepteur, qui fait essentiellement appel aux neurones. Il s’agit de comprendre les marchés, de saisir la demande du client et ensuite d’apporter un produit qui a du sens, de la cohérence. Et ça, c’est ce qui manque le plus. Indiscutablement, c’est ce qu’il y a de plus rare. Chaque designer possède un niveau de talent qui lui est propre. Mais ceux qui sont capables d’apporter des idées nouvelles se comptent sur les doigts de la main, au niveau mondial.
A ce point !
Un produit peut être bien reçu par le marché mais il ne sera pas mémorisable, mémorisé. Ce sera une bonne réponse tactique mais pas une réponse conceptuelle, capable de créer une histoire, de conférer une âme au produit.
Cette réponse conceptuelle, aujourd’hui, est-elle du seul fait de l’agence de design ?
Non, ça se segmente de plus en plus. La compréhension du marché génère toute une série de sociétés, entre le marketing et la communication, cabinet d’études, d’analyses, de conseils… Ces structures interviennent en complémentarité, en prolongement ou en symbiose avec les agences de design, dont la spécialité reste tout de même la mise en forme, l’incarnation du concept.
Quelles sont vos plus belles réalisations, celles dont vous êtes le plus fier, qui connaissent la plus grande notoriété.
Fierté et notoriété ne vont pas toujours de pair. Il y a des produits bluffant en terme de succès que je ne trouve pas « bluffant » en terme de création. A mon sens, de tels produits sont rares, très rares. Quant à répondre à votre question, ce n’est pas facile, tellement le champ d’expression du design-packaging est large. L’exercice sera très différent, selon que vous retouchiez le VS d’une grande marque, qui assure peut-être 20 ou 30 % de son chiffre d’affaires ; que vous créiez un produit très tactique de cette même marque ; ou que vous travailliez pour un outsider, une entreprise qui, partie de rien, a besoin de conquérir le marché, sans en avoir forcément les moyens financiers.
Dans le premier cas, vous ferez évoluer le produit ou la gamme à dose homéopathique, en faisant très attention à ce que le produit ne perde pas ses racines. Car vous savez, un consommateur, c’est très fragile. Modifiez l’étiquette et il trouvera que le goût a changé. L’un des derniers dossiers dont je me suis occupé à Linéa fut de refaire l’XO d’une grande marque. Honnêtement, ça m’a tué ! Le travail s’est étiré sur deux ou trois ans. Nous sommes partis d’assez loin pour revenir pratiquement à la case départ. Entre-temps, une phase de tests a eu lieu, quantitatifs et qualitatifs. Savez-vous comme cela se passe ? Vous prenez dix personnes de couches dites « socio-professionnelles représentatives ». Vous les enfermez dans une pièce pendant une journée et vous les bombardez de questions, comme pour un interrogatoire de police. Il existe des agences très branchées là-dessus. En général, en ressort un rapport de 50 pages vendu très cher. A mes yeux, ce genre de chose ne présente aucun intérêt car la base reste toujours infinitésimale. Tester un produit pendant six mois sur un marché cible, d’accord, mais pas de cette façon. Ceci dit, je comprends qu’une grande marque souhaite s’entourer d’un luxe de précautions. Une grande marque, c’est une énorme armée qui avance, une machine de guerre colossale qui, comme toute grosse machine de guerre, n’est guère malléable.
Vous disiez que les grandes marques, à côté de leurs produits phares, développent des produits « spots », tactiques. A quoi répondent-ils et sont-ils sources de créativité ?
Ce sont des produits conçus pour répondre à une demande très ciblée, très précise, très segmentée. Vous ne concevrez pas le même packaging, selon que le produit s’adresse au marché de Honk-Kong, à celui du Duty free, au monde de la nuit, aux fans de Harley-Davidson, au marché gay américain ou au milieu du rap. En terme de créativité, je dirais que n’importe quel designer peut sortir des produits tactiques, des produits « fun », à condition de s’appuyer sur une bonne documentation. On n’attend pas forcément de ces produits qu’ils expriment du « sens ». Il s’agit davantage de produits d’opportunité, de circonstance.
Vos plus belles aventures de créateurs, vous les avez donc vécues chez les outsiders ?
Je ne dirais pas ça. La mise au point de l’Extra chez Rémy Martin, le travail sur le Paradis ou le Richard d’Hennessy constituent des moments d’exception dans la vie d’un designer. Pour l’Extra de Rémy Martin, nous nous sommes inspirés d’un miroir égyptien, en revisitant l’XO de la marque mais en l’abrasant, en lui retirant ses picos pour lui donner une dimension plus majestueuse. Pour un designer, travailler la « pâte » verrière, réinterpréter des formes déjà existantes constituent une plongée dans le métier, une sorte d’ascèse parfois très créative. Mais c’est vrai que la collaboration avec des outsiders permet d’explorer de nouveaux territoires. Je vous donnerais deux exemples, la carafe Kelt et la carafe Chabasse XO. Dans l’un et l’autre cas, ce furent pour moi des rencontres humaines doublées d’un vrai processus de création. Le Cognac Kelt est un Cognac de connaisseurs commercialisé par une entreprise suédoise dont les bureaux sont à Nogaro, dans le Gers. Ce Cognac vendu uniquement à l’exportation a investi la thématique du voyage, de la bonification des eaux-de-vie par les roulis de la mer, le mouvement des vagues. Pour Olev et Christopher Kelt, nous avons conçu une carafe totalement « Capitaine Haddock », associée à l’univers marin. Elle raconte une histoire de mer et d’hommes, une histoire totalement différente de celle de Chabasse, installé à Saint-Jean-d’Angély. Pour ce Cognac de propriétaire, qui revendique une filiation longue, nous avons imaginé une carafe très « show off », dotée d’un énorme facing. Les formes très pures, très généreuses, s’inspirent de la voûte romane. C’est un produit qui est copié mais qui ne copie personne. La carafe a vingt ans. Je pense qu’elle tient encore la route.
C’est Linéa qui a conçu la bouteille Hypnotic de la distillerie Merlet.
Dans ce cas, le concept s’appuyait sur la recherche d’un code différenciant, en l’occurrence la couleur bleue. Qu’avons-nous entendu ! Que le produit évoquait un liquide vaisselle. Il a fallu tenir.
Le produit a été couronné de succès.
Oui mais c’est l’exception qui confirme la règle. Peut-être 5 % des produits rencontrent le succès et encore. Qui plus est, le succès d’un produit ne repose pas uniquement sur le packaging. J’en suis parfaitement conscient. Il y faut la mobilisation des forces de ventes, une logistique de distribution imparable. Et malgré tout, il y a énormément d’échecs.
Les designers, les classeriez-vous plutôt dans le camp des artistes ou dans celui des artisans ?
Ils se retrouvent un peu des deux côtés. La mobilisation de l’intellect est différente pour une création « ex nihilo » et la refonte de la petite contre-étiquette de la marque sur le marché uruguayen. Pour ne pouvez pas vous réserver que la crème. Ce ne se fait pas. Ce n’est pas poli. Les productions alimentaires existent aussi. J’ai également appris à mes dépens qu’un designer ne devait ni être en avance ni être en retard sur son temps. Dans les deux cas, il a tort.
Si vous deviez dresser la cartographie des agences de design spécialisées dans les vins & spiritueux, où situeriez-vous les meilleures agences aujourd’hui ?
Tout d’abord, il faut bien comprendre que le marché est mondial. Communiquer avec quelqu’un à l’autre bout du monde est aussi facile que d’échanger avec son voisin de bureau. Malgré tout, les agences spécialisées dans les vins & spiritueux ne sont pas légion car les univers ne sont pas interchangeables. La culture produit est très importante dans nos métiers. Il y a pas mal de bonnes agences à Paris, à Londres… et dans la région de Cognac-Angoulême. Bizarrement, nous assistons à une certaine concentration dans notre région. L’équivalent n’existe pas à Bordeaux.
Les pays du nouveau monde , Etats-Unis, Australie… – possèdent-ils de bonnes agences ?
Dans les vins et spiritueux, deux cordes sensibles sont à l’œuvre : la sophistication, le raffinement de l’Occident ancien et la capacité à innover. Si nous ne sommes pas les seuls à être capables d’innover, il n’y a que la vieille Europe pour avoir cette aptitude fine au « bon goût occidental ». Les agences américaines sont très douées, très fortes mais pas tellement réceptives à des produits comme les nôtres. Les Bourbons américains affichent pas mal de retard, y compris par rapport aux Whiskies, dont le packaging est beaucoup plus fin, plus dynamique. Les Bourbons ressemblent aux Cognacs d’il y a 20 ans.
Si certaines agences locales sont en mesure de rivaliser avec des agences extra-régionales, pourquoi aller chercher des compétences ailleurs ?
L’explication est parfois un peu triviale mais lorsqu’un cadre d’une société de province vit dans un bocal avec dix collaborateurs toute la semaine, il peut avoir envie de s’échapper 48 heures ou 72 heures à Paris, Londres ou New York, tous frais payés, avec du temps pour le shopping.
En 2005, vous avez décidé de vendre votre agence. Pourquoi ?
Sans doute une certaine lassitude s’était-elle installée, un sentiment d’usure aussi. Le métier de designer n’est pas fait que de création, surtout quand il se double de celui de chef d’entreprise. Il y a aussi les discussions avec son banquier, les fins de mois difficiles, les contrôles fiscaux. Je ne dirais pas que je me suis trompé mais, si c’était à refaire, j’envisagerais sans doute les choses différemment, de façon plus prudente et sur un format plus ramassé. J’ai aussi vécu quelques échecs comme celui de Wood box, qui ma coûté très cher même si je ne regrette rien. Ce fut une très belle aventure de création. Et puis, un designer donne beaucoup de sa personne. Il travaille avec ses tripes, doit trouver l’énergie nécessaire pour porter l’objet, de sa phase de création à sa phase de réalisation. Défendre pied à pied un projet nécessite un grand souffle, une grande capacité de conviction. J’avais de plus en plus de mal à les trouver. Je souhaitais tourner la page, passer à autre chose.
Qu’avez-vous fait ?
J’ai quitté la France pendant cinq ans. Je me suis installé au Maroc, à Marrakech où j’ai acquis successivement deux riads mitoyens que j’ai aménagés, décorés, transformés en structures hôtelières. Une fois les travaux terminés, je me suis aperçu que l’exploitation hôtelière m’intéressait assez peu. J’ai revendu les deux riads à un de mes clients. La structure marche très bien. Je suis revenu ici, à Malaville, dans ma maison natale. La campagne est jolie l’été mais triste à mourir l’hiver. Je me suis souvenu que durant mes années d’étudiant, j’aimais bien la sculpture. J’ai fait pas mal de stages de céramique. J’ai alors rencontré des personnes qui fonctionnaient avec des logiques différentes, hors des valeurs marchandes et du marketing, hors du « fric » à tout prix. Cela m’a ouvert à d’autres horizons. Depuis trois ans, je pratique la sculpture et la céramique mais pas du tout dans le sens de vouloir exposer. C’est un chemin personnel. D’ailleurs, je ne produis pas beaucoup. C’est une façon de penser différente, une manière d’aborder la forme totalement renouvelée. La logique verrière, qui découle du process technique, repose sur une descente du verre. La matière en fusion part du haut vers le bas. La masse verrière s’accumule dans le pied. Pour le designer, tout l’enjeu va consister à libérer le flacon de cette masse verrière, à la ramener sur les flancs. Avec la céramique, nous sommes dans une tout autre logique. Partant d’une base, la glaise, la forme va s’ériger de bas en haut. Quant à la sculpture, elle va consister à ramener des éléments sur une âme centrale. Cette expérience de la sculpture et de la céramique a changé mon regard, m’a donné l’envie de revenir vers la fabrication verrière pour tester de nouvelles idées, même si tout n’est pas transposable. Mais si je fais ce parcours, ce sera de manière beaucoup plus émotionnelle. Nous, les designers spécialisés dans les formes verrières pour les vins & spiritueux, nous nous sommes sans doute laissés trop enfermer dans des logiques de fabrication, avec la connivence d’industriels qui, certes, accompagnaient le processus de création mas un peu à reculons, en traînant les pieds. Les créateurs de parfum se sont montrés beaucoup plus libres que nous.
Allez-vous renouer avec vos anciennes activités ?
Par capillarité, j’ai été approché par certains de mes clients qui m’ont dit ne pas retrouver exactement ailleurs ce qu’ils souhaitaient. D’une certaine façon, cela fait plaisir. Mais si je retravaille, ce sera à ma main, quand j’en ai envie et comme j’en ai envie. Plus question de refaire un XO de grande marque (rires).
Bio
Jean-Michel Jobit a 62 ans. Parfois décrit comme « le pape du design » en Charente, sa renommée a dépassé les frontières régionales. Il est connu et reconnu au niveau national et international dans le domaine qui est le sien, le design-packaging associé aux spiritueux.
Issu d’une famille de viticulteurs de Malaville, commune de Grande Champagne dans le canton de Châteauneuf, sa voie était « toute tracée » : reprendre l’exploitation familiale. Ce que firent ses amis du cru. Mais, dit-il, « je n’ai jamais eu le coup de foudre ni pour la culture de la vigne ni pour la fabrication du Cognac ». Très jeune, il se dirige de façon très déterminée vers les métiers d’art. Il suivra les cours d’une école d’art graphique très cotée dans son domaine, l’Atelier Dinan à Paris. Après avoir travaillé quelques années en agence dans la capitale, J.-M. Jobit revient en Charente en 1975. Il fondera l’agence Linéa en 1979. En 2005, il la revendra au groupe Sparflex, basé en Champagne, spécialisé au départ dans les muselets et les étiquettes de luxe. Implanté dans plusieurs pays, Sparflex possède aussi l’imprimerie Litho-Bru.
Design-packaging – La pépinière charentaise
Pourquoi la Charente apparaît-elle comme une terre d’élection pour les agences de design-packaging ? A la source, il y a l’industrie papetière d’Angoulême et de sa région et puis les maisons de Cognac, qui favorisèrent le développement des agences.
Pas de hasard, pas de lézard… Que des compétences, des savoir-faire s’agrègent davantage ici qu’ailleurs s’expliquent toujours par un faisceau de raisons. En matière de design-packaging, l’industrie papetière angoumoisine a sans doute joué le rôle de déclencheur, d’élément distinctif. Comme elle a ouvert la voie à toute la culture multimédia, à la bande dessinée, à l’animation, aux jeux vidéos. Mais le design-packaging n’aurait sans doute jamais existé à ce niveau si le Cognac n’avait servi d’incubateur. Les agences de design graphique et de design volume – les deux grands volets du design – ont profité du courant porteur de la « Spirit valley ». Les LinÉa, Daedalus, Oze Design, V.O. et autres agences de création ont croisé leur inventivité et leurs talents à celles des marques de spiritueux. Il ne faut pas non plus oublier ces graphistes-designers – souvent des femmes – qui travaillent seules, certains diront en « free-lance » : Véronique Landreaud (Studio Création) à Moulidars, Sylvie Chamouleau (Symbol Pack) à La Couronne, Alexandra Chassant à Jarnac (agence Coccinus). Ils sont rejoints aujourd’hui par de « petits nouveaux » comme Beezart communication basé à Haimps, près de Matha. L’agence, quand même installée depuis 2001, commence à proposer du « pack spiritueux » ; ou D. liss Design, créée en 2008 à Cherves-Richemont par deux jeunes femmes, Amélie Roy et Audrey Panouillet. Si l’une s’est installée depuis à Nantes et l’autre sur le bassin d’Arcachon, elles gardent le contact avec leurs clients viticulteurs et petits négociants. Merci l’informatique. Carpe Diem, à Saintes, s’intéresse aussi un peu au pack mais c’est surtout une agence versée dans la communication et le graphisme : conception d’affiches, de documents publicitaires… Ceci dit, la frontière est assez poreuse entre les uns et les autres. Toutes les agences, y compris celles spécialisées dans le pack, font de la communication. Par contre, toutes les agences de communication et de graphisme ne font pas de pack.
Parmi les agences parisiennes qui interviennent régulièrement pour le Cognac, citons l’agence Dragon rouge (L’or de Martell), l’agence BETC Design (Coffret Louis XIII de Rémy Martin pour sa cuvée spéciale Rare cask). A l’évidence, Hennessy travaille aussi pas mal avec des agences parisiennes. Particularité ! La marque sollicite à rythme régulier des artistes comme Jean-Marc Othoniel (« Beauté du siècle »). Si ces collaborations sont clairement conçues pour « vampiriser » la notoriété de l’artiste, elles permettent aussi de sortir des sentiers battus. De toute façon, il s’agit toujours d’opérations ponctuelles, de séries très limitées. Une démarche purement artistique est rarement compatible avec les contraintes industrielles des formes verrières, du passage sur la chaîne de mise en bouteilles. A la croisée des chemins entre création pure et maîtrise du process industriel, les agences de design-packaging retrouvent très vite leur plus-value et leur nécessité.
La formation au design-packaging passe par toute une série d’écoles. Parmi elles, on trouve l’école Estienne, nom commun pour l’Ecole des arts et industries graphiques (ESAIG), le Strate College design à Sèvres, près de Paris, plutôt connu pour la création automobile mais très coté, l’Ecole supérieure d’arts graphiques (atelier Dinand), l’école de design de Nantes…Angoulême possède son école, le CEPE, le Centre européen du packaging et de l’emballage, qui aborde la création graphique même si ce n’est pas son cœur de cible. A Cognac, la Formation supérieure du packaging propose un cursus Bac + 3 à la fois orienté vers l’industrie, le marketing et la communication.
Au sein d’Atlanpack, le portail régional de l’emballage, l’INDP (Institut national du design-packaging) a pour objectif de promouvoir la créativité dans le domaine de l’emballage, notamment à travers l’organisation d’évÉnements, en France et à l’étranger. La structure est animée par Yohan Curtan, conseiller packaging, Sylvie Peillet, chargée de projets et Jean-Christophe Boulard, délégué général.
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