Distillerie de La Tour : Humer la première bonne chauffe

26 décembre 2014

La Rédaction

Le rendez-vous, inauguré l’an dernier, a vocation à se pérenniser. La Distillerie de La Tour, à Pons, invite collègues, amis, partenaires, clients, à découvrir la première bonne chauffe sortie de ses alambics. Pour le millésime 2014, cela se passait le 4 novembre dernier.

 

 

p59b.jpgL’espace d’une soirée, a flotté dans l’air l’idée de confrérie, la confrérie des gens du Cognac. Maîtres de chai, œnologues, courtiers, distillateurs, réunis autour des porte-alcoomètres, plongeant avec gourmandise leurs nez dans les verres. Et ça papotait, et ça échangeait dans un sabir d’eux seuls compris, tout émoustillés de pouvoir parler de leur « fond de sauce », entre initiés. Cela faisait plaisir à voir. Oubliez l’esprit de chapelle. Pendant une heure ou deux, il n’y eut plus que des professionnels heureux de partager un savoir acquis pied à pied, durant des dizaines d’années, des milliers d’heures à humer les efluves du Cognac.

« Entendre ronronner les marmites »

Jean-Michel Naud, propriétaire de la distillerie, a expliqué qu’il avait eu envie de créer un petit événement autour du redémarrage des chaudières. « C’est un réel bonheur d’entendre ronronner les marmites, de sentir les odeurs, de voir se lever les brumes de la Seudre au petit jour. » Il a parlé de l’enjeu de la distillation, remis sur le chantier chaque campagne. « Il faut vite se recaler, reprendre ses marques, adapter les réglages pour extraire le meilleur du millésime. » « Vous faites un métier formidable Messieurs les distillateurs ! » s’est-il exclamé en invitant la soixantaine de personnes présentes à se pencher sur la première bonne chauffe en train de couler. « C’est un pur moment de plaisir. »

À la Distillerie de La Tour, Christophe Bouyer va encore piloter le temps d’une saison les travaux de distillation. Ensuite, il quittera l’entreprise pour reprendre l’exploitation familiale. Il passera alors la main à Sébastien Archambaud. L’ancien directeur du Syndicat du Pineau dit plaisamment de lui-même : « je suis un apprenti ». Et ce n’est pas qu’un « jok ». Son nouveau métier recèle de multiples facettes : relation avec les viticulteurs, réception des vins, supervision de la distillation… Le tuilage de six mois ne sera pas vain.

Différents degrés de coupes

Ce mardi 4 novembre, les premières bonnes chauffes coulent vers 19 heures. Les distillateurs sont sur le qui-vive, légèrement anxieux du résultat. « On se met un peu à nu sur ce genre d’exercice » avouent ensemble Ch. Bouyer et S. Archambaud. « Sortir une première bonne chauffe devant des professionnels, cela met une légère pression en interne. »

Le résultat est plutôt satisfaisant. « C’est agréable, fin, bien plus droit, net et franc que l’an dernier » commente une œnologue. D’ailleurs chacun s’accorde à reconnaître à l’année un joli potentiel aromatique. L’eau-de-vie qui sort des porte-alcoomètres provient du cru Bons Bois. Pour corser l’affaire et donner « du grain à moudre » aux nez charentais, les distillateurs ont coupé la bonne chauffe à différents niveaux : 60 % vol., 59, 58. Il s’agit d’ailleurs d’une tendance du moment : « seconder » légèrement les eaux-de-vie pour en extraire tout le suc, d’où un pianotage vir-
tuose sur le degré de coupe. « Descendre trop bas, c’est obtenir des choses un peu plus lourdes, savonneuses ; couper trop haut et vous aurez des eaux-de-vie dures, un peu trop sèches. C’est terrible combien le degré de coulage peut typer la coupe. » D’où tout l’art du distillateur qui consiste à s’adapter à l’esprit du vin.

Avant l’exercice pratique de la dégustation, Christophe Fort, le maître de chai de la Distillerie de La Tour, avait présenté les premiers résultats de l’analyse des vins et des eaux-de-vie, par microdistillation. Sans qu’il y ait raison de s’inquiéter plus que de raison, il a tout de même insisté sur les conditions de conservation des vins, compte tenu du pH et des températures douces de la fin d’automne.

La soirée s’est terminée par un « dîner du distillateur » pris en commun sur une table nappée de vichy. Menu du jour : charcuterie, blanquette de veau, plateau de fromages et tarte aux pommes. Un superbe cocktail maison avait inauguré les agapes : eau-de-vie nouvelle, gin, citron vert.

L’atelier de distillation de La Tour

La Distillerie de La Tour compte huit alambics charentais de 25 hl vol., plus quatre alambics de 50 hl vol. pour la distillation des brouillis. Par 24 heures, la distillerie « passe » à peu près 42 hl AP, soit environ 7 500 hl AP sur l’ensemble de la campagne. Ce sont les vins des crus Bons Bois, Fins Bois et une partie des Petites Champagnes qui sont transformés sur le site. A un jet de pierre de là, la distillerie Perrier abrite cinq alambics de 25 hl. Elle reçoit les vins en provenance des crus Bois Ordinaires, Petites Champagnes, Grandes Champagnes ainsi que des « retours à l’identique ». La distillerie « sort » 12 hl AP par 24 heures. Sur la campagne, sa production atteint 3 000 hl AP.

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