Des signaux d’apaisement entre Pékin et Paris, mais le Cognac toujours sous pression

2 avril 2025

Nina Couturier

Le déplacement de Jean-Noël Barrot à Pékin les 27 et 28 mars 2025 a suscité l’espoir d’une désescalade dans le conflit commercial entre la France et la Chine. Comme l’évoquait le BNIC dans un récent communiqué de presse, adressé après cette visite, plusieurs signaux d’ouverture ont été exprimés par les autorités chinoises. Cependant et si la relance des groupes de dialogue à haut niveau offre une perspective diplomatique, les mesures provisoires, toujours en vigueur, continuent de peser sur la filière, restreignant fortement l’accès à son deuxième marché. Prochaine étape dans un calendrier qui n’en finit pas de s’étirer : la relance des groupes de dialogue à haut niveau entre les deux pays, soit relance de la relation bilatérale France/Chine appelée de ses vœux depuis bien longtemps par la filière cognac.

Pékin desserre (un peu) l’étau

À l’issue de la visite de Jean-Noël Barrot à Pékin, les autorités chinoises ont envoyé quelques signaux d’apaisement sur le dossier du Cognac.

Premier geste : aucune décision définitive ne sera prise le 5 avril. Un choix interprété comme une volonté de temporiser. L’enquête, ouverte en janvier 2024, devrait se poursuivre jusqu’à l’échéance maximale autorisée par l’OMC, soit le 5 juillet 2025. Ce report, bien que non formalisé à date, ouvre un nouvel espace de discussion à la France en permettant de poursuivre les échanges diplomatiques et d’explorer les voies d’une résolution négociée du différend, bien qu’il ne modifie pas fondamentalement la situation commerciale sur le terrain.

Le second élément évoqué par Pékin concerne les volumes de Cognac actuellement bloqués dans les ports chinois en raison des mesures provisoires mises en œuvre en octobre 2024. La partie chinoise a laissé entendre qu’un écoulement partiel de ces stocks pourrait être envisagé via les circuits duty free, relevant d’un régime distinct. Une mesure encore floue, dont les modalités restent à définir, mais qui pourrait, si elle se concrétise, permettre un déblocage partiel des flux.

La tonalité plus ouverte affichée par les autorités chinoises ne doit pas pour autant faire oublier l’impact du maintien des taxes provisoires qui continue de peser lourdement sur la filière, .avec un impact immédiat et massif : les exportations de Cognac vers la Chine ont chuté de 72 % rien que pour le mois de février 2025 et le marché chinois, deuxième débouché pour le Cognac, reste aujourd’hui difficilement accessible pour les opérateurs français.

 Le Cognac se fait une place dans les discussions de haut niveau à venir entre les deux États

La visite du ministre délégué chargé de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Pékin les 27 et 28 mars, a permis de remettre en marche plusieurs groupes de dialogue bilatéraux dits « à haut niveau ».

Cette annonce a été actée lors de la conférence de presse conjointe du ministre français et de son homologue chinois, tenue à l’issue de la visite. Quatre dialogues de haut niveau ont officiellement été relancés : stratégique, économique, financier, et culturel & humain. Ces canaux, qui réunissent régulièrement hauts responsables et experts des deux pays, ont pour objectif de fluidifier les échanges et d’instaurer un cadre de travail durable entre les administrations. En creux, ils permettent aussi de traiter les différends sensibles — à commencer par le dossier Cognac.

Dans leur déclaration conjointe, la Chine et la France ont exprimé leur volonté commune de faire en sorte que ces dialogues soient « un succès ». Une formule diplomatique témoignant toutefois de l’intérêt partagé d’un maintien de contact structurés et réguliers malgré les tensions.

Pour Paris, cette relance est nécessaire, soulignée à plusieurs reprises par Jean-Noël Barrot durant son déplacement, insistant alors sur la nécessité d’avoir des « échanges réguliers, étroits, et au plus haut niveau ». Un message adressé à Pékin, mais aussi à Bruxelles, alors que la Commission européenne suit de près les mesures chinoises ciblant les produits agroalimentaires européens.

Dans le dossier spécifique des spiritueux, le ministre a tenu à rappeler le soutien de la France à ses producteurs, confrontés depuis octobre à des droits antidumping provisoires et à un blocage quasi total des exportations vers la Chine. « La défense de nos intérêts viticoles n’est pas négociable », a-t-il déclaré devant la presse, évoquant explicitement les filières Cognac et Armagnac.

Une échéance diplomatique : le dialogue du 15 mai

Le prochain moment fort de cette dynamique bilatérale est prévu pour le 15 mai 2025. Un dialogue politique de haut niveau franco-chinois doit se tenir à cette date. Pour le BNIC, «  le dialogue à haut niveau franco-chinois programmé le 15 mai 2025 devra en tout état de cause être consacré à cette avancée et confirmer le déplacement en Chine de notre Premier ministre afin de conclure l’accord attendu pour mettre un terme à cette procédure injuste et infondée.« 

Une ouverture, mais pas encore de sortie de crise

La visite du ministre français à Pékin a permis d’apporter un signal d’apaisement avec le report de la décision sur les droits définitifs, la relance des groupes de dialogue à haut niveau, et l’évocation de solutions logistiques temporaires, mais ne résout en rien le dossier du Cognac. En effet, le maintien des taxes provisoires, l’absence de calendrier clair, et les conséquences économiques déjà très lourdes pour la filière laissent cette dernière dans une situation d’ incertitude.

Le dialogue du 15 mai est donc attendu avec intérêt. D’ici là, les professionnels appellent à maintenir la pression diplomatique et à transformer les signaux d’ouverture en avancées concrètes.

« Nous comprenons qu’au lendemain de cette visite dont nous saluons l’initiative, les discussions se poursuivent à un niveau technique pour préciser la portée des annonces faites et la façon dont elles s’appliqueront. Nous attendons les clarifications qui en résulteront. Il est important que ce début d’ouverture puisse se concrétiser via l’officialisation de la prolongation de l’enquête de trois mois soit jusqu’au 5 juillet 2025. Ce délai additionnel doit être mis à profit pour qu’une solution diplomatique soit trouvée, afin que notre filière soit extraite de ce contentieux économique auquel elle est totalement étrangère et qui est aujourd’hui de nature à la faire basculer dans une crise économique et sociale dévastatrice et historique.« 

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