Interview de Catherine Quéré : Présidente du groupe d’étude Viticulture à l’Assemblée Nationale

29 juillet 2015

A l’Assemblée nationale comme au Sénat, les élus issus des régions viticoles sont largement sollicités pour défendre les intérêts de la profession. Toutes couleurs confondues, ils répondent généralement aux attentes. Ce fut encore le cas récemment au sujet de l’amendement « loi Evin ». Questions à Catherine Quéré, député PS de Charente-Maritime, présidente du groupe d’étude Viticulture au Parlement.

 

 

p33.jpgEn avril dernier, les débats sur le binge drinking – l’alcoolisation excessive des jeunes – ont pu donner des sueurs froides aux acteurs de la filière. Le « statu quo » de la loi Evin allait-il être rompu ?

La ministre de la Santé Marisol Touraine m’avait assurée que rien ne serait fait contre l’alcool, en dehors des articles 4 et 4 additionnel du projet de loi Santé visant le « binge drinking » des adolescents. Le problème est venu du dépôt d’un amendement d’un député, proposant que le message sanitaire « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé » puisse être révisable « en fonction des supports de communication, des produits et des publics ». Allait-on vers la suppression du terme « abus » pour transformer le message sanitaire en « L’alcool est dangereux pour la santé » ? Comme vous pouvez l’imaginer, cet amendement a mis le feu aux poudres. La ministre de la Santé, qui n’était pas demandeuse de cette proposition, a produit un contre-amendement, pour l’annuler. Le statu quo autour de la loi Evin a prévalu. (Interview réalisée le 27 avril 2015 – Actualisation loi Evin pages 6-7-8 – NDLR).

Quelques semaines plus tôt, le 17 février 2015, votre groupe d’étude viticulture au Parlement, associé au groupe d’étude vigne et vin du Sénat, avait organisé avec l’ANEV (Association nationale des élus de la vigne et du vin) un colloque pour s’interposer à toutes velléités de remettre en cause la consommation de vin.

Les élus du vin ont eu la satisfaction de voir que cette réunion avait été largement suivie par les professionnels. Une délégation charentaise y a participé, constituée de représentants du BNIC, de l’UGVC. Quand la loi Evin fut adoptée, en 1991, internet n’existait pas. Depuis, le monde viticole a dû s’adapter aux nouveaux modes de communication, tout en faisant face à des lobbyings puissants, tel celui exercé par l’ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie). De temps en temps, des journalistes produisant des articles généraux sur l’alcool tombent sur le coup de procès. Lors du colloque, une avocate nous a brossé un tableau juridique sur la question. Nous avons décidé de poursuivre le travail avec elle, pour savoir ce qui, en droit, il était possible de faire et de ne pas faire. Quelque part, le flou est toujours plus dangereux que la mise à plat.

Quelles sont vos relations avec les organisations viticoles ?

Ici, en région, j’ai toujours beaucoup communiqué avec l’UGVC, d’abord avec Benoît Stenne puis Marlène Tisseire et maintenant Alexandre Imbert. Ils m’envoient leurs documents, nous en parlons. Au national, la CNAOC et son directeur, Pascal Bobillier-Monnot, constituent de vraies sources d’information. Notre groupe a auditionné à plusieurs reprises Vins et Société, la CNAOC bien sûr. Nous travaillons avec le CNIVE, FranceAgriMer…

Au Parlement, le groupe vin a-t-il toujours existé ?

A ma connaissance oui. Il se trouve que, au cours de cette législature, j’en suis la présidente . Mais, sous la législature précédente, c’était le maire de Beaune, Alain Suguenot avec Jean-Marie Sermier comme vice-président. J’y participais en tant que membre. Ce groupe, comme tous les groupes parlementaires, est trans-partis. L’équivalent existe au Sénat, avec à sa tête Gérard César.

Vous avez suivi de près le dossier des autorisations de plantation…

Il fallait bien sûr conserver un cadre juridique aux plantations tout en ne se fermant pas la possibilité de planter, si le marché l’exige. Au sujet des plantations, je vois que la viticulture charentaise est très réservée. Après le traumatisme des années 70, elle craint de trop planter.

Un député, ça sert à quoi ?

Je dis toujours que le député a plusieurs casquettes. A l’Assemblée nationale, il a d’abord mission de voter les lois, déposer des amendements. De septembre à décembre, une grosse charge l’attend, celle de préparer le budget de la France, le budget de la Sécurité sociale. Même si vous êtes responsable d’une petite ligne, cela peut représenter des sommes importantes. Le travail en circonscription est plus méconnu. A travers nos permanences, les contacts sur le terrain, nous servons de courroie de transmission entre les « citoyens » et les ministères sur certains dossiers. En général, les ministres écoutent les parlementaires, lorsque les demandes sont légitimes. Personnellement, dans ma circonscription, voire hors de la circonscription, je m’occupe beaucoup des questions agricoles et de la ruralité. La semaine dernière, j’ai rencontré à La Rochelle les jeunes agriculteurs. A titre d’exemple, parmi mes dossiers, j’ai celui d’un viticulteur victime d’un cambriolage, à qui l’on demande de payer les droits indirects sur les alcools. Parfois, nous sommes un peu des assistantes sociales. Mais c’est aussi notre rôle d’accompagner les gens. Bien sûr, l’Administration ne nous suit pas toujours. Dans la même logique, j’essaie d’être très présente aux inaugurations. C’est une manière de rendre hommage aux maires des petites communes, à leurs postes 24 h/24, du 1er janvier au 31 décembre. On n’imagine pas l’investissement des élus ruraux entre les appels d’offres, la surveillance des chantiers, les troubles du voisinage…

Comment s’articule votre temps ?

En préambule, je dirais que le mandat de député exige une excellente santé. Le mardi, je me lève à 4 h 30 pour être à Paris dans la matinée. Les réunions, séances de travail s’enchaînent parfois jusque tard le soir. Je rentre le jeudi après-midi. Je reçois sur rendez-vous à ma permanence les vendredi et lundi. Le week-end est souvent consacré aux inaugurations. J’ai 143 communes dans ma circonscription. Mon suppléant, James Rouger, est à mes côtés et m’épaule. Sans lui, je ne saurais pas faire. Je pense à mes jeunes collègues qui ont des enfants en bas âges. C’est extrêmement dur pour elles. Pour autant, je suis à fond pour la parité. J’estime qu’on ne laisse pas assez de place aux femmes. Des progrès restent à faire.

A l’Assemblée nationale, vous êtes membre de la Délégation aux droits de la femme et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Oui. C’est un sujet qui me touche. En 2011, je fus à l’origine d’une proposition de loi destinée à revoir le délai de prescription lié aux injures sexiste, homophobe ou handiphobe. Ce délai était de trois mois, comme pour les injures en général, alors qu’en 2004 il avait été porté à un an pour les insultes à caractère raciste, religieux. Je trouvais cette différence de traitement totalement injuste. Après six mois de travail préparatoire, la loi a été votée à une majorité de 473 voix. Ce fut une grande satisfaction.

D’autres sujets vous mobilisent ?

De nombreux bien sûr. Mais je voudrais peut-être insister sur le décalage qui paraît de plus en plus grand entre le temps de l’information et le temps parlementaire. Les décrets d’application ne sont pas sortis que l’on communique déjà sur la loi, créant ainsi attentes et frustrations. A coup sûr, la machine médiatique crée un certain emballement. Mais le temps parlementaire n’est-il pas trop long, entre les différentes navettes, etc. Notre rôle de parlementaire est aussi d’interpeller le Gouvernement sur de tels sujets. Je fais partie d’un petit groupe, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, qui réfléchit à ces questions.

 

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