Le préchauffage dynamique des vins à 50 °c validé
La maison Martell n’a jamais été favorable à l’utilisation des réchauffe-vins traditionnels (en inox ou cuivre) pour une raison principale : c’est un récipient à haut risque pour la qualité des vins. L’utilisation des réchauffe-vins est tolérée pour monter la température des vins à 30 °C maximum durant un temps très court n’excédant pas une heure. L’évolution de la réflexion de Martell sur le préchauffage repose sur l’utilisation des échangeurs externes pour préchauffer les vins en ligne.
L’équipe technique chargée de réfléchir à la problématique distillation et économie d’énergie est animée par Benoît Fil (le maître de chai), entouré des équipes des distilleries, du service achats eaux-de-vie et du responsable viticulture durable. Leur réflexion sur le préchauffage des vins dynamique a profondément évolué au cours des dernières années : « La distillerie de Gallienne est équipée depuis 1992 d’une installation de préchauffage dynamique fonctionnant avec un échangeur multitubulaire qui permettait de préchauffer les vins en amont des chaudières. Le chargement des vins préchauffé à 25-30 °C s’effectuait à partir d’une cuve tampon, ce qui limitait les performances de l’installation. Au cours de la campagne 2009-2010, des essais de préchauffage dynamique avec un échangeur à plaques chargés directement dans l’alambic ont été conduits à différents niveaux de températures entre 30 et 60 °C. Un suivi qualitatif complet a été mis en place avec des analyses et dégustations d’eaux-de-vie. Il est ressorti de ce travail qu’aucune différence analytique et organoleptique n’a été observée jusqu’à des températures de préchauffage des vins de 50 °C. A partir de ce niveau de température, des pertes de qualité plus ou moins significatives ont été observées. Par ailleurs, des problèmes de sécurité peuvent se poser. Les gains énergétiques engendrés par le préchauffage ont été quantitfiés : de l’ordre de 0,4 % de gaz consommé chaque fois que la température des vins augmente d’1 °C. Les économies de gaz générés par un préchauffage des vins à ce niveau sont donc importantes. Sur les chaudières de 100 hl, le préchauffage des vins à 50 °C a entraîné une diminution de la durée des mises au courant d’environ 30 minutes (1 h10 au lieu de 1 h 40), sans que le coulage des têtes soit perturbé. »
Des économies indirectes à ne pas négliger
Après deux campagnes d’essais, la décision de préchauffer les vins avec un échangeur à plaques a été systématisée à la distillerie de Gallienne. A la distillerie de Lignières, un échangeur multitubulaire fonctionne depuis cette campagne (préchauffage à 50 °C). L’équipe Martell considère aujourd’hui que les performances des deux types d’échangeur sont équivalentes. L’organisation du préchauffage doit intégrer un temps de chargement des alambics n’excédant pas 15 minutes (pour une chaudière de 25 hl) et l’absence de préchauffage des secondes. Le coulage des têtes n’est pas perturbé par le préchauffage des vins à 50 °C et les mêmes prélèvements sont effectués (chauffe de vins : 4 à 5 l pour une chaudière de 25 hl). Le fait de préchauffer les vins à 50 °C limite aussi les chocs thermiques au moment du remplissage des chaudières.
Le gain de temps engendré par le préchauffage lors des mises au courant peut-il être mis à profit pour réaliser des économies d’énergie supplémentaires ? L’équipe Martell considère qu’il ne faut pas chercher à augmenter le temps de mise au courant avec des vins préchauffés. Réaliser des mises au courant rapides correcpond à un objectif qualitatif. Enfin, le fait d’utiliser les eaux chaudes des réfrigérants pour le préchauffage entraîne une diminution importante des besoins frigorifiques et des consommations électriques qui en découlent.
Des essais de brûleurs à air soufflé pendant trois campagnes
Chez Martell, on estime qu’un changement de principe de fonctionnement de brûleurs entraîne forcément des conséquences sur le déroulement des phénomènes de combustion. En effet, le fonctionnement des brûleurs atmosphériques est techniquement parfaitement adapté aux exigences qualitatives des différentes séquences de la distillation charentaise. La première approche des essais a été de voir si les brûleurs à air soufflé avaient la capacité de permettre la mise en œuvre de la méthode de distillation Martell. Globalement, l’utilisation des brûleurs à air soufflé a permis de respecter les principes de la méthode de distillation, mais il convient d’être vigilant dans les phases de basse pression.
10 à 20 % d’économies de gaz
Le suivi de la qualité des eaux-de-vie a mobilisé toute l’attention des techniciens de Martell qui ont souhaité que les dégustations soient réalisées par des personnes non impliquées dans les essais. Les échantillons ont été dégustés à l’aveugle par l’équipe du service achat eaux-de-vie. Les conclusions de ce travail, qui reposent sur des suivis réalisés sur de longues périodes, confortent nettement l’intérêt des nouvelles technologies : « La première année, nous avons installé des brûleurs radian Chalvignac sous des chaudières de 25 hl dotées de foyers brique. Cela nous a permis de prendre conscience de l’état de vieillissement et surtout du manque d’étanchéité de certains foyers dont l’aspect extérieur semblait encore parfait. L’état des tours à feu est un excellent indicateur du niveau d’étanchéité des massifs. Les résultats des analyses et des dégustations d’eaux-de-vie n’ont pas permis de discerner de différence entre les lots. La deuxième année, nous avons testé l’utilisation du brûleur Weishaupt de la Chaudronnerie Cognaçaise sous une chaudière de 25 hl. Les résultats qualitatifs étaient bons et l’observation du déroulement des ébullitions n’a révélé aucune anomalie. La mise en place de compteurs sur toutes les chaudières a permis de quantifier très précisément les économies (la référence étant les brûleurs atmosphériques radiants Martell). Les deux types de brûleurs adaptés sous des foyers brique de chaudières de 25 hl avaient une consommation inférieure de 10 % par rapport aux brûleurs atmosphériques Martell. Les essais d’utilisation des deux nouveaux brûleurs sous les chaudières de 100 hl ont débouché sur les mêmes conclusions. Au cours de la dernière campagne, nous avons testé la nouvelle cellule de combustion Alpina de Chalvignac, dont les performances s’avèrent encore meilleures. Durant toutes les phases des cycles de coulage, les parois du foyer restent froides et les températures des fumées ont diminué de 100 °C. Le fait d’intégrer un brûleur à air soufflé dans un foyer nouveau bien spécifique a permis de réduire les consommations de gaz de 20 % par rapport à un brûleur atmosphérique Martell installé dans un foyer brique. Nous allons réaliser le même essai avec la Chaudronnerie Cognaçaise prochainement et nous sommes convaincus que nous obtiendrons des résultats similaires. »
Les points clés
● Préchauffage des vins :
– utilisation des réchauffe-vins traditionnels tolérée jusqu’à 30 °C et sur un temps court n’excédant pas 1 heure
– préchauffage des vin à 50 °C avec les échangeurs externes
● Essais de brûleurs à air soufflé et de nouveaux foyers :
– l’adoption de brûleurs à air soufflé sous foyers brique a engendré une baisse de consommation de gaz de 10 %
– l’utilisation d’un nouveau foyer avec brûleur à air soufflé (comparé à un brûleur radiant Martell) a engendré une baisse de consommation de gaz de 20 %