Coopérative de l’Ile de Ré : Reconstruire, un an après Xynthia

6 avril 2011

Après le passage de la tempête Xynthia, la coopérative Uniré s’est battue pour décrocher des aides. Et continue de se battre pour ne pas lâcher un hectare. Le maintien des activités primaires sur le territoire insulaire est à ce prix.

coop_ile_de_re.jpgChemin de croix, sans doute pas mais parcours du combattant, sûrement. Depuis cette date fatidique du 28 février 2010 où l’eau salée, à 3 h 30 du matin, a rompu les digues, élus et responsables professionnels rétais n’ont eu de cesse de panser les plaies de Xynthia. Lors de l’assemblée générale d’Uniré, hommage a été rendu au président de la coopérative Jean-Jacques Enet. « Depuis un an, il se démène sur le dossier « calamités agricoles ». C’est pour lui un combat de tous les jours. Au plan administratif, il a fait le maximum pour obtenir ce qui était possible de l’être » (voir encadré sur les aides). Aujourd’hui, J.-J. Enet et le staff d’Uniré (administrateurs et direction) continuent de se battre pour ne pas laisser échapper un ha. Car, face au sinistre, quelques exploitants proches de la retraite souhaitent jeter l’éponge. Ils ne trouvent plus l’énergie suffisante pour continuer. La coopérative va monter une structure foncière pour récupérer les vignes qui ne trouveraient pas preneur. L’idée ! Préserver les grands équilibres entre activités primaires et activités liées au tourisme. Léon Gendre, maire de La Flotte, conseiller général du canton sud, chargé de l’environnement à l’Assemblée départementale, le sait mieux que quiconque. « L’avenir de l’agriculture rétaise est entre vos mains. Dès maintenant, il faut penser à 2030-2040. En dessous de 600 ha de vignes, quelques voyants rouges s’allumeraient et à 500 ha, nous passerions au rouge. Même chose pour les pommes de terre. On ne peut pas perdre d’agriculteurs. Si vous n’êtes pas là, il n’y a plus de vie permanente, plus de vie sociale, plus de manière de façonner le paysage. Vous constituez l’une des forces de l’île de Ré. » Une force certes mais une force fragile, toujours sur le fil du rasoir.

pression foncière

Comme tous les lieux « finis », le territoire insulaire subit une exceptionnelle pression foncière. En 2010, n’a-t-on pas vu une parcelle de terre agricole de 6 000 m2 faire l’objet d’une promesse de vente au prix de 680 000 €. Elle se situait bien sûr aux abords d’une zone d’activité. Cette vente sera annulée mais tout de même ! « Son prix était 120 fois supérieur au prix des terres agricoles, qui évolue dans une fourchette de 0,85 à 1,07 € le m2 » a relevé l’élu de La Flotte. A cette surenchère financière s’ajoutent les bruits de toutes sortes. Après Xynthia, une rumeur ne colportait-elle pas « que l’agriculture n’était plus viable sur l’île de Ré, qu’Uniré était au bord du dépôt de bilan. » Jean-Jacques Enet a dénoncé ce mauvais procès. Il a remis l’économique au centre du débat. « Quelques adhérents auraient souhaité que notre coopérative apporte davantage aux sinistrés. Mais je reste convaincu que son rôle est avant tout de rémunérer au mieux les apports et qu’il fallait faire un choix entre le social et l’économique ; la coopérative n’a pas à se substituer aux pouvoirs publics. Malgré la baisse temporaire des volumes collectés, nous mettrons tout en œuvre pour obtenir la meilleure valorisation de nos récoltes, dans le but d’espérer un maintien de notre chiffre d’affaires. »

Les comptes présentés à la dernière AG sont ceux de la récolte 2009 (voir encadré). Ils ne présument pas des résultats de la récolte 2010. Sur l’exercice 2009-2010, le niveau de recettes fut suffisamment bon pour dégager quelques réserves. Un adhérent s’en est même ému. « Que fait-on de toutes ces réserves ! » Réponse : « Si l’on en a besoin un jour, on sera content de les trouver. »

des surfaces arrachées en totalité

Le président de la coopérative a livré une indication sur la récolte viticole 2010 (après le passage de Xynthia). Uniré a collecté 41 960 hl vol. de vin, contre 46 440 hl vol. en 2009, soit une perte d’environ 5 000 hl. Sur les 42 000 hl vol récoltés, 8 900 hl vol. provenaient de vignes submergées. » Malgré tout, la récolte fut assez conséquente » a commenté Jean-Jacques Enet. Il n’en reste pas moins que le vignoble a été durement touché. Les inondations marines ont concerné 150 ha de vignes. A ce jour, 25 à 30 ha ont été arrachés en totalité et une trentaine d’ha affichent beaucoup de pieds manquants. Le reste – autour de 80 ha – s’en sort sans trop de dommages, sinon des pertes de récoltes que la coopérative s’emploie à faire prendre en charge (partiellement) par l’Etat, avec l’aide de la DDTM (direction départementale des Territoires et de la Mer).

A l’époque de Xynthia, en 2010, la vigne était encore éligible au régime des calamités agricoles* pour les pertes de récolte. D’où des conditions d’indemnisation plus favorables que celles relatives à la pomme de terre, considérée comme une culture industrielle et, à ce titre, non éligible au Fonds national de garantie des calamités agricoles. A Saint-Clément-des-Baleines, Jean-Marc Massé a perdu 7,5 ha de plantation de pommes de terre plantées avant le 28 février 2010, suite à la rupture de 800 mètres de digues. A lui seul, il pèse pour environ la moitié des surfaces de pommes de terre primeurs touchées par la submersion. Il estime son manque à gagner à 103 000 € alors que, par exploitation, le niveau d’aide est limité à 15 000 € et même moins compte tenu des « minimis MSA ». A ce jour, l’indemnité qu’on lui propose s’élève à 8 104 € soit 7 % du montant de ses pertes. Il pointe du doigt l’injustice qui existerait entre lui et ses collègues moins touchés, produisant d’autres cultures et/ou comptant moins de surfaces. Il a tenté d’alerter les élus sur son cas. A l’assemblée générale, ces mêmes élus locaux ont avoué leur impuissance. « A un moment, c’est vrai, nous pensions pouvoir apporter une aide complémentaire. Mais nous n’avons pas pu le faire. Les décisions administratives, les règles de compétences françaises, européennes se sont imposées à nous. »

des aides « cadrées »

La communauté de communes est par exemple compétente pour la promotion des produits du terroir mais pas pour les activités primaires. Même chose pour l’Etat, « cadré » par l’Europe. Situation paradoxale où « à un poil près, nous avons vu défiler tout le gouvernement en Charente-Maritime le lendemain de Xynthia ». C’est sans doute ce qui explique la réflexion du président de la coopérative dans son rapport moral. « Réconfortés par de nombreux discours de soutien, nous nous sommes vite aperçus qu’il ne fallait compter que sur nous-mêmes, afin d’espérer une certaine prise en charge de nos pertes. » Jean-Jacques Enet a tout de même souligné le rôle très constructif joué par la DDTM, à l’écoute des agriculteurs rétais.

Xynthia ne doit pas faire oublier non plus les problèmes récurrents de l’agriculture rétaise : dégâts occasionnés par les « grandes oreilles » (les lapins), problèmes de bâtiments agricoles ou de logements pour de jeunes installés. « Nous devons pouvoir présenter une offre globale pour accueillir de nouveaux agriculteurs ». Les élus locaux comprennent bien la problématique agricole – « là où nous aurons la main, nous le ferons » – mais disent aussi qu’il faudra négocier avec les autres usagers de l’espace. La négociation, une vertu obligée sur un territoire insulaire.

Vignoble rétais Les aides « Xynthia »
Notifiées à l’Union européenne, ces aides jouent dans le cadre du Fonds national « calamités agricoles », rebaptisé aujourd’hui Fonds national de gestion des risques en agriculture.
En matière de risque – et d’éventuelle indemnisation – il convient de distinguer deux types de pertes : perte de fonds et perte de récolte
– Les pertes de fonds
Sous l’empire du nouveau régime « calamités agricoles », les pertes de fonds restent toujours indemnisables. Dans l’île de Ré, il est prévu qu’à ces aides nationales versées par la DDTM vienne s’adjoindre une aide du Conseil général. Le montant d’indemnisation des pertes de fonds varie selon plusieurs critères dont celui de l’âge de la vigne. A noter bien sûr que l’aide ne peut être versée qu’à condition que le viticulteur s’engage à replanter ses surfaces arrachées.
Prenons l’exemple d’une vigne sinistrée de moins de trois ans. Après enquête, la base d’indemnisation a été estimée à 22 282 €. Sur ce montant, le Fonds national de garantie alloue 25 % de la somme soit 5 570 €. A ceci s’ajoutera une aide du Conseil général de 40 % du montant versé par la DDTM (40 % de 25 %). Au final, le viticulteur touchera 7 798 € (5 570 € + 2 228 €). Cette somme représente le plafond, l’aide maximale à laquelle peut prétendre un viticulteur sinistré. Pour une vigne de 15 ans, la base d’indemnisation s’élève à 15 696 €. Au-delà de 25 ans, on considère que la vigne est amortie. Elle n’est plus éligible aux aides. La complantation – remplacement des pieds manquants à l’intérieur des parcelles – peut aussi faire l’objet d’une indemnisation. L’aide oscille entre 1,20 et 1,40 € du pied, « ce qui paie un peu plus que le plant ».
En tout, entre replantation et complentation, J.-J. Enet indique que l’enveloppe attribuée à l’île de Ré pour pertes de fonds devrait atteindre 557 000 €. Une somme relativement importante mais aussi bien modeste si on la compare à l’indemnisation d’une maison sinistrée, en moyenne de 250 000 €. De l’avis commun, artisans et commerçants semblent mieux tirer leur épingle du jeu sur le front des compensations. Sans doute leurs activités sont-elles moins encadrées.
– Les pertes de récolte
En ce qui concerne les pertes de récolte sur vignes consécutives à un risque climatique, aujourd’hui, elles ne sont plus indemnisables, dans la mesure où le risque est assurable. C’est l’arrêté du 29 décembre 2010 (applicable le 1er janvier 2011) qui le prévoit. Mais à l’époque de la tempête Xynthia, le premier texte sur la réforme du régime des calamités agricoles – arrêté du 31 mars 2009 – citait les grandes cultures, les plantes industrielles mais pas les vignes. D’où une « fenêtre de tir » supplémentaire de quelques mois accordée à ces dernières, dont peut potentiellement profiter l’île de Ré. Ainsi les viticulteurs ont-ils été invités à remplir des formulaires de demande d’aide pour perte de récolte avec, en pièce jointe, leurs déclarations de récolte.
La DDTM a déposé les dossiers devant le Comité national de l’assurance en agriculture (CNAA), en mars. Il semblerait cependant qu’il ne faille pas trop attendre de cette démarche. « Compte tenu des critères de pertes, très peu d’agriculteurs en bénéficieront et sur des sommes faibles » dit-on à la DDTM 17.

Uniré L’activité en chiffres
Sur l’exercice 2009-2010 clos au 31 juillet 2010, le « total produit » de la coopérative Uniré s’est élevé à 10,7 millions d’€. L’activité « vigneron » de la coopérative a engendré un chiffre d’affaires de 7,3 millions d’€. Ce chiffre d’affaires se décompose en deux grandes familles : les ventes détail en bouteilles et les ventes vrac. Le total des ventes bouteilles s’est élevé à 5,5 millions d’€, en légère diminution de 2 % mais en progression de 3,4 % par rapport à N-2. En équivalent bouteilles, les ventes sous congés de vin de table et de pays (bouteilles et Bib) ont représenté 1,4 million de cols ; les ventes bouteilles de Pineau, 480 000 cols. Lors de la récolte 2009, la coopérative a fabriqué 4 771 hl vol. de Pineau. Sur l’exercice 2009-2010, elle en a vendu 3 160 hl en bouteilles (les 480 000 cols) et seulement 100 hl vol. en vrac aux grossistes de la place. Sur une récolte totale d’un peu plus de 46 000 hl vol., la coopérative a distillé 17 800 hl vol. de vin Cognac, pour une fabrication d’eaux-de-vie de 1 800 hl AP. Au 31 juillet, son stock de Cognac atteignait 7 555 hl AP. Sur le dernier exercice écoulé, la coopérative a mis entre parenthèses ses ventes en vrac de Cognac « en attente de jours meilleurs ». Le fait marquant de l’année fut le transfert de 22 tonneaux de Pineau du site de La Noue à celui du Bois-Plage-en-Ré, cellier de la coopérative. Ce déplacement a valu transport routier exceptionnel, démolition de la toiture, etc. Pour Noël, la coopérative a commercialisé un Cognac XO, « preuve que notre coopérative peut élaborer des produits haut de gamme. » Elle s’est séparée d’un commercial pour « insuffisance de résultat »
L’activité maraîchage, l’autre pôle d’Uniré avec la branche approvisionnement, a généré un chiffre d’affaires d’1,9 million d’€, en baisse de 15 %. La tempête Xynthia a directement impacté ce résultat, en provoquant une baisse de tonnage de 32 %. « Le but, sur cette activité, est d’arriver à l’équilibre » a indiqué J.-J. Enet.
Sur 291 inscrits, 59 adhérents étaient présents à l’assemblée générale et 13 représentés.

 

 

 

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