Le 19 mars dernier, Thierry Falcon, agent du BNIC, a procédé au descellement d’un fût de Cognac certifié – une Petite Champagne 1972 – acheté sous warrant par la maison Léopold Gourmel. Olivier Blanc, P-DG de la société, avait souhaité conférer une certaine publicité à l’opération, pour bien montrer le sérieux entourant les millésimes dans la région de Cognac.
C’est dans un chai ORECO* souterrain – une ancienne carrière – humide et secret, que le lot de Cognac a vieilli très lentement, pendant trente-sept années. Pour sa révélation au jour, le fût de Petite Champagne 1972 avait été transporté à Genté, dans les chais de la maison Gourmel, en présence de Thierry Falcon. Le 19 mars dernier, l’agent de l’interprofession du Cognac a procédé au descellement du fût et assista durant la matinée au tirage des 348 bouteilles. Même si les Cognacs millésimés représentent une infime minorité du marché, certaines maisons cultivent ce mode de différenciation : Hine, Delamain, Frapin, A.E. Dor, Gourmel, Château de Monitfaud, Prunier, Godet, d’autres encore… Le millésime, c’est l’opération qui consiste à accoler une année à un produit. Ici, tout est affaire de preuve. Dans certaines régions, de retentissants procès ont jeté une ombre sur les millésimes. C’est pour souligner les gages de sérieux qui président aux millésimes du Cognac qu’Olivier Blanc, P-DG des Cognacs Gourmel, a souhaité donner un certain écho à l’opération de descellement. A Cognac, les eaux-de-vie millésimées ne sont pas nées « de la dernière pluie ». Depuis très longtemps existent les fameux Early Landed, ces Cognacs vieillis à Bristol ou à Londres, aux bords de la Tamise, dans des chais sous contrôle des Douanes anglaises et présentant, comme autre caractéristique, un taux d’humidité phénoménal, de l’ordre de 95 %. Les magasins généraux ORECO ont également puissamment contribué à la certification des millésimes (preuve en est, la Petite Champagne 1972 mise en bouteilles par Gourmel). Pendant des décennies, ils furent le moyen le plus sûr d’assurer la traçabilité des eaux-de-vie. Enregistrées sous n° de warrant, les eaux-de-vie rentraient par lot à ORECO et, de cette manière, excluaient tout mélange. Existait aussi la datation au carbone 14 mais les Cognacs étaient rarement assez vieux pour conférer à ce moyen de contrôle toute la fiabilité suffisante. Quant à la traçabilité comptable, si elle peut s’avérer intéressante, rien ne remplacera le contrôle physique.
Garantie de l’authenticité
En 1988, l’interprofession de Cognac a décidé d’affecter un de ses agents à la garantie de l’authenticité des millésimes, sous la forme d’une prestation de service. C’est Thierry Falcon qui en fut chargé. La certification repose sur le système du fût scellé ou sur celui, plus rare, du chai à double serrure, une clé étant détenue par le ressortissant, une autre par l’agent du BNIC, l’ouverture réclamant la présence des deux. Toutes les opérations sont autorisées – ouillage, filtration… – à la condition express que le représentant de l’interprofession y assiste et bien sûr procède au descellement puis au scellement, à l’aide d’un classique pistolet à cire. Même chose pour les inventaires et naturellement la mise en bouteille. Thierry Falcon supervise ainsi environ 95 ressortissants et son agenda est extrêmement chargé. Il faut s’y prendre longtemps à l’avance pour s’assurer sa présence. A près de 80 %, les millésimes certifiés contrôlés par le BNIC émanent du négoce mais des viticulteurs cherchent aussi à se garantir des millésimes, à coup d’un, deux ou trois fûts chaque année. A titre d’exemple, un bouilleur de cru a pris l’habitude de mettre de côté un fût par année et par cépage (Folle blanche, Ugni blanc, Colombard). Voilà dix ans qu’il pratique ainsi, sans savoir très bien ce qu’il en fera. Dans une tout autre dimension, Thierry Falcon est amené à assister à des inventaires de 2 500 fûts, réclamant quinze jours de présence. Il se souvient que dans une maison de négoce, dix-sept fûts furent descellés par malveillance, réduisant à néant les efforts – et le budget – consentis à la garantie. Un peu frustrant pour la victime de cet avatar.
Le bnic engage sa responsabilité
Par définition, le millésime est sous la responsabilité de celui qui le commercialise. Si tant est qu’il soit capable d’apporter la preuve de l’année, pas de problème. S’il craint de ne pouvoir y parvenir, mieux vaut recourir au système de l’interprofession. En cas de litiges devant les tribunaux, le BNIC va engager sa responsabilité, dans la mesure où toutes les preuves sont détenues par le Bureau.
Le précédent millésime mis en bouteille par Gourmel – une eaux-de-vie de 1969 – s’est vendu au prix public de 240 €. Avec les millésimes, Olivier Blanc s’estime être dans un travail d’antiquaire mais pas dans un travail d’artisan, celui qui a ses faveurs. « Pour nos eaux-de-vie, nous n’utilisons ni caramel, ni boisé, ni sirop. Par contre, nous les travaillons beaucoup, d’abord par notre propre méthode de distillation et ensuite par le vieillissement sous bois. Par définition, les millésimes sont exclus de ces interventions. » C’est peut-être pour cela que le Cognac millésimé 1969, du même âge, voire un peu plus âgé que le Cognac Quintessence, la qualité supérieure de la maison, a été proposé 40 % moins cher. Pourquoi inscrire des millésimes à sa gamme ? En terme d’image de marque, le millésime fait mouche. Il s’agit d’un élément objectif de différenciation. Qui plus est, Olivier Blanc témoigne que ses collègues et lui-même ne sont pas concurrents sur ce type de produit. « Il y a un effet collector qui fait que plus les autres en vendent, plus j’en vends. Nous nous bagarrons sur le reste, mais sur les millésimes, nous nous concertons, d’abord pour s’assurer que tout le monde respecte la même règle, ensuite pour offrir le maximum de choix au consommateur. » Cela dit, le P-DG de Gourmel sait que les millésimes pèsent fort peu dans la balance Cognac, y compris chez lui. « Mes 500 bouteilles, je vais mettre deux ans à les vendre. »
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