Peut-on parler de basculement ? En tout cas, après l’ère des investissements dans l’outil, le tourisme « industriel » du Cognac n’ignore plus rien du marketing et des produits marketés qui vont de pair. Leaders en tête, les circuits de visite se professionnalisent et le secteur se fait de plus en plus concurrentiel même si les sensibilités de chaque maison trouvent encore à s’exprimer. A la clé, le nombre de visiteurs, le chiffre d’affaires produit par les entrées et surtout le caddie à la sortie (les achats dans les boutiques), sans parler de l’image et du contact direct avec le client, aspects toujours déterminants pour les maisons.
Camus
Sur Le Site De Production
C’est l’un des rares circuits où le visiteur a l’occasion de voir fonctionner la chaîne de mise en bouteille. Très tourné vers l’entreprise, la visite Camus s’extrait volontiers des sentiers battus. En toute indépendance.
Au 29 rue Marguerite-de-Navarre, entre jardin public et parc des sports, Camus « la grande marque » est légèrement décentrée par rapport à ses confrères de la place. Sans être ailleurs, la maison n’appartient pas au centre. Cette once de décalage, son circuit de visite l’entérine en se greffant sans autre façon sur l’entreprise. Des petits groupes ne dépassant pas les 30 personnes, un film d’images commentées par le guide – la maison y tient – un petit musée, un chai de vieillissement où s’affairent les ouvriers, la chaîne de mise en bouteille en fonctionnement… telle est la patine du lieu. Si un espace vitré va être installé en juin pour permettre au circuit de répondre aux normes d’hygiène et de sécurité, l’esprit de la visite ne devrait pas en être affecté. Mieux : hors des heures de travail, un film projeté sur les vitres donnera une idée de l’atmosphère de la « mise ». La visite (5 e pour les individuels, 3,50 e pour les groupes de plus de dix personnes, gratuite pour les moins de 18 ans), d’environ une heure et quart, ménage un temps pour la dégustation, d’un Cognac XO en l’occurrence. Parlant de Camus, impossible de ne pas évoquer le « petit train », propriété de la Ville, mais si bien aux couleurs de son sponsor principal et pour tout dire unique que l’on serait presque tenté de lui en attribuer la paternité. A l’époque du lancement de cette curieuse machine, « personne n’en voulait », si bien que Camus s’est retrouvé sponsor complet, un peu par hasard mais non sans satisfaction, au vu des regards envieux qu’attire le teuf-teuf électrique. Un tarif couplé (5 e) permet aux groupes en visite chez Camus de bénéficier d’une réduction sur le petit train (tarif réduit en cours de négociation pour les individuels). Ouvert du lundi au vendredi de mai à octobre, le circuit de visite de Camus « la grande marque » fonctionne également le week-end de juin à septembre. En période d’hiver, on peut s’y rendre sur rendez-vous.
Château de Cognac
Quand l’Histoire Tutoie Le Cognac
Avec l’ouverture d’un nouveau musée en avril, le Cognac Otard cultive cet enrichissement historique qui a toujours fait sa spécificité.
Quand un roi est né dans vos murs, cela vous donne quelque légitimité à parler d’histoire. Aux 60 000 visiteurs accueillis tous les ans, le circuit de visite Otard propose une double approche, à la fois historique sur la vie de François Ier et plus technique sur l’élaboration du Cognac. En avril prochain, un nouveau musée va compléter la galerie de gravures autour de la Renaissance, inaugurée il y a deux-trois ans. Il présentera les étuis Otard au fil du temps ainsi que d’anciennes publicités, dont quelques affiches célèbres. Cette exposition permanente trouve sa source dans l’accrochage réalisé en 1995 pour fêter les 200 ans de la marque. Si la visite, d’environ une heure un quart, est au départ la même pour tous, elle s’adapte à la demande du public, que ce dernier soit féru d’histoire ou plus versé sur le Cognac. Pour cette catégorie de visiteurs, la maison propose, dans sa nouvelle salle de dégustation jouxtant le musée, une visite de type « maître de chai », avec découverte des arômes, des eaux-de-vie nouvelles et rassises, à un tarif différent de celui de la visite normale, qui est de 3,80 e pour les adultes, 2,30 e pour les 12-18 ans. A partir du 30 mars, le Château Otard est ouvert 7 jours sur 7. Chaque visite s’accompagne d’une dégustation de VSOP, pur ou avec tonic, surtout l’été, pour faire découvrir le Cognac à l’apéritif.
Courvoisier
Les Surprises Du Coup De Jarnac
Son nouveau musée des Quais… de Jarnac donne des ailes à Courvoisier qui déborde d’idées pour animer son nouveau circuit de visite.
L’exiguïté de l’ancien musée cantonnait le circuit de visite à une clientèle familiale et individuelle. Le nouvel espace des quais, plus vaste et mieux aménagé, ouvre grandes les portes à l’imagination et le Cognac de Napoléon n’en manque pas. Sur l’idée du « coup de Jarnac » où un coup d’épée de Guy Chabot, baron de Jarnac, dans l’articulation du genou de François de Vivonne déstabilise son adversaire qui ne s’y attendait pas, la maison Courvoisier promet des surprises à ses visiteurs et aux autocaristes chargés de les conduire. « Jusqu’alors, nous ne démarchions pas la clientèle de groupe explique Catherine Mattei, responsable des relations publiques et de la communication. L’an dernier, nous avons commencé à participer à des salons touristiques comme le MIT ou Cap à l’Ouest. A partir de l’anecdote historique du coup de Jarnac, nous entendons distiller le suspens, même à l’égard des voyagistes, tenus dans l’ignorance de ce qui surviendra en fin de visite. La surprise de dernière minute pourra être liée à la nature de la visite, au lancement d’un nouveau produit, à une période particulière comme celle de la fête des Pères. » Toujours le terrain de l’impromptu, Courvoisier va ponctuer sa saison touristique d’animations ponctuelles, au jour le jour, un peu sur le modèle des opérations « flash » des grandes surfaces. Le pari : susciter un appétit renouvelé des visiteurs, même locaux, avec une campagne d’affichage à l’appui, ce que la maison de Jarnac n’avait encore jamais fait. Depuis la fin de saison dernière, un partenariat conclu avec Rémy Martin permet de s’adresser mutuellement des visiteurs et cela semble fonctionner plutôt bien entre les deux rives de la Charente. Au musée Courvoisier, les visites durent à peu près 45 mn et se clôturent non par une dégustation mais par la remise d’une mignonnette. Il en coûte 3 e pour les individuels et 2,30 F pour les groupes. Chaque visiteur sur le départ reçoit un petit document lui proposant de poursuivre son périple par la visite d’une ou plusieurs propriétés viticoles dans les quatre premiers crus du Cognac (Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, Fins Bois). Depuis trois ans, cinq viticulteurs du réseau de livreurs Courvoisier ont accepté de s’engager à recevoir le public à des périodes et horaires bien précis. « C’est une façon de mettre en valeur nos fournisseurs et de faire découvrir d’autres aspects du Cognac, à travers le vignoble et la production. » Tous les viticulteurs associés à la maison Courvoisier vont d’ailleurs se voir remettre un passeport permanent leur donnant un accès libre et gratuit au circuit de visite pour eux, leur famille et tous ceux qu’ils jugeront utile d’inviter. « Nos fournisseurs sont nos meilleurs ambassadeurs » relate C. Mattei. Le circuit de visite Courvoisier est ouvert du 2 mai jusqu’à fin septembre, 7 jours sur 7 de juin à août, fermé le dimanche les deux autres mois.
Hennessy
Beaucoup De Monde Sur Les Quais
Les « Quais Hennessy », mot valise pour le musée, la boutique, les chais de la faïencerie, accueillent 70 000 visiteurs par an. La maison « des Quais » ambitionne d’en faire un lieu de vie, ancré dans la cité.
Véritable paquebot du tourisme industriel, les Quais Hennessy sont ouverts du 1er mars au 31 décembre, autant dire presque toute l’année. La grosse majorité des visiteurs se concentre du 15 juin au 15 septembre (40 % de la fréquentation) et près de 25 000 d’entre eux viennent en groupe. Il faut dire que l’offre est très étudiée pour séduire les tour operators. La formule « journée à la carte » vendue clé en mains aux voyagistes comprend, en plus de la matinée de découverte réservée aux Quais Hennessy, un déjeuner dans un restaurant cognaçais, les « Pigeons Blancs » et un choix éclectique de huit thèmes de visite l’après-midi. Cela s’étend de la découverte du Pineau des Charentes chez Michel Baron au karting à Cognac en passant par la visite de la chocolaterie Letuffe, l’initiation à la dégustation à Segonzac, une visite au château des Énigmes de Tusson, un parcours de golf ou une excursion sur la Charente. Le « package », conçu comme un produit touristique à part entière, est vendu à partir de 24 e. « Là où d’autres régions n’ont pas à faire d’effort pour se vendre, nous devons redoubler d’attentions pour suggérer aux visiteurs de venir à Cognac » relève Jean-Marc Grangeré, responsable des Quais Hennessy… Et sans doute une tranche de service à la carte glissée dans un petit pain d’offre globale correspond-elle bien à l’appétit actuel. C’est un peu le même esprit qui anime les nouveaux circuits de visites d’Hennessy.
Visites « fondamentales », visites « privilégiées », visites « initiatrices »… A la visite unique (assez) bonne pour tous, la maison a souhaité substituer des visites graduelles, pour coller au plus près de la curiosité, de la disponibilité… et du budget du public ou plutôt des publics. Pour une visite « fondamentale » associée à une dégustation de Pure White, il vous en coûtera 5 e (8 pour la même visite ponctuée d’un VSOP). A moins que vous vouliez accéder à la visite « privilégiée » (sur réservation, avec un groupe limité à 10 personnes). Ce sera alors 17 e pour une fin de visite conclue par un X.O et 30 e pour glisser vers le Paradis. Si vous vous sentez l’âme d’un pro. et l’envie de consacrer une petite demi-journée au Cognac, les visites « initiatrices », toujours sur réservation, seront pour vous (de 21 à 26 e pour un individuel) avec « initiation aux secrets du vieillissement et aux techniques d’assemblage par des dégustations comparatives, aboutissant à celle du Private Reserve ou du Paradis Extra. »
Comme le Salon de la littérature européenne y avait déposé sa besace pleine de livres, le Festival du film policier y plante sa caméra début avril et demain l’hôtellerie indépendante y tiendra son congrès. Dépassant le strict cadre du Cognac, les Quais Hennessy s’affichent clairement comme un espace de séminaires et de congrès, avec les prestations qui vont avec (équipements technologiques, sonorisation, projection de films…). C’est le nouveau visage d’un lieu qui n’a pas envie de rester à quai.
H. Mounier
La Carte Du Pineau
Le Prince Hubert de Polignac et le Pineau Reynac jouent les duettistes de ce circuit de visite simple, convivial et… gratuit.
H. Mounier fait partie des rares maisons de Cognac, pour ne pas dire la seule, à pratiquer encore la gratuité de la visite. Certes, elle ne joue pas dans la même cour que les grands de la place et le circuit de visite ne draine pas les mêmes enjeux. Ceci étant, la gratuité relève d’une volonté délibérée de sa part. « Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve mais pour l’instant, nous sommes contents que les gens n’aient pas à débourser 23 e pour savoir ce que c’est qu’une maison de Cognac » note Carole Frugier, directrice marketing et communication chez H. Mounier. Sur la RN 141, à 6 km de Cognac, les chais du Laubaret se visitent tous les jours sauf le dimanche du 25 juin au 31 août et sont ouverts le reste de l’année pour les groupes. On y parle aussi bien du Cognac que du Pineau car la société n’oublie pas son poids important dans l’élaboration et la vente du vin de liqueur charentais. Un petit musée de la Tonnellerie rappelle ce que doit le Cognac au bois de chêne et Jean-Marc Gauthier Auriol permet volontiers aux visiteurs de jeter un œil sur sa chaîne de mise en bouteille. Entre la visite des chais, la projection vidéo et une dégustation de Pineau ou de Cognac que ne manque pas de proposer la jeune guide, l’authenticité sans apprêt marque ce circuit de visite.
Martell
Une Grande Souplesse
La « plus vieille maison de Cognac » garde un fond de tradition dans son approche visiteurs. Pour elle, il y a « une façon de travailler », la bonne, et elle s’y conforme, sans trop céder à la pression du jour.
Caroline Ricard-Frugier, responsable de l’accueil du public, le reconnaît volontiers : les maisons de Cognac, toutes autant qu’elles sont, sont obligées de s’aligner sur la politique globale du tourisme. Mais quant à jouer les précurseurs ou l’offensive à tout crin ? Ce n’est pas la position de Martell même si elle garde un œil attentif sur les évolutions, et ne laisse pas passer, le cas échéant, de belles opportunités. C’est le cas par exemple du partenariat noué avec le Cabaret-hôtel de la Paix de Saint-Jean-d’Angély, spécialisé dans les soirées cabaret à destination des clubs du troisième âge. Cette entreprise à 40 mn de Cognac, en lisière de l’autoroute A 10, s’est forgée une belle réputation dans le créneau très convoité de la clientèle senior, en organisant des séjours comprenant visites et dîners spectacles. Le Cognac Martell fait partie des destinations retenues par l’organisateur de spectacles.
En ce qui concerne les visites individuelles, le terme qui revient le plus souvent pour les qualifier est celui de la souplesse, souplesse vis-à-vis du contenu, souplesse vis-à-vis du paiement. Si la visite est payante, pour se conformer à l’usage ambiant (4 e pour les individuels, 3 e pour les groupes) on a une vision plutôt extensive de la gratuité. On ne « mégote » pour l’appliquer, qui aux scolaires, qui aux jeunes de moins de 16 ans, aux militaires et à tous ceux qui n’auraient pas les moyens de payer. « Nous avons d’abord un rôle éducatif et ce n’est pas le prix de la visite qui va nous remplir les poches. Une bonne visite, même gratuite, aura toujours des retombées intéressantes pour nous, en terme d’acte d’achat ou de notoriété.» En fonction des périodes, des visites à thèmes peuvent être organisées, autour de la distillation à Gallienne, des métiers de la tonnellerie ou des fondamentaux de l’activité, pour une approche didactique à destination des scolaires. Les adultes se voient offrir en fin de visite une double dégustation, traditionnelle et/ou en long drink. Le circuit de visite, qui dure environ une heure, repose sur deux pôles, la maison du fondateur et la gabare. Ouverte toute l’année, la maison fonctionne à plein régime de juin à septembre, 7 jours sur 7. Les quatre mois d’hiver – en novembre, décembre, janvier et février – seuls sont ouverts le musée et la boutique tandis qu’en intersaison (octobre, mars, avril et mai), les visites se réalisent à heures fixes. « Ceci dit, précise Caroline Ricard-Frugier, nous n’avons jamais vu quelqu’un d’interessé rester à la porte. Une grande souplesse nous guide là aussi.»
Rémy Martin
Des Visites d’Un Pied Léger
Suggérer plutôt qu’imposer, s’associer plutôt qu’englober… C’est d’un pied léger que la société conduit son circuit de visite, tout en restant à l’écoute des nouvelles tendances.
Comme ses confrères, la maison Rémy Martin ne reste pas insensible aux demandes des tour operators, autocaristes et autres voyagistes, demandes que l’on peut résumer sous le terme de « package » ou d’offre globale, que cette offre porte sur deux heures ou deux jours. Pourtant, pour y répondre, la société n’a pas envie de se transformer elle-même en voyagiste. D’où sa tendance à privilégier le partenariat et l’échange, notamment avec l’office de tourisme de Cognac. Comment générer plus de nuitées à Cognac ? Question posée par l’association « le Cercle des amis du Cognac » et dont une des déclinaisons revêt la forme d’une brochure intitulée « Intensément Cognac ». La visite des chais Rémy Martin fait partie du « package » d’une journée et demie. Comme elle s’insère dans le programme « Week-ends en France » publié dans le cahier trimestriel « Voyages et découvertes Auchan », au terme d’un partenariat conclu avec la chaîne de distribution. Dans les 124 magasins Auchan de France sont ainsi proposés des séjours incluant deux nuits à l’hôtel « L’Echassier », deux dîners gastronomiques et une incursion dans le monde du Cognac, via Rémy. En direction plus spécialement des autocaristes, la maison de Cognac a développé une connexion avec la société Cardinaud, grosse entreprise touristique du marais Poitevin. Et pour une clientèle très haut de gamme, adepte des séjours parisiens au « Ritz », « Plaza Athénée » ou « Crillon », un « circuit du savoir-faire » entraîne pendant deux jours ces VIP sur les traces des porcelaines de Limoges de Bernardeau et des Cognac de la marque au Centaure. « En terme de notoriété et de prestige, nous sommes très cohérents » note Marie-Christine Coates, responsable de l’accueil.
L’an dernier, Rémy Martin a accueilli 64 000 visiteurs d’avril à octobre. « Pour chaque visite nous restons à l’écoute du demandeur. Chaque visite de groupe est une visite à la carte » rappelle M.-C. Coates. De ludique face à un public de scolaire, elle se fera plus professionnelle devant un parterre de connaisseurs des vins et spiritueux, pouvant aller jusqu’à une conférence du maître de chai ou la découverte d’un chai secret en sa compagnie. Si la dégustation d’un VSOP est incluse dans la visite habituelle (5 e), la maison développe de plus en plus des dégustations innovantes, mariant le Cognac aux mets : un XO Excellence associé à un foie gras, un VSOP frappé à un Roquefort… » Nous cherchons à éduquer le consommateur et à lui transmettre notre passion, celle de nos Cognacs Fine Champagne. Et quand il a fait une bonne visite, il a envie de découvrir les multiples facettes du produit. »
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