Cognac Bisquit : le retour du tierçon prodigue

26 décembre 2014

Le 3 novembre dernier, la maison de Cognac Bisquit a pris réception d’un tierçon de Cognac lui ayant appartenu en… 1916. Le
3 novembre de cette année-là, en plein conflit mondial, la goélette suédoise chargée de 67 tierçons du même tonneau sombrait dans les eaux glacées de la Baltique, touchée par un sous-marin allemand. Retour du tierçon prodigue, près de 100 ans plus tard.

 

 

p59.jpgn 1916, le tsar Nicolas II, souhaitant honorer ses officiers impériaux, avait commandé à la Maison Bisquit-Dubouché, alors 3e au rang des maisons de négoce charentaises, 67 tierçons (400 hl vol.) de Cognac. Mais le sous-marin allemand U-22, en embuscade au large de la Finlande, coule le Jonkoping, la goélette affrétée pour le transport. Sombrent par le fond tierçons de Cognac mais aussi bouteilles de Champagne Heidsieck Monopole, flacons de Porto. Un peu plus de 80 ans plus tard, en 1998, un explorateur du fond des mers, Peter Lindberg, remonte la précieuse cargaison à la surface. Si les bouteilles de Champagne ont conservé leurs bulles et restent consommables (même si le breuvage est un peu trop sucré car « au goût américain » de l’époque), rien de tel pour le Cognac. Les tierçons sont remplis… d’eau salée. Mais, à l’abri de la lumière, sous une température constante, les fûts ont conservé leur intégrité, avec la marque Bisquit-Dubouché bien en évidence sur les fonds de barriques. Le groupe Pernod-Ricard, alors propriétaire de la société Bisquit, récupère quelques exemplaires des tierçons lors d’une petite cérémonie organisée sur le port de Stockolm. Jacques Rouvière, maître de chai de la maison de 1968 à 2007, se souvient d’être allé en Suède pour l’occasion.

Saint-Simon, village gabarrier

L’histoire aurait pu s’arrêter là si n’était venu se greffer une autre histoire, de marin d’eau douce cette fois. Rachetée en 2009 par le groupe sud-africain Distell, la maison de Cognac organise régulièrement pour ses hôtes des « Expériences Bisquit ». Au programme, visite du village gabarrier de Saint-Simon et petit tour sur la Charente avec La Renaissance, la ga-barre de l’association. Incidemment, Jean-Jacques Delage, l’un des piliers du groupe d’amateurs d’histoire locale, signale que le musée du village, la Maison du Gabarrier, possède un tierçon Bisquit-Dubouché. La maison aimerait-elle rentrer dans ses biens ? Marché conclu. En contrepartie d’un coup de pouce financier pour la refonte du site internet de l’association, le tierçon retrouve ses commanditaires, près de cent ans plus tard.

Une petite réception a été organisée boulevard de Paris, au siège de la société, le
3 novembre dernier. En l’absence de Vincent Chappe, président de Bisquit, appelé en
Afrique du Sud, Denis Lahouratate, l’actuel maître de chai, Eugénie Landriaud, du service eaux-de-vie et Loïc Rakotomalala, le brand ambassador de la maison, ont joué les maîtres de cérémonie. Avaient été invités, en plus de Jacques Rouvière, Jean-Luc Delage et une dizaine de membres de son association, des anciens employés de la maison Bisquit-Pellisson ainsi que Mlles Danglade, sixième génération de la famille Bisquit, branche Haviland (Limoges).

« L’héritage Bisquit »

« A travers cette saga des tierçons, nous essayons de cultiver l’héritage Bisquit, en préservant l’esprit de la maison, distillation longue, qualité des Cognacs… » a indiqué Loïc Rakotomalala. « Nous travaillons à ce que la maison revienne sur le devant de la scène, même si nous ne visons pas la troisième place, il ne faut pas rêver ! » a-t-il dit en riant. Le jeune ambassadeur de la marque a tout de même signalé qu’en Afrique du Sud, Bisquit occupait dorénavant la seconde place, devant Rémy Martin. Comme un fil rouge qui défie le temps, le maître de chai, Denis Lahouratate, a indiqué que certaines eaux-de-vie, dans les chais de la société, étaient encore logées dans des tierçons « présentant la même forme, la même taille, la même contenance que ceux ramenés de la Baltique. C’est toute la saga du Cognac, passée et future, qui s’entremêle. »

Dans l’agenda de Bisquit, si le 215e anniversaire du fondateur, né le 16 brumaire an VIII (7 novembre 1799), est passé relativement inaperçu, une date bien plus symbolique se profile à l’horizon. Il s’agit du 200e anniversaire de la maison, en 2019. En effet, Alexandre Bisquit avait vingt ans quand il créa sa propre maison. Le XIXe, l’ère des jeunes hommes pressés !

A Saint-Simon, « village gabarrier » entre Jarnac et Châteauneuf, La Renaissance navigue sur le fleuve Charente d’avril à la mi-octobre. Naviguer est peut-être un bien grand mot. Disons que la gabarre cabote environ 1 h 30 dans un mouchoir de poche. Mais quel mou-choir de poche ! Entre les villages et hameaux de Saint-Simon, Graves, Saint-Amant, Saintonge, cette microportion de la Charente concentre quelques-uns des plus beaux paysages de la région, avec vue sur d’élégantissimes églises romanes, écluses, petits ponts… Au temps de la batellerie, Saint-Simon faisait partie des deux chantiers navals importants du fleuve Charente, avec Port-d’Envaux, en aval de Saintes. Au centre du village, un petit musée sans prétention – La Maison des Gabarriers – retrace cette histoire. On peut le visiter avant ou après la balade sur La Renaissance, réplique d’une gabarre charentaise de 1780, d’un tonnage de 50-60 tonnes. On retrouvera ce type de bateau jusque dans les années 1820-1830, avant qu’il ne soit progressivement supplanté par le « Courreau de Bordeaux », d’une capacité bien plus grande (150 tonnes). Typique de la navigation sur la Dordogne, le modèle du Courreau sera repris par les chantiers de Port-d’Envaux. La Dame Jeanne de Cognac appartient à cette catégorie de bateau.

Saint-Simon Village gabarrier – Balade en gabarre d’avril à la mi-octobre

Horaires : 10 h – 12 h / 14 h – 18 h (tous les jours sauf le mardi)

Tarifs : adulte 7 € (gabarre + musée), 4 € musée seul / enfant (– 14 ans) 4 € (2 € musée seul)

contact@village.gabarrier.fr / Tél : 05 45 97 33 40 / www.village-gabarrier.fr

 

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