La spirale très positive des ventes de Martell depuis cinq ans engendre un développement global de l’entreprise qui s’inscrit dans le long terme. Cela se concrétise par une capitalisation au niveau des infrastructures technologiques (chais de vieillissement et moyens nouveaux…) et une volonté de construire des relations dans la pérennité avec les viticulteurs. La Sica UVPC a considérablement augmenté son activité au cours des cinq dernières puisque les volumes mis en stocks pour la maison Martell sont passés de 6 500 hl d’AP en 2003 à 21 897 hl d’AP en 2007. L’augmentation régulière et importante des niveaux d’achats d’eaux-de-vie s’est effectuée d’une part en s’appuyant sur les capacités de production libres des livreurs historiques et d’autre part en intégrant de nouveaux viticulteurs au sein de la Sica.
Deux millésimes difficiles et deux récoltes moyennes
L’intervention de M. Bernard Laurichesse, le président de l’UVPC, a commencé par un bref rappel du contexte production « des difficiles » millésimes 2007 et 2008 qui ont conduit à deux années de productions moyennes : « Le bilan de la récolte 2007 a été décevant sur le plan des volumes avec un rendement moyen inférieur à 90 hl/ha. La succession d’événements défavorables au cours de ce cycle végétatif, une très forte pression de mildiou et surtout une mauvaise floraison, ont fortement pénalisé la productivité des parcelles dans la région délimitée. Le climat froid et pluvieux de la deuxième quinzaine de juin a engendré une forte coulure et un millerandage abondant qui a fait chuter le potentiel de grappes à l’origine assez abondant. Heureusement, l’arrière-saison très ensoleillée a permis par la suite de faire grimper le TAV moyen des vins à 10,25 % vol., et au final la production moyenne de la région aura été de 8,80 hl d’AP/ha. Le niveau de distillation de 611 000 hl d’AP aura été nettement inférieur aux prévisions qui reposaient sur une QNV fixée à 10,65 hl/ha. Beaucoup de viticulteurs déçus par cette production modeste espéraient que 2008 serait plus facile. Or, le contexte climatique s’est encore montré très capricieux. Le débourrement est intervenu avec une semaine de retard, mais un coup de froid début avril a grillé dans les zones basses une proportion significative de bourgeons dans la bourre. La première déception a concerné le potentiel de grappes faible dès le débourrement qui est à relier au mois de juin 2007 froid et pluvieux (une mauvaise initiation florale). Par la suite, le climat capricieux tout au long de la saison a favorisé l’explosion du mildiou et le cycle végétatif a accusé un certain retard. Les conditions pluvieuses d’août ont perturbé le début de la maturation et le retour de conditions sèches et fraîches en septembre ont tout de même permis de faire mûrir les grappes au finish. Les rendements 2008 semblent un peu plus importants que ceux de 2007 mais avec des disparités importantes selon les zones. Comme les titres alcoométriques sont globalement inférieurs, le niveau de production moyen ne sera que légèrement supérieur à celui de l’année dernière. Ces deux millésimes de sous-production par rapport aux niveaux de QNV sont la conséquence pour une part de contextes climatiques difficiles auxquels vient s’ajouter un effet de vieillissement du vignoble. Dans des années à plus faible potentiel, l’impact des maladies du bois sur les rendements des parcelles est sûrement beaucoup plus marqué. »
21 900 hl d’AP mis en stock à l’issue de la récolte 2007
La campagne 2007-2008 a été aussi marquée par plusieurs réformes importantes qui ont occasionné certains changements au sein de la région délimitée. B. Laurichesse a rappelé que la mise en place de la nouvelle OCM à partir du 1er juillet 2008 et une série de décisions de l’interprofession comme le rendement annuel Cognac remplaçant la QNV, l’introduction de la déclaration d’affectation des surfaces, la possibilité de mettre en place la réserve climatique, la mise en place de l’ADG, le travail autour du cahier des charges de la production de Cognac… fixent désormais les principes d’organisation de la production de vins de distillation et des eaux-de-vie. La Sica UVPC a mis en stock, au cours de la campagne 2007-2008, 21 900 hl d’AP qui se répartissent dans les crus de la façon suivante : 15 % de Grande Champagne, 23 % de Petite Champagne, 18 % de Borderies et 44 % de Fins Bois. Au cours de cet exercice, 50 nouveaux adhérents ont été intégrés dans la coopérative qui au total regroupe la production de 238 propriétés viticoles. Les prix des eaux-de-vie ont aussi augmenté et pour la campagne 2008-2009, les objectifs de mises en stocks se situent autour de 28 000 hl d’AP. Le conseil d’administration a aussi fait évoluer les modalités de règlement qui désormais interviendront pour 50 % à la fin décembre et le solde en fin de campagne.
Des achats multipliés par deux en trois ans : « Une belle performance »
Au cours de ces dernières années, un gros travail a été effectué par l’équipe d’achat de vins et d’eaux-de-vie animée par M. Dominique Métoyer pour faire de la Sica UVPC un des outils majeurs de l’engagement d’achat contractuel de Martell auprès de la viticulture charentaise. Cela s’est traduit bien sûr par une forte augmentation volumique des achats, une nette augmentation du prix des eaux-de-vie au cours de la campagne 2007-2008 et l’établissement d’un dialogue simple et efficace entre les équipes de Martell et les livreurs de la Sica.
M. Jean Marc Morel, le directeur général adjoint de Martell qui a pris ses fonctions depuis le début de l’année 2008, considère que l’évolution de la Sica UVPC depuis quelques années est totalement en phase avec la stratégie de premiumisation mise en par Martell et le groupe Pernod Ricard : « Avoir réussi à doubler les volumes d’achats de la Sica en trois ans est une très belle performance et je vous remercie de la confiance que vous accordez à Martell. Vous avez su répondre présent quand l’équipe d’achats vous a sollicités. En 2007 où la récolte a été plus maigre, merci d’avoir distillé pour nous 1 hl d’AP/ha de plus que la moyenne régionale. Les perspectives d’augmentation de volumes d’achats ne vont pas doubler tous les trois ans. L’objectif pour la campagne 2008-2009 de mettre en stock au sein de la Sica 28 000 hl d’AP va représenter un niveau d’achat que nous souhaitons stabiliser pendant quelques années. Dans l’avenir, nous souhaitons aussi porter plus d’attention à la répartition des achats dans les différents crus. Nous sommes pleinement conscients des besoins d’investissements qui doivent être réalisés au niveau du vignoble et c’est pour cette raison que nous avons augmenté les prix des 00 en 2007 de 4 à 8 % selon les crus et que nous les augmenterons aussi en 2008 de 2,48 %. La hausse du coût de l’énergie au niveau de la distillation sera aussi prise en compte puisque les frais de distillation pour la campagne en cours vont augmenter de 5,40 % pour atteindre 130 €/hl d’AP. L’état du vignoble est aussi un sujet de préoccupation qui mobilise Martell. Les premiers échos de la récolte 2008 que nous avons recueillis, attestent à la fois de fortes déceptions, parfois de belles surprises et d’une fréquente hétérogénéité de production. Certaines propriétés, certains îlots de parcelles décrochent ou s’en sortent mieux alors que le même niveau de technicité est mis en œuvre partout. Cette situation interpelle beaucoup de viticulteurs et nous inquiète aussi. Sur les vignobles Martell et Renault-Bisquit, nous vivons les mêmes problèmes que vous. Le renouvellement du vignoble, l’expansion des maladies du bois, le manque de main-d’œuvre qualifiée, les problèmes de succession sont des sujets de réflexions autour desquels les équipes de Martell sont actuellement mobilisées pour voir comment vous aider. »
La forte progression des achats d’eaux-de-vie s’est accompagnée d’investissements importants dans des bâtiments de stockage (d’environ 40 millions d’euros). Sur le site de Chanteloup, quatre chais d’un volume total de 90 000 hl sont achevés et déjà remplis, et un nouveau programme de constructions est engagé sur le site de Lignières à Rouillac. Quatre chais d’une capacité totale de 150 000 hl sont en train de sortir de terre dans un environnement parfaitement sécurisé qui se situe à proximité du complexe d’embouteillage.
2007, un beau millésime sur le plan de la qualité
Le maître de chais, M. Benoît Fil, a effectué un bilan de la qualité des eaux-de-vie du millésime 2007. Les vins de la récolte 2007, bien qu’ayant des titres alcoométriques un peu élevés, ont permis d’élaborer des eaux-de-vie typées et aromatiques. En ce qui concerne la récolte 2008, les résultats d’un sondage auprès de 86 livreurs de la Sica donnent une première tendance : un rendement moyen de 95 hl/ha en volume, un titre alcoométrique moyen de 9,83 % vol., et au final une production d’eaux-de-vie de 9,3 hl d’AP/ha. Cette production légèrement supérieure à celle de 2007 laisse espérer aux responsables de l’équipe de production de Martell la mise en stock au niveau de la Sica d’un volume proche de 28 000 hl d’AP.
Le maître de chai a aussi donné quelques éléments sur la qualité des vins de 2008 : « Globalement, les vins ont un titre alcoométrique compris entre 9,5 et 10 % vol. et possèdent des niveaux d’acidité élevés. Les foyers de botrytis présents début septembre ne se sont pas développés par la suite et, d’une manière générale, les vinifications se sont déroulées
normalement. Seules quelques matinées fraîches au début du mois d’octobre ont pu perturber le démarrage des fermentations. Les premières analyses révèlent que les teneurs en acétate d’éthyle sont faibles et celles en alcools supérieurs et en éthanal sont parfois supérieures à la moyenne. Le démarrage précoce de la distillation est vivement conseillé car plus la campagne avance, plus les risques de voir la qualité des vins se détériorer augmentent. Au niveau de la conduite de la distillation, les grands principes de la méthode Martell avec les repasses des secondes dans les vins, la distillation des vins clairs, les prélèvements des têtes maîtrisés, le respect de la courbe de chauffe pendant le coulage du cœur, une prise de risque maîtrisée au niveau de la coupe, le respect des températures de coulages des distillats… contribuent à l’obtention d’eau-de-vie ayant le style Martell. Le préchauffage des vins doit être abordé avec beaucoup de sérieux pour ne pas mettre en péril la qualité. Les vins peuvent être préchauffés sur un temps court ne dépassant pas le niveau de température de 30 °C. L’équipe de dégustation se tient à la disposition des bouilleurs de cru pour les aider à caler leurs chauffes et Jean-Michel Arnautou est toujours disponible pour se rendre dans les distilleries pour apporter des conseils pratiques et aller plus loin dans la recherche de qualité. »
L’engagement des livreurs Martell dans les démarches HACCP depuis dix ans avait amené les équipes du laboratoire à mener des investigations en 2006 sur les teneurs en phtalates des eaux-de-vie. Ces composés sont extraits lors de l’utilisation de tuyaux non qualifiés pour les eaux-de-vie de Cognac. La Station viticole du BNIC a réalisé une étude sur ce sujet qui a débouché sur la qualification de plusieurs types de flexibles pour le transfert des eaux-de-vie (éléments disponibles sur la base de données matériaux au contact). Les conclusions de l’étude de 2006 avaient révélé qu’un certain nombre de lots présentaient des teneurs supérieures à 1 000 microgrammes/l, un seuil jugé trop élevé par rapport aux normes en vigueur sur certains marchés d’exportation. Une nouvelle enquête sera effectuée sur les livraisons 2008 afin d’inciter les bouilleurs de cru à prendre des précautions lors du transfert de leurs eaux-de-vie.
Les produits de luxe haut de gamme moins sensibles aux effets de la crise
Les aspects économiques ont tenu une part importante des débats au cours de cette assemblée générale. B. Laurichesse a présenté les chiffres d’expéditions de Cognac qui ont une tendance baissière depuis plusieurs mois. Les expéditions totales de Cognac ont chuté de 10 % mais avec des écarts importants selon les qualités. La catégorie des VS est la plus touchée avec -16 % en volume alors que les VSOP et les XO résistent beaucoup mieux avec seulement un recul de 1 %. Les expéditions baissent significativement sur le marché américain et dans les pays de la Communauté européenne (-17 % et -14 %) alors que l’Asie et les pays de l’Est enregistrent des progressions intéressantes.
Les effets de la crise financière ayant une incidence de plus en plus marquée sur l’économie des grands pays industrialisés au fil des mois, beaucoup de viticulteurs et de professionnels de la région de Cognac s’inquiètent pour l’avenir des expéditions de Cognac à court et moyen terme.
M. Lionel Breton, le président-directeur général de Martell Mumm Perrier Jouet, avait consacré son intervention à la présentation d’informations sur les perspectives économiques mondiales et les évolutions commerciales des spiritueux appartenant à la catégorie des produits de luxe. Le discours qu’il a tenu était étayé d’éléments émanant du FMI (Fonds monétaire international) : « 2009 sera une année difficile sur le plan économique. Le FMI annonce un ralentissement de la croissance économique pour l’année 2009 dont l’importance sera très variable selon les continents et les pays. Les
pays déjà confrontés en 2008 aux conséquences de la crise financière rentreront dans une période de récession en 2009. Les Etats-Unis, l’Europe et le Japon seront confrontés à des difficultés sérieuses et les plans de relance économique ne commenceront à faire sentir leurs effets qu’à partir de la fin de l’année prochaine, voire dans le courant de l’année 2010. A l’inverse, les pays qui avaient un niveau de croissance élevé en 2008 verront leur développement fléchir mais continueront de dégager de la richesse. La Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil vont continuer à se développer et à jouer un rôle moteur dans l’économie mondiale. La plupart des économistes semblent assez unanimes sur l’intensité de la crise en 2009 et pensent que les premiers signes de redressement ne seront perceptibles que dans le courant de l’année 2010. Les phénomènes de spéculation boursiers ont engendré une crise de confiance malmenant les cours d’actions de sociétés dont l’activité reste bonne. Le Cognac, qui appartient à la catégorie des produits de luxe, est commercialisé par des entreprises et des groupes professionnels qui développent la catégorie. Les expéditions de Cognac vont-elles pâtir durablement des conséquences de la crise ? Il n’est pas facile de répondre à une question aussi importante. Dans des pays comme la Chine ou la Russie qui vont en 2009 continuer de développer de la richesse, les perspectives de commercialisation restent intéressantes. La frange de population riche ne cesse d’augmenter régulièrement dans ces pays et la consommation de Cognac haut de gamme incarne la réussite sociale. A l’inverse, en Europe et aux Etats- Unis, on peut s’attendre à une contraction des expéditions en 2009. La part de marché importante des qualités VS dans ces pays rend peut-être le Cognac plus sensible aux effets de la crise. Dans l’univers des produits de luxe, les produits très haut de gamme évoluent dans un contexte de marché stable, peu soumis aux fluctuations de l’économie. L’échelle de prix des bouteilles de Cognac est très variable entre une qualité VS et un XO (de 1 à 5) et les qualités supérieures devraient mieux résister à la crise. Les grands opérateurs de la région ont su se positionner sur les produits haut de gamme et c’est cette catégorie qui crée de la valeur et assurera la pérennité de la région. Pour l’avenir, je continue d’être confiant pour la catégorie Cognac même si 2009 risque d’être une année difficile. Le travail de tous les opérateurs entre 2002 et 2007 a permis de faire progresser les ventes de 5 % par an, ce qui est un exploit. Pendant cette même période, les qualités XO ont vu leur volume s’accroître de 13 %/an et désormais ces produits haut de gamme dans l’univers du luxe sont installés sur des marchés où la demande reste porteuse. »
Le lancement d’un élixir d’exception : L’Or de Jean Martell
Dans ce contexte où l’économie mondiale va traverser une période incertaine dans les deux ans à venir, L. Breton estime que la stratégie commerciale de premiumisation de Martell « n’est pas la plus mauvaise ». La gamme des Cognacs haut de gamme de Martell avec le Cordon bleu, l’XO, l’Extra va s’étoffer d’une nouvelle qualité, l’Or de Jean Martell, qui est un produit d’excellence destiné au marché chinois.
Le lancement de cette qualité d’exception a eu lieu il y a quelques semaines en présence de 300 clients chinois réunis pour un dîner au château de Versailles. L’Or de Jean Martell, qui sera commercialisé pour le Nouvel An chinois à Shanghai est un assemblage de 400 eaux-de-vie différentes dont la plus vieille date de 1871. Les flacons en cristal de Sèvres sont remplis à la main et le nouvel élixir de Martell serait vendu 2 200 € le flacon. Au cours du premier trimestre de l’exercice 2008-2009, les volumes vendus de Cognac Martell enregistrent une baisse de 14 % mais le chiffre d’affaires est en hausse de 5 %, ce qui atteste de la part dominante des qualités supérieures dans l’activité de Martell.
La maison de négoce serait-elle devenue le premier metteur en marché de qualités supérieures de la région délimitée ? L. Breton ne s’est pas exprimé sur ce sujet mais il a tout de même indiqué que Martell était un moteur de croissance financière pour le groupe.
Le groupe Pernod Ricard assure lui-même la distribution de ses produits grâce à un réseau de distribution bien implanté dans tous les pays ayant un fort potentiel de marché. Cela représente l’avantage d’assurer le développement des 15 marques stratégiques (dont fait partie Martell) de façon plus efficace selon les marchés. Dans un pays comme la Chine, la filiale de distribution de PR emploie 400 personnes réparties dans 7 antennes géographiques différentes qui tiennent compte des spécificités de chaque grande région. En Russie, la même organisation a été mise en place et les résultats commerciaux semblent à la hauteur des attentes suscitées par ce grand pays.
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