Sessions plénières un peu exceptionnelles que celles qui ont clôturé cette année élective Chambres. En Charente, le président Xavier Desouche a présenté le 28 novembre dernier la politique générale de la Chambre d’agriculture pour la mandature 2013-2019, une politique articulée autour de quatre axes. Nouvelle PAC et verdissement représentent des piliers du changement. Le grand défi des Chambres ! Aider les agriculteurs à s’y adapter. Interview de Xavier Desouche.
Comment avez-vous défini cette politique générale, amenée à se décliner sur les années à venir ?
Avec les membres du bureau, nous nous sommes d’abord réunis en juin puis nous avons étendu la réflexion aux salariés en juillet et avons ensuite travaillé avec les différents Comités d’orientation de la Chambre (Comités végétal/environnement, élevage, diversification/circuits courts…) pour affi-ner les propositions. Un même intervenant a animé notre séminaire et ceux des quatre autres Chambres d’agriculture de Poitou-Charentes (les trois Chambres départementales + la Chambre régionale) de façon à ménager une cohérence régionale. Nous avons extrait quatre axes prioritaires, que je vous cite in extenso : « Préparer et accompagner les agriculteurs aux évolutions de leur métier et de leur environnement » ; « Positionner l’agriculture au cœur du territoire » ; « Etre l’interface entre les agricul-teurs, les OPA économiques et politiques, les collectivités territoriales, les pouvoirs publics » ; « Assurer le rayonnement et la vie de Chambre d’agriculture ».
Ces objectifs, prenons-les un à un. Qu’entendez-vous précisément par « Préparer les agriculteurs aux évolutions de leur métier et de leur environnement » ?
Je ne vous donnerai qu’un seul exemple, celui de la nouvelle PAC, appelée à s’appliquer sur la période 2014-2020. Si l’on n’en connaît pas encore tous les détails (interview réalisée début décembre 2013 NDLR), on en possède déjà les grandes lignes. A travers toutes nos publications, l’idée est d’encourager les agriculteurs à anticiper les évolutions à venir. Dans le même temps, la Chambre travaille avec les pouvoirs publics sur le PDRR, le Plan de développement rural régional. Le PDRR est en quelque sorte le logiciel qui va conditionner, dans nos régions, l’accès aux aides du second pilier de la nouvelle PAC. C’est dire son importance. Car vous n’ignorez pas que la nouvelle PAC va faire perdre aux
agriculteurs 7 à 8 % du montant des aides du premier pilier. L’idée consiste donc à tenter de récupérer ces sommes sur les aides du second pilier. Ce sera peut-être possible pour certains, plus difficile pour d’autres. Je pense notamment aux « purs céréaliers » qui devraient perdre 30 % sur 5 ans. Pour eux, la compensation sera beaucoup plus compliquée. A terme de 10-15 ans, l’Europe veut d’ailleurs arriver à une aide unique par pays. La France n’y est pas opposée mais à condition d’y mettre un garde-fou : que les agriculteurs, en moyenne, ne perdent pas plus de 30 % du montant des soutiens. Aujourd’hui, la prime moyenne tourne au-tour de 282-283 € de l’ha. Elle peut grim-per à 500-600 € de l’ha pour des formes d’agricultures très spécifiques et descendre à 50 € de l’ha pour d’autres. Dans cette recherche de convergence, des structures verront leurs primes monter, d’autres baisser. Mais nous n’en sommes pas là. Pour l’instant, nous nous focalisons sur le PDRR, les aides du second pilier.
Dans cette négociation, quel rôle peut jouer une Chambre d’agriculture ?
Le rôle d’une Chambre est à la fois assez modeste et totalement déterminant. C’est vrai qu’à 70 %, les aides du second pilier sont déjà fléchées par l’Etat. Cela va de la politique d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs aux ICHN (Indemnités compensatoires des handicaps naturels) visant les zones de montagnes, les zones difficiles… Mais, pour le reste, les Chambres d’agriculture ont leur mot à dire. Certes, c’est la Chambre régionale d’agriculture qui coordonne toutes les mesures et les sous-mesures, mais la concertation s’exerce au sein de la Région et chaque Chambre joue sa carte. Cela signifie que nous nous battons, mesure par mesure, pour coller au mieux à nos besoins. C’est d’autant plus possible que les termes de ces mesures sont souvent assez généraux. En matière d’adaptation au contexte local, je citerai les mesures concernant les bâtiments d’élevage ou encore les aires de lavage en viticulture. Par ailleurs, il faut savoir que les mesures du second pilier ne s’adressent pas qu’aux agriculteurs mais aux ruraux en général. Assez logiquement, une Chambre d’agriculture va chercher à défendre ses mandants.
Comment se présente le PDRR ?
Il comporte une liste de 40 mesures et de 72 sous-mesures, dans laquelle la Région peut puiser 28 mesures et 40 sous-mesures. À l’origine, le budget du 2e pilier s’élevait, pour la Région Poitou-Charentes, à 30 millions d’€ sur 5 ans. Il va passer à 60 millions d’€. La grosse partie des aides se retrouvera rattachée au « paquet MAE », c’est-à-dire aux mesures agro-environnementales. A Angoulême, nous sommes dans les starting-blocks pour flécher les aides qui offrent le meilleur « rendu », à la fois accessibles au plus grand nombre et les plus « payantes ». Une première version du PDRR nous a été présentée en juillet, une deuxième version en octobre, à laquelle nous avons répondu. La version définitive devrait sortir fin mars.
Vous faites de « l’agriculture au cœur du territoire » votre deuxième axe prioritaire ».
A travers cette déclaration d’intention, le but est quand même de favoriser au maximum l’installation des jeunes et, plus généralement, de tous les porteurs de projet. Si, demain, ne reste plus dans les communes qu’un ou deux agriculteurs, de quel poids pèseront-ils sur les décisions des conseils municipaux ? C’est, entre autres, la question des finances communales, des impôts sur le foncier bâti et non bâti. Il est déjà assez faramineux de constater l’état de déséquilibre qui règne en Charente. Sur le foncier bâti, les prélèvements d’un agriculteur à un autre, d’une commune à l’autre, s’étalent de 5,02 % à 40,2 %, soit un facteur multiplicateur de 8. Sur le foncier bâti, le différentiel est encore plus manifeste. Il va de 1 à 10, avec une fourchette comprise entre 10,90 % et 99,38 %. Inutile d’insister sur la distorsion de concurrence qu’induit une telle disparité de traitement. Toujours au chapitre de « l’agriculture au cœur du territoire », une ligne – et bien davantage – concerne la difficile conciliation entre valeur ajoutée, durabilité, productivité et environnement. A la Chambre 16, nous avons tendance à considérer que valeur ajoutée et durabilité conditionnent les moyens de s’occuper de l’environnement. Si, demain, l’agriculture ne fonctionnait plus, qu’adviendrait-il de l’environnement ? Même chose pour la productivité. La première des missions de l’agriculture n’est-elle pas de nourrir les hommes, de plus en plus nombreux sur terre.
Quid de la Chambre d’agriculture comme interface entre les agriculteurs, les OPA, les collectivités territoriales, les pouvoirs publics.
Après la session de Chambre, M. le Préfet nous a demandé d’organiser la visite de plusieurs exploitations : une exploitation laitière et bovin viande en zone confolentaise, une exploitation céréalière et d’élevage en sud Charente, une exploitation viticole. Sur l’exploitation bovin viande, la fièvre catarrhale avait déjà fait perdre un salarié en 2007-2008. La sécheresse de 2010 a eu raison du poste du second salarié. Le couple travaille donc seul sur l’exploitation. Mme est bénévole. Tous les deux parviennent juste à sortir un SMIC sur 140 ha de terres et 110 animaux. La nouvelle Directive nitrate qui arrive devrait les obliger à augmenter la capacité de la fosse à lisier, soit un investissement d’environ 50 000 €. Heureusement, l’Administration est bienveillante et permet l’épandage du lisier jusqu’au 15 décembre, ce qui offre la possibilité de conserver les fosses actuelles. Ce cas, parmi d’autres, met en lumière l’interférence entre le politique, l’économique, le social. Une cellule de soutien à l’élevage a été mise en place pour essayer de trouver des solutions. Le tour de table réuni tous les acteurs publics – DDT, MSA, Chambre d’agriculture, Groupement de défense sanitaire…
Comme quatrième axe de travail vous avez retenu un objectif intitulé « le rayonnement de la vie de la Chambre ». En quoi est-ce important ?
C’est important parce que nous voulons nous battre pour maintenir une Chambre au niveau départemental. Le risque ? C’est d’aller vers une régionalisation, où les élus seraient très loin de leurs territoires, couper de leurs bases. Si, un jour, la Chambre d’agriculture d’Angoulême devenait une antenne de la Chambre régionale, je ne suis pas sûr qu’il y aurait encore des agricul-teurs pour s’impliquer. Ne rajoutons pas une peine à une autre peine. Il y a déjà bien assez du redécoupage des cantons. Imaginez qu’en Charente le nombre de cantons va passer de 35 à 19. L’impact risque d’être très fort en agriculture, avec une réduction drastique des conseillers généraux issus de la ruralité.
En dehors de la réforme de la PAC, quels sont les sujets qui vous ont mobilisé le plus ces derniers temps ?
Très clairement la Directive nitrates. Voilà deux ans que la Directive nitrates est en cours de négociation, pour sa 5e révision (elle est apparue en 1991 NDLR). Si la définition des zones vulnérables est bouclée depuis le 1er janvier 2013, nous avons passé tout l’été et l’automne a discuté pied à pied avec la DREAL, la DRAF au sujet des conditions d’épandage de l’azote chimique et organique. Quel calendrier, quelle pente, quelle couverture d’automne, les fameux Cipan (cultures intermédiaires pièges à nitrates) que les agriculteurs devront semer en septembre pour éviter le lessivage des nitrates en automne… Ce « paquet », qui restait à écrire, relève d’un arrêté préfectoral spécifique à la région Poitou-Charentes. Les discussions n’ont pas été simples mais nous arrivons au bout du processus. Le 21 janvier 2014, une dernière réunion a eu lieu avec Mme la Préfète de Région. Le texte définitif devrait sortir en avril prochain. Classés en zones vulnérables, tout le sud Charente ainsi que le Cognaçais sont concernés.
Un budget 2014 rigoureux
Le budget initial 2014, présenté en session Chambre, est prévu à – 100 000 € mais les élus espèrent bien terminer l’exercice en positif.
Le budget prévisionnel 2013 était calibré à – 248 000 €. Au final, il s’est terminé à – 196 000 €. Sur ce montant, X. Desouche précise que 50 000 € ont été imputés à la revalorisation des jours de vacances dus aux salariés (jours en stock) et, surtout, que la majeure partie du déficit (130 000 €) est liée à un épisode indépendant de la volonté de la Chambre. « Nous avons dû provisionner un licenciement induit par une incapacité de travail détecté par le médecin alors que le salarié a totalement sa place dans l’entreprise. De telles situations laissent sans recours. » Le président de l’organisme consulaire a indiqué que les réserves financières de la Chambre représentaient 133 jours de fonctionnement. « Nous avons eu la chance de trouver une entreprise bien gérée par l’ancienne mandature. Ce qui permet de passer le déficit sans recourir à l’emprunt. Ce n’est pas le cas d’autres Chambres en France. » Il remarque quand même que la Chambre d’agriculture de Charente a vendu toutes ses antennes (Cognac, Saint-Amant-de-Boixe…). La Chambre ne possède plus que l’emprise d’Angoulême. Ailleurs, elle est locataire à Segonzac, Mansle, Montmoreau… « Certes, cela procure un fonds de roulement honorable mais au prix d’une décapitalisation. »
Pour l’année 2014, le budget initial a été présenté à – 100 000 €. Cependant, la Chambre espère bien finir l’exercice en positif. « Ce budget, nous l’avons voulu à la fois rigoureux et optimiste. Nous pensons que la part des prestations pourra atteindre 21 à 22 % du budget. » Le président de l’organisme a par ailleurs manifesté le souhait de voir évoluer la présentation du budget. « La ligne “subventions” me semble révi-sable. L’allocation du Conseil général, de 500 000 €, figure en subvention alors qu’il s’agit pour l’essentiel de prestations, liées à des conventions. »
C’est en 1978 que la Chambre a intégré ses locaux d’Angoulême qui, précédemment, appartenaient à l’entreprise d’électricité Chapuzet. Sans être vétuste car régulièrement entretenu, le site n’offre plus toutes les commodités attendues. Entre autres, un immense escalier central « mange » l’espace. Réhabiliter le bâtiment existant, en construire un nouveau ? L’idée court depuis plusieurs années et l’équipe en place l’a reprise à son compte. « Nous sommes en train d’y réfléchir » confirme Xavier Desouche. « Il faut étudier l’aspect financier, voir les aides disponibles. » Il ne le cache pas : un nouveau bâtiment à énergie positive lui semblerait préférable. « La Chambre doit montrer l’exemple. » Une chose est sûre : un changement de site n’est pas envisagé. A l’intersection de plusieurs voies rapides, le bâtiment présente une situation privilégiée.
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