L’Exemple Des Vignobles Guionnet

28 mars 2009

La Rédaction

A l’occasion d’un regroupement d’exploitations, les vignobles Guionnet, à Gensac-la-Pallue, ont franchi le pas de la mise aux normes. Explications de Bernard Guionnet.

 

cuve_de_decantation.jpgLes vignobles Guionnet regroupent environ 150 ha, 140 ha en production et 10 ha en première et deuxième feuilles. Des trois chais existants, il n’en subsiste plus qu’un, créé de toutes pièces. L’occasion à saisir pour franchir le pas de la mise aux normes. Ce qui fut fait lors des dernières vendanges. Un an après l’ouverture du chantier, le chai était prêt à fonctionner le 22 septembre. L’ensemble se compose du bâtiment de chai, d’une batterie de cuves extérieures pour la fermentation et le stockage, d’une aire de lavage et d’un système de traitement des effluents vinicoles. Celui-ci fait appel à la technique dite « aérobie ». Le chai proprement dit est conçu pour absorber l’entrée de vendanges de deux machines à vendanger. Le bâtiment s’ouvre classiquement sur un conquet de réception équipé d’une pompe à vendange et de tuyaux inox de larges diamètres. Cette entrée de vendange profite d’une petite pente. A sa suite viennent trois pressoirs pneumatiques d’un rendement jus d’environ 160 hl. Séparées par un caniveau de collecte des eaux de lavage, des cuves de décantation font face aux pressoirs. Car l’exploitation a choisi de recourir à la technique de la décantation sur l’ensemble de sa récolte. Afin de faciliter les opérations, à chaque pressoir correspond une cuve de décantation de 180 hl. S’y ajoute une quatrième, pour gagner en souplesse de travail. Si la décantation elle-même dure entre 40-45 minutes, le cycle pressurage/décantation court sur trois heures et demie, au rythme de trois cycles par jour. Grosso modo, les jus de bourbes représentent 5 à 10 % du volume total soit, sur 12 à 13 000 hl vinifiés, environ 1 000 hl. Ces jus sont envoyés aux prestations viniques ou à la D.O. « Nous avons fait de bons Cognacs sans décanter mais il faut avouer que les vins décantés ont bien plus d’allure relève B. Guionnet qui précise que sur de la vendange botrytisée la décantation s’impose. » Comme beaucoup, il considère que « le décantage n’est pas très compliqué à condition d’être bien équipé ». Car la technique, pour être couronnée de succès, réclame de la main-d’œuvre. Quel que soit le volume traité, on estime que deux personnes au chai sont pratiquement nécessaires. Et encore ne faut-il pas passer trois-quatre d’heure là où trois minutes suffiraient. D’où l’intérêt d’avoir du matériel adapté, telles ces cuves sur pieds, d’un coût plus élevé (pieds et fonds renforcés) mais qui permettent un nettoyage facile. Entre chaque cycle, les cuves de décantation sont rincées sous pression, afin de repartir totalement propres. De l’aveu même de l’exploitant, manque au chai un réchauffeur. Un investissement prévu mais reporté dans le temps, vu le coût assez élevé, surtout pour un gros débit.

Un volume d’eau conséquent

Pour apprécier le volume d’eau usée généré par le chai, B. Guionnet reprend les abaques généralement cités pour la viticulture charentaise : 30 l d’eau pour 1 hl vinifié, sans parler du volume d’eau nécessaire au lavage de la machine à vendanger, estimé à environ 20 hl par intervention. Que se soit sur l’aire de lavage ou au chai, toutes les eaux sont récupérées. Un dégrilleur tri les matières solides, associé à un déshuileur. Une pompe de reprise envoie les eaux usées dans un bassin de rétention en vue de leur traitement.

C’est la Chambre d’agriculture d’Angoulême (service de M. Valois) qui s’est occupée de l’ingénierie du bâtiment de chai : calibrage des installations, système de collecte des eaux… Patrick Vinet, technicien viticole, a apporté son expertise et un architecte a harmonisé le tout. B. Guionnet parle de la configuration du terrain comme d’une donnée essentielle. « C’est compliqué ces histoires de pente, dit-il. Pour arriver à récupérer aussi bien les eaux de pluie que les eaux usées, il a fallu créer une puis deux puis trois pentes. » A l’usage, cela fonctionne. Une vanne bi-pass permet aux eaux de pluie de retourner vers le milieu naturel sans passer par la case épuration. Cette année, il n’y a pas eu lieu de l’actionner. En ce qui concerne les effluents phyto, l’exploitation a choisi la solution de l’aire de lavage séparée, pour ne pas avoir à gérer une troisième vanne.

Le système « aérobie »

cuve_de_decantation_2.jpgEn matière d’effluents vinicoles, l’exploitant a opté pour le système de traitement dit « aérobie ». Les bactéries indigènes (sans ensemencement préalable), activées par oxygénation du milieu (agitateur automatique) mangent le sucre et la matière organique. Quand l’eau de surface est débarrassée de ses impuretés, une pompe immergée l’a renvoi sur un bac à sable afin de « fignoler » la dépollution. L’eau rejoint ensuite le milieu naturel par un circuit de drains. Des premières eaux expédiées dans le bassin en début de vendanges jusqu’à la fin du process de traitement il s’écoulera environ cinq mois. Une fois lancé, le système fonctionne d’abord en continu, 24 h sur 24 pendant dix-douze jours (oxygénation par brassage). Attention au bruit de fond, un ronron assez lancinant qui peut s’avérer gênant. Puis la durée quotidienne de travail décline progressivement (22 h, 20 h…) pour s’achever deux mois et demi plus tard. Au fur et à mesure que l’eau s’éclaircit, la pompe de surface envoie 40 à 50 hl d’eau par les tuyaux sur un bac à sable de 60 à 80 cm d’épaisseur, de différentes granulométries. Ensuite l’eau est canalisée par de grosses buses de drainage pour s’écouler dans le milieu naturel. Un tableau de commande automatique gère l’agitateur et la pompe de reprise. En cas d’anomalie, l’alarme se déclenche. Pour répondre aux besoins de l’exploitation a été construit un bassin de rétention, d’une capacité de 720 m3 pour 630 m3 utiles. Une bâche EPDM (Ethylène – Propylène – Diène – Terplymère) en tapisse le fond. Très souple et résistante, elle est garantie dix ans. Sur le bord du bassin, une potence permet de remonter la pompe immergée de 230 kg. Les boues en fond de bassin peuvent faire l’objet d’un épandage, avec plan d’épandage à l’appui.

Hors aire de lavage, le coût global de l’installation de dépollution atteint 55 000 €. Cette somme se répartit entre 19 000 € de gros œuvre – fosse pour 17 500 €, membrane, clôture, bac à sable – et 35 000 € de matériels (dégrilleur, poste de relevage pour la collecte des effluents ; agitateur, pompe de relevage pour l’équipement de la fosse). Vinifiant plus de 5 000 hl vol. de vin, les vignobles Guionnet versaient depuis deux ans une redevance à l’Agence de bassin. Identifiés par Adour-Garonne, ils rentraient donc dans les clous pour pouvoir bénéficier des subventions de l’Agence. Sur leur investissement agro-environnemental, ils ont bénéficié d’une subvention de l’Agence de bassin de 15 % assortie de 40 % de prêts à taux zéro remboursables sur 10 ans (voir encadré sur les condition d’accès). Bien entendu, avant financement, le dossier a été présenté à l’Agence pour agrément préalable des travaux.

Agence de l’eau et accès aux aides

Responsable du service agro-alimentaire à l’Agence de l’eau, Eric Gouzenes est connu des Charentais. Il précise les conditions d’accès aux aides.

E. Gouzenes – « Parce que l’enveloppe financière n’est pas extensible, un établissement redevable à l’Agence de l’eau sera prioritaire par rapport à un autre qui ne le serait pas. C’est d’ailleurs assez normal. Que visent les aides sinon à déclencher un impact sur l’environnement. Il convient donc de traiter en premier lieu les foyers de pollution les plus marquants, ceux-là même qui, de par leur taille, sont redevables à l’Agence. Par contre si, en fin d’année, toute l’enveloppe d’aides n’est pas consommée – ce qui arrive – rien ne nous empêche de retenir les demandes de non redevables. » E. Gouzenes rappelle les seuils de déclenchement de la redevance : en Charentes, 5 000 hl vol. vinifiés en moyenne et en Gironde 2 700 hl. Les entreprises qui dépassent ce seuil sont donc conduites à payer la redevance. Par contre, dès lors qu’elles auront traité la pollution – qu’elles se seront mises au clair par rapport aux normes environnementales – elles se verront exemptées de cette redevance. Les aides consistent en 15 % de subventions et 40 % d’avance remboursable sur 10 ans sans intérêt.

 

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