Camus La grande Marque : Une société familiale de taille inermédiaire

21 août 2012

La Rédaction

De statut de « plus grande des PME du Cognac », la société Camus vient très officiellement d’accéder à celui d’ETI (Entreprise de taille intermédiaire). Ce qui en ferait « la plus petite des grandes maisons de Cognac ». En trois ans, l’entreprise a triplé son chiffre d’affaires et doublé son volume de vente. Une réussite qui a d’autant plus de prix aux yeux de Cyril Camus « qu’elle reflète un modèle de société familiale indépendante ». Interview du P-DG de Camus.

 

p7.jpgEn doublant ses ventes et triplant son chiffre d’affaires, la société Camus a franchi un cap.

Nous avons profité, comme la quasi-totalité des opérateurs régionaux, d’un marché porteur. Nous nous sommes développés sur la Chine mais pas seulement. Notre développement a concerné tous les marchés. Nous avons installé des bureaux ou des filiales de distribution en Russie, au Vietnam, aux Etats-Unis. Ce qui nous a valu, sur le dernier exercice, de passer du stade de PME à celui d’ETI (Entreprise de taille intermédiaire). Si nous restons une entreprise familiale, il a fallu revoir notre mode de gestion pour, à la fois, piloter l’ensemble de nos activités et conserver, pour chacune des entreprises dont Camus a la charge, une proximité et une flexibilité qui font la force d’une PME. De 280 salariés il y a trois ans, le groupe est passé à 500 personnes aujourd’hui. Dans ces conditions, nous ne pouvions pas maintenir une même organisation.

Vers quoi avez-vous évolué ?

Nous sommes passés à une forme de directoire et conseil de surveillance. Le directoire de Camus La grande marque se compose de trois personnes : Gérald Juanola, directeur général des opérations, Patrick Léger, directeur général eaux-de-vie et moi-même, directeur général ventes et marketing. Au niveau du groupe, nous avons des sociétés dans un certain nombre de pays. Elles sont elles-mêmes pilotées par un directoire constitué de trois personnes : Jean-Marc Girardeau, directeur compliance (1) du groupe, Jacques Crozier, directeur financier et moi-même qui préside le directoire. Ce type de schéma assure la proximité. Il permet à chaque employé d’avoir un référent direct dans l’entreprise.

Aujourd’hui, comme définiriez-vous
la société Camus ?

De toute évidence, pour moi, l’aspect peut-être le plus satisfaisant de nos performances actuelles, c’est de constater que le modèle de société familiale indépendante reste quelque chose de possible, malgré les doutes et les questionnements exprimés par pas mal de gens.

Est-ce un modèle facile et comment fonctionne-t-il ?

Non, bien sûr, ce n’est pas un modèle facile. Il y faut un minimum de moyens. A chaque fois, cela suppose de trouver des astuces pour rentrer sur les marchés sans être écrasé par les autres. En Chine par exemple, nous nous retrouvons face à des groupes qui disposent de moyens énormes. Cela dit, il est possible d’exister à côté d’eux. A meilleure preuve, dans ce pays, nous avons mis en place notre propre société de distribution, dotée de plus de 200 collaborateurs. Aux Etats-Unis également nous avons créé notre propre filiale de distribution. Sur d’au-tres marchés, nous fonctionnons avec des distributeurs indépendants, comme nous.

Ces distributeurs indépendants, n’ont-ils pas tendance à devenir portion congrue dans un univers des V & S où les circuits de distribution se concentrent beaucoup ?

Il en reste encore. Cette forme de distribution conserve toute sa pertinence même si elle réclame plus de présence sur le terrain, de la part de nos équipes marketing. Mais conserver l’indépendance de son circuit de distribution présente l’avantage d’être maître de son destin. Le désavantage, c’est de ne pas pouvoir profiter de l’effet levier d’autres marques fortes. C’est un arbitrage à faire. Je dirais qu’il faut considérer le mieux à long terme. Et le mieux à long terme pour une marque, c’est une croissance raisonnée de ses ventes. Cette indépendance est aussi le gage de garder une perception claire de la distribution de ses produits. Autrement dit, ce n’est pas le marché qui dicte l’existence de nos produits. Ce qui nous motive, c’est de produire le meilleur Cognac. Ensuite et ensuite seulement, nous identifions le client. Pas l’inverse. Nous ne créons pas un Cognac pour répondre à l’attente majoritaire des consommateurs. Quelque part, nous nous définissons comme une famille de producteurs de Cognac. Il s’agit d’une manière d’être. En cela, je pense que nous partageons une
assez grande proximité avec la maison Rémy Martin.

Comment se développent vos marques ?

Nous demeurons sur la même ligne, faite d’attention, d’héritage, de savoir-faire. Nous cultivons des gammes de produits très proches du terrain, que ce soient nos Cognacs de Borderies, nos assemblages très haut de gamme de millésimes ou nos Cognacs de l’île de Ré. La seule différence avec le passé, c’est que nous accentuons la diversification géographique. Si la Chine représente un élément contributeur de notre croissance, nous investissons, à notre échelle, lourdement sur d’autres marchés. Camus reste faible outre-Atlantique. Comme déjà dit, nous renforçons notre présence aux Etats-Unis. Nous accélérons aussi notre développement en Russie, au Vietnam. Tout cela pour assurer une croissance durable à l’entreprise.

Quelle place occupe le Cognac dans votre stratégie de croissance ?

Le Cognac reste bien évidemment notre activité principale mais nous avons beaucoup développé la distribution de vins français et étrangers. Nous distribuons des spiritueux chinois à travers le monde et notre activité Calvados connaît une belle croissance. Par ailleurs, nous demeurons un acteur dans le monde du brandy. Pour une société familiale comme la nôtre, il est important de s’assurer une certaine stabilité. Le Cognac demeure, malgré tout, un produit soumis à des cycles. Une entreprise doit avoir d’autres leviers de croissance, aussi bien géographique que dans d’autres catégories de spiritueux.

Pour se développer, faut-il encore avoir de la marchandise à vendre. Où en est la politique d’approvisionnement de Camus ?

Depuis maintenant quinze ans, nous avons conduit une politique importante et forte de couverture de nos besoins futurs par la mise en place de contrats. Certes, aujourd’hui, nous recourons un peu plus qu’avant au marché spot pour faire face aux prochaines années, mais ce pourcentage reste raisonnable.

Car nous sommes aussi dans un mode de croissance raisonnable. Et quand nous allons sur le marché spot, nous n’achetons pas n’importe quoi à n’importe quel prix. Il y a des chiffres que nous ne dépassons pas.

Par ailleurs, depuis déjà trois ans, nous avons accentué notre politique contractuelle, en faisant progresser le nombre de viticulteurs sous contrat. Aujourd’hui, nous avons plus de 200 partenaires viticulteurs, dans les six crus.

Comment se présentent ces contrats ?

Il s’agit toujours du même type de contrat. Ce sont des contrats de trois ans tournants, qui offrent une véritable visibilité tant sur les volumes que sur les prix. Les contrats s’articulent autour des comptes 00, 2 et 4, avec possibilité d’aller jusqu’au compte 6. Les volumes sont définis à l’avance. Le viticulteur peut établir son chiffre d’affaires et son plan de trésorerie sur les quatre ans à venir. Avec nos partenaires, nous travaillons en non-exclusivité. Nous ne demandons pas à nos fournisseurs qu’ils nous apportent tout leur disponible. Je considère qu’une façon prudente de gérer son entreprise est d’avoir plusieurs clients. C’est ce que nous recommandons à nos livreurs. Libre à eux ensuite d’affecter les volumes différemment et nous livrer un peu plus.

Qui sont vos partenaires ?

Ce sont des viticulteurs qui recherchent la stabilité dans la relation. Dans le passé, ils ont vu comment certaines maisons proféraient de grandes marques d’amour une année et vous oubliait l’année suivante. Certaines propositions n’engagent que ceux qui les reçoivent. Chez Camus, durant ces quinze dernières années, nous avons prouvé que nous étions capables de tenir nos engagements, dans les périodes fastes comme dans les périodes plus difficiles. En 2008-2009, non seulement nous avons maintenu l’ensemble de nos relations mais nous avons augmenté nos volumes d’achat et nos prix, parce que notre situation le permettait.

Dans un autre ordre d’idée, nous venons d’acquérir un vignoble d’une trentaine d’hectares dans les Borderies et nous avons l’intention de continuer, autant que faire se peut.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Sur le prochain exercice, nous tablons sur une perspective de croissance au moins aussi bonne et sûrement meilleure que celle de l’industrie du Cognac. Nos marchés sont bien orientés ainsi que nos produits. Quelque part, tous les efforts réalisés au début des années 2000 portent leurs fruits. Clairement, le développement du marché chinois tire la croissance des ventes de Cognac. Mais, en ce qui nous concerne, nous réservons également des volumes importants à d’autres marchés que le marché chinois. L’idée ! Que le « mix-produit » reste stable sur les marchés VS d’Europe et des Etats-Unis.

(1) Compliance : activité qui consiste à s’assurer de la conduite « irréprochable » d’une entreprise.

Extension des chais à La Nérolle
« C’est vrai, nous n’avons pas beaucoup de vide dans nos chais » commente en souriant Cyril Camus. La société a lancé une vigoureuse politique d’extension de ses capacités de stockage, qui se traduira en 2012 par 20 % de mieux, doublé du même pourcentage d’augmentation en 2014. Ces extensions concernent le site de La Nérolle, près de Segonzac, lieu exclusif de stockage de la maison.
Camus vend plus de 400 000 caisses par an. A la question sur le rendement Cognac – trop, pas assez ? – le P-DG de la société choisit d’abord l’esquive : « Je vous dirais ça dans dix ans » ; pour revenir à la question. « C’est toujours l’éternel problème. C’est vrai que si le taux de croissance se poursuit tel qu’il est aujourd’hui, nous produirions à peine ce qu’il faut. Mais les ventes vont-elles grimper de 10 % l’an pendant 10 ans ? J’ai de la peine à le croire. A ce jour, je pense que la production est tout à fait en phase avec les besoins. » Sur les prix, Cyril Camus insiste à la fois sur des prix « en concordance avec les performances » mais aussi sur la capacité à les maintenir dans le temps. Les prix pratiqués jusqu’à maintenant lui semblent répondre à ces deux critères
.

BIO :
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Né en 1971, Cyril Camus s’est formé aux Etats-Unis et en Chine. Il s’installe à Pékin et travaille pour l’entreprise familiale. En 1998, il revient en France pour occuper le poste de directeur du développement. Est lancé un programme de produits nouveaux dont Camus Extra Elégance ou la gamme île de Ré. Depuis 2003, C. Camus occupe les fonctions de P-DG de la société. La marque célébrera ses 150 ans en 2013.

 

 

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