Une fois n’est pas coutume. La campagne qui s’ouvre ne charrie pas son lot de nouveautés. Elle s’inscrit plutôt dans la continuité des précédentes, en tout cas pour ce qui concerne les éléments classiques de campagne (rendements, mode de calcul des surfaces, TAV, etc.). Les changements – il y en a – portent davantage sur la périphérie : dématérialisation des documents, nouveau régime des autorisations de plantation… Et là, c’est une autre paire de manches ! Gros effort d’adaptation en vue.
Le Cognac
Le rendement Cognac de cette campagne est fixé à 10,84 hl AP/ha. Ou plutôt à 108,40 hl vol./ha à 10 % vol. Ce qui revient strictement au même.
Mais, pour renforcer le lien du Cognac avec sa matière première d’origine agricole (le vin), il a été souhaité que le nouveau Cahier des charges Cognac publié en janvier 2015 intègre cette modification rédactionnelle. Dorénavant, pour exprimer le rendement Cognac, la littérature officielle utilisera la nouvelle terminologie.
Mais gageons que, dans les conversations régionales, l’alcool pur tiendra toujours la corde.
Pour mémoire, les 10,84 de cette campagne viennent après les 11,70 de la campagne précédente, soit un recul de presque 1 hl AP. Si l’on en croit l’outil de calcul du BNIC, mis en place en 2005, le rendement Cognac n’aurait même dû être « que » de 10,11 hl AP/ha. Mais les membres de l’interprofession ont préféré suivre le Business Plan Cognac, avec un mot seul d’ordre : « Ne pas surréagir ! ».
Comme l’an dernier, il n’y aura pas de réserve de gestion Cognac.
Sans changement, le rendement Cognac se calcule cru par cru, à partir des surfaces inscrites sur la déclaration de récolte. Pour apprécier le volume, est retenu l’alcool pur mis en œuvre et livré, et non l’alcool pur distillé (un point à rappeler, semble-t-il). Et bien sûr, si un viticulteur a trois crus, il devra indiquer sur sa déclaration de récolte le TAV pour chaque cru et non la moyenne des trois. « Pensez-y ! », a insisté Céline Rayer, responsable du Service de la viticulture du BNIC à la réunion des courtiers, le 9 septembre dernier.
Comme tous les ans, ce même Service de la viticulture du BNIC va envoyer, si ce n’est déjà fait, à chaque ressortissant son potentiel de production Cognac 2015-2016 qui recouvre, outre le rendement ha de l’année, le volume potentiel de réserve climatique constituable (7 hl d’AP en cumulé par hectare).
Le Pineau des Charentes
Le rendement moûts Pineau des Charentes s’élève cette année à 85 hl vol./ha (comme l’an dernier), à la différence près qu’il a été prévu, par décision interprofessionnelle, que les volumes entre 75 et 85 hl vol./ha fassent l’objet d’une mise en réserve de production.
A la réunion des courtiers du 9 septembre, Philippe Guérin, le président du Syndicat des producteurs de Pineau, a indiqué que la libération de la réserve de production interviendrait « au fur et à mesure des besoins ». Cependant, une date butoir a été fixée pour la libération de cette réserve : le 1er avril 2018.
Le niveau du rendement Pineau « produit fini » reste inchangé. Il est toujours de 42 hl vol./ha.
Les Vins IGP « Charentais » et « Atlantique »
Toutes couleurs confondues, l’IG « Charentais » répond à un niveau de rendement commercialisable de 90 hl vol./ha de vin clair + 10 hl vol./ha de moûts, bourbes et lies.
Pour l’IGP « Atlantique », le rendement peut atteindre 120 hl vol./ha + 10 hl vol./ha de bourbes et lies.
Par la voix de Jean-Jacques Häuselmann, le Syndicat des producteurs de vins de pays charentais a rappelé la nécessité, pour tout opérateur IGP Charentais, d’être identifié et habilité auprès de l’ODG (voir encadré ci-dessous).
Les VSIG (Vins sans indication géographique)
Dans la région des Charentes, il s’agit des vins qui ne produisent ni du Cognac, ni des moûts Pineau, ni de l’IG « Charentais » ou « Atlantique ». On les appelle ici les vins « Autres débouchés » et, depuis peu, les VSIG (Vins sans indication géographique), pour se conformer au vocable communautaire.
Pour ces vins, il n’existe pas de limite de production ou plutôt si, celle du rendement physiologique de la vigne. Afin de calmer les ardeurs et limiter les dérives, il y a 5 ans, en 2010, les représentants du monde viticole, réunis au Conseil spécialisé vins et eaux-de-vie de FranceAgriMer, adoptèrent une « charte de bonne conduite ». Toutes les régions françaises ont validé le principe que leurs VSIG ne dépasseraient pas les 180 hl vol./ha, sauf en Charentes où il a été admis que le rendement physiologique de la vigne puisse atteindre 250 hl vol./ha sur les cépages Vin blanc Cognac.
Ipso facto, dans le bassin charentais, le rendement butoir de 180 hl vol./ha s’applique aux cépages « autres que double fin », c’est-à-dire les Sauvignon, Chardonnay, Merlot…
Pour mémoire, le rendement des VSIG se calcule sur les vignes à partir de la deuxième feuille, alors que pour les destinations AOP-IGP (Cognac, Pineau, vins IGP), seules les vignes en troisième feuille sont prises en compte.
IG « Charentais » – ODG – Identification-habilitation des opérateurs : une obligation
Pendant les vendanges ou juste après, l’opportunité de revendiquer des volumes en IGP « Charentais » peut se présenter. C’est possible d’en profiter, mais il ne faut pas oublier d’être identifié et habilité en tant qu’opérateur IGP auprès du Syndicat des Vins de pays reconnu ODG.
A la réunion des courtiers du 9 septembre dernier, Jean-Jacques Häuselmann, le technicien du Syndicat des Vins de pays Charentais, a expliqué clairement la situation. Une opportunité se présente pour un viticulteur de vendre ou d’apporter des raisins, des moûts ou des vins à un négociant vinificateur ou à une cave coopérative. Il pensait les expédier en VSIG (vin sans indication géographique), mais finalement le degré, le rendement, le prix l’incitent à changer son fusil d’épaule. Il opte pour l’IGP « Charentais ». Il peut le faire car ses vignes répondent au cahier des charges de l’IGP (plantées à 4 000 pieds ha après 2001-2002). Généralement, un courtier est à la base de la transaction. A destination des courtiers justement, le technicien du Syndicat reconnu ODG a lancé une recommandation : « Avant de faire signer l’acte d’achat, vérifiez bien que le producteur soit identifié et habilité auprès de l’ODG ».
Et si tel n’est pas le cas ? « L’ODG se verrait obligé de bloquer la transaction en IG », a indiqué le technicien avant de livrer dans la foulée la solution. « Nous sommes réactifs et Certipaq, notre organisme certificateur, aussi. Normalement, l’identification et l’habilitation doivent intervenir au moins un mois avant la transaction. Mais pour fluidifier le marché, nous pouvons raccourcir les délais, à condition de recevoir très vite les documents. » Les documents ne sont que des « grands classiques » : fiche d’identification de l’entreprise, copie du Casier viticole informatisé….Si la démarche est gratuite au niveau du Syndicat, elle ne l’est pas auprès de Qualisud. Comptez un billet de 100 € pour l’identification et l’habilitation. Remarque de J.-J. Häuselmann : « Pour 10 hl vol., cela ne vaut peut-être pas la peine ». Encore que ! Une fois identifiée auprès de l’ODG, l’entreprise l’est définitivement.
Pourquoi ce problème d’identification se pose-t-il à l’IG « Charentais » et moins ou pas au Pineau et au Cognac ? Pour une raison simple. En ce qui concerne l’IG « Charentais », l’affectation parcellaire – qui oblige à anticiper les surfaces et donc les sorties – n’est pas obligatoire. Si déclaration d’affectation il y a, ce n’est qu’à titre indicatif. Car le vin n’obtient véritablement son statut d’IGP qu’au moment de la revendication. A l’inverse, pour le Pineau et le Cognac, la déclaration d’affectation fait partie intégrante de l’appellation. Pour le Cognac, elle oblige à se positionner à N + 1 et pour les moûts Pineau à N + 2, sans parler de l’eau-de-vie qu’il faut avoir réservée pour le mutage. Pour ces deux appellations, l’opérateur a donc largement le temps de se mettre en règle auprès de son ODG.
Repères :
● Distillation 2014-215 : 812 000 hl AP
• Stock actuel Réserve climatique :
75 000 hl AP
● Entrée 2014 Réserve climatique :
42 000 hl AP
• Nombre de stockeurs RC : 1 805
● Stock actuel Réserve de gestion :
97 000 hl AP
• dont, au titre de la récolte 2013 :
18 500 hl AP
Cognac – Sortie de réserve climatique : revue de détail
Depuis la campagne 2012-2013, la procédure de sortie de la réserve climatique fonctionne toujours de la même façon, en plusieurs temps.
➧ 15 décembre : pour le viticulteur intéressé par une sortie de réserve climatique, c’est la date avant laquelle il doit avoir soumis sa demande de sortie de RC au BNIC, l’interprofession du Cognac. Pour se faire, il aura au préalable pris la précaution de se munir de l’imprimé ad hoc, auprès du Service de la Viticulture du Bureau national. Il s’agit d’un simple document permettant d’identifier les personnes désireuses de libérer de la réserve climatique. Et que l’on ne s’étonne pas que le service de Céline Rayer ne réponde pas illico. La réponse – favorable ou défavorable – ne tombera qu’en janvier, après traitement de la déclaration de récolte et le rapprochement avec le seul motif de libération de réserve climatique : le déficit de rendement dû aux aléas climatiques. Existe aussi le motif qualifié de « force majeure », de nature « imprévisible, irrésistible et extérieure », tel le décès. Mais il ne répond pas à la même démarche.
➧ 15 avril : dans le processus de sortie de RC, il s’agit d’une autre date butoir. Le viticulteur doit retourner au BNIC obligatoirement avant cette date un document dûment complété qu’il aura auparavant reçu de l’interprofession, dans la mesure où il est admis à libérer de la réserve climatique (les autres, les viticulteurs « recalés », ne l’auront pas reçu et ne pourront donc pas l’expédier). Cet imprimé, dit de « mise en œuvre des vins Cognac », recueille les informations suivantes : vins Cognac ou eaux-de-vie mis en œuvre par le ressortissant au cours de la campagne de distillation, volume d’alcool pur que le viticulteur a l’intention de sortir.
➧ 30 avril : pour mémoire il s’agit de la date ultime pour déposer la Déclaration de fabrication Cognac et inscrire le volume réellement sorti de RC, volume qui doit être cohérent avec l’autorisation du BNIC. « C’est aussi la date ultime pour mettre sous bois les quantités de réserve climatique », précise Céline Rayer.
A noter que ces deux dates du 15 décembre et du 15 avril revêtent un caractère « impératif ». Autrement dit, après l’heure, c’est plus l’heure. Il n’existe pas de délai de rattrapage.
A l’issue de ce processus, une dernière étape existe : l’accord écrit de sortie délivré par l’interprofession. Il faut attendre cette autorisation formelle pour libérer réellement la climatique. Mais au moins, à ce stade, le viticulteur n’a-t-il plus à faire preuve d’initiative ou de vigilance à l’égard du calendrier.
(*) Le rendement s’apprécie sur l’ensemble des vignes Vin blanc Cognac de l’exploitation (il se raisonne cru par cru).
• dont, au titre de la récolte 2011 (compte 3) : 78 700 hl AP
● Nombre de stockeurs RG : 3 600
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