Réuni le 17 mars 2010, le conseil spécialisé « filière viticole » de FranceAgriMer a décidé de suspendre les aides aux investissements de chai, au moins pour un temps, du 1er avril au 31 octobre 2010. Trop beau pour durer ! Tout simplement, ces aides ont été victimes de leurs succès. Souvenons-nous du contexte de départ. Pour améliorer la compétitivité du secteur viticole – et dans la perspective d’un prochain démantèlement de l’ensemble des aides – l’Europe a doté l’OCM viti-vinicole 2007 d’un budget assez conséquent, réparti Etat par Etat. Chaque pays était libre de choisir les actions à soutenir dans une liste préétablie. La France a hérité d’une enveloppe nationale d’1,186 milliard d’€ sur cinq ans. Sur ce montant, elle a décidé de consacrer 165 millions d’€ à l’investissement vin (chai, mise en bouteille…), pour la période 2008-2012. Or, au 17 mars 2010, 240 millions de demande d’aide avaient été déposés par les opérateurs (viticulteurs, coopératives, négociants). En deux ans, l’enveloppe totale a donc été consommée à 145 %. En fait, les aides accordées (notifiées) seraient sans doute plus proches des 220 millions d’€ et même, in fine, de 200 millions d’€, une fois déduite l’érosion « naturelle » (rectification de taux, travaux non réalisés…). Il n’empêche ! Il s’agit bien d’un dépassement de ligne budgétaire. Confrontée à cet état de fait, la filière viticole a décidé de marquer une pause, ne serait-ce que pour laisser le temps à FranceAgriMer de digérer les dossiers en cours d’instruction (encore 1 200 dossiers à traiter sur les 2 460 reçus. Les services se sont engagés à avoir instruit 90 % des demandes avant la fin juin). Et après ? Professionnels et Administration vont mettre à profit les six mois qui viennent pour sortir un rapport d’étape, afin de voir quelles orientations prendre.
Une chose est sûre, inutile de compter sur une rallonge de l’Europe. « C’est totalement exclu » affirment les experts. Des enveloppes peuvent-elles être redéployées ? L’idée est naturellement dans tous les esprits. On pense notamment à l’enveloppe « Promotion vers les pays tiers », non entièrement consommée ou encore à l’enveloppe « Assurance-récolte », dotée de 5 millions par an (25 millions sur 5 ans). Or cette enveloppe perd grandement de sa finalité, dans la mesure où l’assurance-récolte intègre le second pilier de la PAC. Alors, au-delà du 31 octobre 2010, s’achemine-t-on sans coup férir vers une prorogation des aides aux investissements ? Pas si simple. Des sources proches du dossier estiment que « tout est possible, le jeu est très ouvert. Il dépendra des orientations politiques prises. Des aides pourront exister après le 31 octobre… ou pas ». Et tant bien même subsisteraient des aides, que dire des critères qui s’appliqueront. Forcément, ils seront différents des anciens. S’achemine-t-on vers une « priorisation » des investissements et laquelle ? Un système de péréquation se mettra-t-il en place et quel niveau d’aide maximum sera retenu : 20, 30 % au lieu des 40 % ? Si discussion il doit y avoir sur les critères, elle risque d’être musclée entre des régions aux objectifs différents. Au danger du « saupoudrage » dénoncé par certains répond le souci d’équité d’autres.
Le 17 mars dernier, c’est Jean-Bernard de Larquier* qui représentait les Charentes au conseil spécialisé de FranceAgriMer. Autour de la table, les professionnels se sont fait l’écho à la fois de la déception prévisible des porteurs de projets qui n’ont pas pu se glisser à temps dans le dispositif et du dynamisme d’une filière qui a su mettre à profit des aides « positives ». Région par région, l’aide s’est déclinée de la manière suivante : 45 millions d’€ pour la région Aquitaine, 45 millions d’€ pour le Languedoc-Roussillon, 32 millions pour la région PACA, 31 millions d’€ pour la Champagne-Ardenne,
20 millions pour la Bourgogne, 6,806 millions d’€ pour le Poitou-Charentes… Dans la région de Cognac, le dossier n’a vraiment démarré qu’il y a six mois, retardé qu’il fut par la question de l’inox 316. Au niveau national, une certaine concentration des aides a marqué la mesure. A cet égard, les statistiques sont révélatrices : 5 % des dossiers ont consommé 59 % de l’enveloppe. A l’inverse, 42 % des dossiers (en nombre) n’auront représenté que 4 % du montant des investissements.
Pour ceux qui, en ce printemps 2010, s’apprêtaient à déposer un dossier de demande d’aide à l’investissement mais qui n’ont pas eu le temps de le faire, quelle attitude tenir à l’orée de cette période transitoire ? Faut-il se dépêcher de déposer une demande, pour prendre date et se retrouver au sommet de la pile, au cas où les aides repartiraient ? FranceAgriMer ne souhaite ni créer de fil d’attente ni entretenir de faux espoirs. C’est pourquoi elle ne prendra pas en compte les dossiers de demande d’aide qui lui parviendraient à partir du 1er avril. Malgré tout, il sera possible de remplir un document dit de « déclaration d’intention » mais ce document ne sera doté d’aucune valeur juridique. Il ne suscitera pas davantage le retour d’un accusé de réception de la part de FranceAgriMer. Il permettra juste à l’organisme de gestion d’apprécier le volume des besoins. Au titre des aides, il ne servira à rien. Normal d’ailleurs ! Une jurisprudence bien établie ne dit-elle pas « qu’aucun dossier de subvention n’est rétroactif ». Pour prétendre à une aide, un dépôt préalable de dossier est toujours nécessaire. Ainsi, ceux qui voudraient quand même tenter leurs chances devront patienter jusqu‘au 31 octobre pour savoir si, oui ou non, le soutien aux investissements est restauré et sous quelles conditions.
une affectation différenciée cognac et pineau
Décidément, le sujet de l’affectation préalable est sujet à rebondissement. On se souvient que l’an dernier, la sortie tardive des cahiers des charges Cognac et Pineau avaient valu à la région d’éluder la question. La déclaration de récolte avait « valu affectation ». Que va-t-il se passer cette année ? Conformément à son cahier des charges, le Cognac devrait appliquer en 2010 une affectation préalable pour deux ans : pour l’année N (2010) et l’année N + 1 (2011). Réunis à l’ADG, les professionnels ont préféré « botter en touche ». Profitant du passage de la commission d’enquête INAO à Cognac, ils ont demandé à l’Institut national des appellations une dérogation, afin de retarder de deux ans le dispositif. Si l’INAO donne son feu vert, l’affectation préalable des vignes Cognac se fera au 30 juin 2010 pour la seule récolte 2010 ; au 30 juin 2011 pour la seule récolte 2011. Ce n’est qu’à partir de 2012 que l’affectation prendra sa véritable dimension : au 30 juin 2012, affectation pour les récoltes 2012 et 2013.
Le Pineau, l’autre appellation régionale, allait-il emboîter le pas au Cognac ? Eh bien non ! L’ODG Pineau a voté « un oui franc et massif » pour une application pleine et entière de l’affectation préalable dès cette campagne, selon les arcanes du cahier des charges. Le 30 juin prochain, les producteurs de Pineau affecteront donc leurs parcelles « moûts Pineau » pour deux ans, 2010 et 2011. Jean-Marie Baillif, président du Syndicat des producteurs, s’en explique : « Cette décision s’inscrit vraiment dans la logique globale de notre appellation, tant du point de vue technique qu’au niveau de l’état d’esprit. Pour élaborer du Pineau, nous avons besoin d’anticiper nos besoins d’eaux-de-vie d’au moins un an. Par ailleurs, la filière a toujours dit qu’elle ne voulait plus de producteurs opportunistes. Nous souhaitons des opérateurs qui s’engagent durablement dans la filière, qu’ils soient anciens ou nouveaux producteurs. Notre filière a besoin de stabilité et de visibilité, pour apporter un certain nombre de garanties aux viticulteurs, négociants, distributeurs. L’affectation pluriannuelle s’inscrit dans cette démarche, comme la recherche d’une qualité supérieure à travers notre plan de contrôle. Notre appellation grandit, s’affirme, gagne en maturité. » n
* Représentent les Charentes au conseil spécialisé FranceAgriMer J.-B. de Larquier, B. Guionnet et X. Desouche.
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