A l’assemblée générale des producteurs de Pineau, qui se tiendra à la salle des fêtes de Pons à 14 h 30 le vendredi 24 avril, il sera sans doute beaucoup question de fiscalité et aussi de réforme des appellations. Sur l’un et l’autre sujet, Dominique Bussereau est un interlocuteur de choix, d’abord comme conseiller général de Royan-est, circonscription fortement productrice de Pineau, en tant que président du Conseil général 17 mais aussi comme ancien ministre de l’Agriculture, celui qui initia la réforme de l’INAO. Le sujet fiscal reste néanmoins le sujet le plus chaud du moment. Car la loi de financement de la Sécurité sociale, votée en décembre 2008, a adopté le principe d’indexer la fiscalité des vins et alcools sur l’inflation. Ultra-fiscalisée, la catégorie des boissons intermédiaires – dont font partie le Pineau en tant que vin de liqueur d’AOC – est touchée de plein fouet par le changement. Depuis le 1er janvier 2009, la fiscalité du Pineau est passée de 214 à 217,21 € l’hl vol. Si rien n’est fait, on peut facilement imaginer ce que sera la fiscalité du Pineau dans dix ans, ne serait-ce qu’à coup d’1,5-2 % d’inflation l’an. L’indexation de la fiscalité des alcools sur l’inflation doit normalement servir à financer les retraites des personnes âgées. Sur une base 100, les vins de liqueur y contribuent pour 65 et les vins pour 35. C’est dire le poids discriminant de la fiscalité sur la catégorie. Dans un premier temps, la filière Pineau demande au Gouvernement de bloquer l’indexation sur l’inflation. C’est techniquement possible car toute loi de finance votée aujourd’hui peut ne plus l’être demain. Dans un second temps, la profession réfléchit au moyen le plus astucieux de détourner l’écueil. Et pour cela ses regards se tournent vers l’apéritif Martini. La marque de Vermouth fut soumise pendant longtemps à la fiscalité des produits intermédiaires, dans la mesure où les vins aromatisés étaient enrichis avec de l’alcool. Du jour au lendemain, elle a changé son mode d’élaboration, en abandonnant le mutage pour l’auto-enrichissement de ses vins par la cryo-concentration, méthode qui consiste à enlever de l’eau par le froid. Le Martini, apéritif en tout point industriel, est aujourd’hui taxé comme un vin. Pour le Pineau, la partie de la récolte distillée ne pourrait-elle pas être considérée comme de l’auto-enrichissement, non plus par le froid mais par le chaud ? Problème ! Aujourd’hui, l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin), l’instance technique désignée par la Commission européenne, ne reconnaît par la concentration par le chaud comme une pratique œnologique normale, contrairement à la concentration par le froid. La filière Pineau se bat pour inverser le cours des choses. Christian Baudry, président de la CNVDLAOC, la Confédération des vins de liqueurs d’appellation, fait depuis plusieurs mois le siège du ministère du Budget pour obtenir un rendez-vous. Car le ministre du Budget a la haute main à la fois sur la loi de finance et sur les relations de la France avec Bruxelles en matière fiscale. L’espoir du négociateur fiscal ! Que l’annonce de la venue du secrétaire d’Etat aux Transports à Pons donne un coup d’accélérateur à sa démarche. Peut-être, peut-être pas. Mais de toute façon l’homme est coriace et ne se laissera pas démonter par un contretemps : « Nous sommes dans une partie de bras de fer explique-t-il. Celui qui gagne n’est pas celui qui tient les dix dernières heures mais celui qui tient les quinze dernières secondes. » Si le Pineau a levé la grève des droits, il conserve encore dans ses caisses 14 millions d’euros. Et, paradoxalement, personne ne les réclame. Preuve, s’il en fallait, que la fiscalité des produits intermédiaires pose question, même à une haute administration fiscale qui, viscéralement, a horreur de se remettre en cause. D’ailleurs, Ch. Baudry n’est pas loin de voir dans l’attitude conservatrice de l’Administration – « ce que je fais est bien, ne changeons rien » – la principale explication du boulet fiscal traîné par le Pineau depuis tant d’années.
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