Lecteurs, songez que, du haut de ces lignes, un siècle d’histoire viti-vinicole charentaise vous contemple !

13 décembre 2024

Laetitia Adol

Comme vous le savez tous, notre édito n’est jamais signé… Un usage qui prévaut depuis les origines de notre Paysan, car c’est lui qui s’exprime, toute sa rédaction qui souscrit, au fil du temps (et maintenant des siècles), ses journalistes étant les passeurs exprimant les succès, inquiétudes, innovations, etc., la vie, tout simplement, d’une filière pluriséculaire.

Une fois n’est pas coutume, et à l’aube de notre centenaire d’existence, nous romprons avec cette pratique… Car oui, cela fait désormais 100 ans que mon arrière-grand-père, Pierre Lucquiaud, a créé Le Paysan Vigneron, en 1925. C’était un homme visionnaire, humaniste et entrepreneur à une époque qui le nécessitait… C’est en plein marasme économique (entre mécanisation de l’agriculture, surproduction, pertes de revenus et exode rural) et pour accompagner les agriculteurs-viticulteurs-éleveurs de la région que Le Paysan Vigneron est né. Car oui, nous n’étions pas à l’époque en présence d’exploitations spécialisées, la polyculture étant alors le modèle faisant foi. Et ce n’est pas tout ! Pour la petite histoire, il a également créé, toujours en 1925, une coopérative qui existe encore aujourd’hui pour porter le stock que les viticulteurs n’arrivaient pas à vendre, mais aussi et toujours à la même époque un organisme financier, le Crédit agricole du pays du cognac – qui a quant à lui disparu – pour aider les viticulteurs à financer leur activité. Une vision à 360° : l’information, la maîtrise financière et le collectif étant trois leviers à déployer en période de crise pour résister, voire favoriser la reprise. Le premier édito de juin 1925 décrit bien cette vocation, notre raison d’être :

 « Je me présente à vous tout de suite et sans façons : je suis LE PAYSAN, journal agricole indépendant, votre journal, puisque rédigé spécialement pour vous, agriculteurs et viticulteurs.

Saurais-je vous intéresser ? Ce doute m’émeut, mais pourquoi pas, après tout ?

Je désire tellement vous plaire car, sincèrement, je vous aime, paysans mes amis. Je me garderai bien de vous rebuter, en affichant la prétention de vous enseigner, dans de longues colonnes, la technique de votre dur métier ; sans prétentions didactiques et de caractère modeste, j’essaierai plutôt de vous distraire.

Ne craignez pas, non plus, que je heurte vos opinions politiques ou froisse vos opinions religieuses, si vous avez la chance d’en posséder quelqu’une.

J’aime L’ORDRE et suis un des plus dévoués partisans de l’union de toutes les bonnes volontés de ce pays. Tout le monde, dans votre maison, peut et doit me lire ; oui, il faut que toute votre maisonnée me connaisse et m’aime ; j’y tiens.

Je n’introduirai pas chez vous l’indiscipline et le désordre, non, cela ne le craignez point et, dans mon texte, je penserai à tous et à toutes, car je veux devenir l’ami de votre famille, puisque déjà le vôtre. Lisez-moi donc, et faites-moi lire !
A l’avance, du fond du coeur, je vous crie : “Merci !”.

LE PAYSAN. »

 100 ans après, rien n’a changé ! Né sous la plume de mon arrière-grandpère, Le Paysan Vigneron reste un journal indépendant dédié aux filières viti-vinicoles charentaises, ayant traversé les décennies en restant fidèle à sa mission originelle : informer, conseiller et accompagner ses lecteurs. Et avec un taux de pénétration meilleur que celui de Paris Match… une anecdote que mon père aimait partager alors que j’étais adolescente ! Certes, sur un périmètre local, celui des Charentes, mais quand même, ce n’est pas rien !

En mai 1949, Le Paysan est en deuil, perdant son fondateur : « Le Paysan perd un chef aimé et respecté ; toute l’équipe qui collabore le salue bien bas dans sa dernière demeure et s’emploiera de tout son coeur à continuer la tâche qu’il lui avait tracée ». Lui succède alors Pierre Lucquiaud, mon grand père, dans ses fonctions ; suivi par mon père, Bernard Lucquiaud. Ce dernier était particulièrement attaché au journal. Les journalistes qui l’ont côtoyé le considéraient comme un directeur « bienveillant » dont « la politesse caractérisait le mode de management ». Sa consigne : « nulle consigne éditoriale, nul contrôle sur le contenu, la seule recommandation consistait à être à l’écoute de la région et à en refléter le plus fidèlement possible sa réalité, ses attentes, ses aspirations ».

Encore un élément qui n’aura pas changé depuis les origines… Même si le temps passe, Le Paysan Vigneron aura traversé toutes les crises économiques, et notamment les plus illustres des années 70 et 90.

Le 31 décembre 2007, mon père décède des suites d’une longue maladie. C’est à moi qu’il revient alors de poursuivre l’histoire familiale. Dès janvier 2008, je me présente au journal et demande à l’équipe en place à l’époque, Catherine Mousnier et Lionel Ducom, si nous pouvons continuer cette belle aventure ensemble. Sans hésitation et forts de l’attachement qu’ils avaient pour le journal, nous poursuivons notre route.

J’ai ainsi repris le flambeau, 4e génération de directeurs de publication « bénévoles ». Chaque génération fait progresser la structure avec son équipe. Mon père a amené les premiers ordinateurs en 1991 dans la rédaction. Depuis, nous avons continué notre évolution pour rester attractifs
et répondre aux attentes de nos lecteurs : lancement du premier site Internet en 2010, présence croissante sur les réseaux sociaux, changement de logo, numérisation des archives et arrivée de l’IA au sein de notre prochain site Internet, autant de projets qui permettent de toujours se projeter dans l’avenir !
Avec la nouvelle équipe, jeune, dynamique, entreprenante et bourrée d’idées, Le Paysan Vigneron passe encore un cap et vous promet de belles surprises, à commencer par de nouveaux contenus, des expertises, mais aussi des événements pour ponctuer cette année de centenaire.

Dans le contexte et si cette année 2025 n’est pas la meilleure en termes de perspectives, nous savons que nous traverserons et résisterons ensemble aux vents contraires. Crises d’hier, d’aujourd’hui ou de demain, la filière a toujours fait et fera toujours front. Un éternel cycle et un Paysan Vigneron qui s’en fait le relais au fil des époques. Plus que jamais, à l’heure où la presse est en danger, s’abonner c’est s’assurer d’avoir encore demain accès à cette information, accès à un « journal agricole indépendant, votre journal, puisque rédigé spécialement pour vous ».

Tous les meilleurs voeux de la rédaction à vous toutes et tous qui nous soutenez depuis si longtemps et longue vie au Paysan Vigneron !

1925-2025, 100 ans déjà ! Projetons-nous aujourd’hui dans les 100 prochaines années !

En lien avec le Syndicat des pépiniéristes charentais, Le Paysan Vigneron a le plaisir d’offrir à ses partenaires, pour ses petits cadeaux de fin d’année, un plant de variété résistante, fruit d’un travail de recherche minutieux et patient, à l’image de nos belles eaux-de-vie. Si nous savons qu’elles sont encore, à notre image d’ailleurs, imparfaites, elles constituent aussi l’opportunité d’apprivoiser la transition des systèmes de production viticole, une occasion d’apprendre et de se préparer à l’avenir. Même si ces variétés ne disposent que d’un gène de résistance, avant une évolution future – et loin d’être immédiate – vers l’implantation de variétés polygéniques, il ne s’agit pas de planter des milliers d’hectares d’un coup, mais plutôt de profiter d’une avancée technique qui permettra de réduire nos intrants. Travailler avec ces variétés, les planter, c’est apprendre à les maîtriser, tout en apportant son soutien aux pépiniéristes, dans un contexte plus que tourmenté pour ces derniers !

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